Chapitre 44 : une nouvelle amie

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  Auriel maudissait sa lenteur et son manque de rigueur. À cause de lui, Natalia s’était faite enlevée, et presque sous son nez qui plus est. Cela faisait maintenant trois jours qu’il suivait les traces des kidnappeurs mais impossible de les rattraper. Son cheval était rapide mais peu endurant et le chevalier royal était obligé de faire des pauses fréquentes dans des ruisseaux, mares, étangs qu’il croisait pour le faire souffler. 

 La chance était malgré tout de son côté car il n’avait pas encore plu depuis son départ. Et leurs traces avaient été faciles à suivre, même sur les chemins pavés. Les chevaux avaient des besoins naturels comme tout être vivant et laissaient des marques de leur passage, et leur cavalier aussi. Ils faisaient halte sur le bord de la route le plus souvent ou non loin et, malgré leurs efforts pour effacer leur présence, Auriel arrivait toujours à les suivre. Il avait été formé par l’un des meilleurs traqueurs du pays après tout, même si cela avait été de très courte durée. De plus, il avait croisé plusieurs marchands et voyageurs qui avait vu le petit convoi qu’il suivait, et l’avait réorienté si besoin était.

 Il atteignit un carrefour au zénith de la quatrième journée. Le chemin pavé se séparait en deux maintenant : une partie se dirigeait plein Sud vers la frontière endaroennienne, l’autre vers le Nord-Est, la frontière katorienne. Le jeune homme descendit de sa monture et la laissa manger tranquillement pendant il cherchait la bonne direction. L'intersection était marquée par un panneau de bois qui indiquait les deux destinations. Devant celui-ci, Auriel examina le sol. Il y avait un peu de terre par-ci par-là, venant surement de sabots, mais rien qui indiquait vraiment le bon chemin. Elle était beaucoup trop éparpillée. Il s’avança un peu de chaque côté mais n’y trouva pas plus de traces. Son regard, alors qu’il revenait vers son cheval, se porta vers l’est. L'herbe était très haute dans cette direction : deux voire trois pieds par endroit. “Si je n’ai plus de trace sur la route, c’est qu’ils l’ont sûrement quitté. Cette herbe est assez haute pour dissimuler les empreintes de leurs montures” pensa-t-il en sautant dans celle-ci.

 Il se mit à genoux et fouilla frénétiquement. Juste une trace. Il lui fallait juste une seule empreinte pour en déduire la bonne direction. Et il la trouva. Son visage s’illumina de joie. Les kidnappeurs avaient continué plein Est. Il courut vers son cheval et repartit au galop. 

 Mais sa chance le quitta. Le lancier sentit une goutte toucher sa main, puis une autre, encore une. Il se mettait à pleuvoir. Auriel jura et accéléra l’allure autant que sa bête le supportait. Il fallait qu’il avance le plus possible avant de perdre définitivement la piste. Au coucher du soleil, il atteignit l’orée d’une forêt, toujours sous une pluie battante. Il vit quatre chevaux, sellés, harnachés, en libertés abrités sous un arbre. Les kidnappeurs avaient dû les abandonner avant de pénétrer dans les bois. Le chevalier royal descendit de sa monture, saisit le reste des provisions offertes par le couple de fermiers, et s’enfonça dans la forêt, toujours vers l’est. L'eau avait totalement effacé la piste qu’il suivait. Il avançait espérant qu’ils avaient poursuivi dans cette direction. 

 Après une avancée de seulement un lieu*, il s’arrêta sous un arbre, partiellement à l’abri et sortit une tente que les fermiers avaient mis dans son sac. Un éclair fendit le ciel. Elle était petite mais le protégerait le temps que l’orage passe. Une fois monté, il y étala un drap et se déshabilla afin d’essayer de faire sécher un peu ses vêtements et son armure. 

 Le froid, l’eau et le tonnerre l’empêchèrent de dormir correctement. Mais au petit matin, la pluie avait cessé. L'équipement du garde royal était loin d’être sec. Il l’enfila cependant très vite car il n’avait pas le temps d’attendre. Une fois prêt, son matériel rangé, Auriel s’enfonça plus profondément dans la forêt. 

 Le soleil arrivait à son zénith que le jeune homme perdait espoir. Il ne trouvait rien. La fatigue le fit tomber à genoux. Epuisé, légèrement malade, il ne savait plus quoi faire. Natalia avait totalement disparu. Il frappa le sol de rage. Au même moment, le lancier entendit un craquement de branche derrière lui. Il s’immobilisa, reprenant son calme et sa respiration. Il savait à peu près de quel arbre venait le bruit. Il saisit sa lance, s’en aida pour se relever, se retourna violement la projeta de toute ses forces dans l’arbre en question. Il trembla sous l’impact. Quelque chose en tomba, poussant un petit cri de douleur. 

 Auriel attrapa son arme et menaça l’intrus :

  • Qui êtes-vo... s’apprêtait-il à demander avant de se figer. 

 Ce qui avait chu des branchages était un enfant. Il portait une armure étrange en cuir, couvrant entièrement ses bras, ses épaules, le haut de son dos et sa tête, sauf ses yeux et sa bouche, mais son torse était totalement à nu. Cependant ce qui troubla le jeune homme était les jambes du petit être. Ses pieds étaient des serres d’oiseaux, semblables à celles d’un aigle. Un pantalon en tissu cachait le reste de ses pattes. 

  • C'est … 
  • Pitié ! Ne me faites pas de mal ! 

 C’était une voix féminine, toute douce, agréable, apaisante. Elle agitait les bras devant elle de peur. La petite chose effrayée tenta de reculer mais se retrouva bloquée par le tronc de l’arbre d’où elle venait. Elle tremblait de tout son être.

 Le lancier ne savait pas quoi faire. Il était troublé. Cette enfant était un démon, il en était sûr. Mais elle était jeune, la dizaine, peut-être plus, si ces monstres grandissaient vraiment comme les humains. C'était la première fois qu’il se retrouvait face à un démon, hormis sa sœur. Mais il n’éprouvait aucune haine contre elle. 

  • S'il vous plait, supplia-t-elle, la voix tremblante.

 La lance noire la menaçait toujours. Auriel s’accroupit et posa son arme à côté de lui. 

  • Calme-toi. Je ne te veux aucun mal.
  • Vous mentez... tous les humains que j’ai rencontrés ont toujours essayé de me tuer...
  • Qui es-tu ? D'où viens-tu ?
  • Je... 
  • Moi, je m’appelle Auriel. 
  • Sa... Sarah.

 Elle tremblait toujours, les mains serrant ses bras, les jambes repliées contre son torse. Son ventre produisit un gargouillement très bruyant. La petite démone cacha son visage dans ses genoux.  Le garde royal éclata de rire. Il se leva et alla chercher son sac. Il en sortit sa dernière ration et la lui tendit.

  • Tiens, reprit-il. Mange.

 Elle attrapa, le déballa et commença à s’empiffrer. Le jeune homme en profita pour s’asseoir à côté d’elle et attendit. La petite démone engloutit le repas en quelques minutes.

  • Merci, fit-elle timidement, d’une voix faible.
  • Je t’en prie. Dis-moi, que fais-tu ici toute seule ?
  • Je... je me cache.
  • De qui ?
  • Des humains.
  • Je ne sais pas comment ça marche chez les démons, mais tu es jeune. Tu n’as pas de parent.
  • Je n’ai pas connu mon père... ma mère était humaine...
  • Quoi ?!

 Cette révélation choqua Auriel. Une semi-démon ? Cela existait vraiment ? Comment était-ce possible ? Les Hommes et les démons se haïssaient depuis des siècles. Même si certains ne les détestaient pas vraiment, un rapprochement de ce type était invraisemblable. Un enfant né d’un démon et d’une femme.

  • Mais... bégaya le garde royal. Comment ?
  • Je... je ne sais pas... ma maman était heureuse avec moi. Nous vivions à deux. Je restais cachée dans la maison, j’avais le droit de sortir de temps en temps la nuit... c’est elle qui a fabriqué ça, termina-t-elle en serrant ses mains couvertes de cuir.
  • Qu'est que c’est ?
  • Des... des protections. Maman me les a données pour cacher... et pour que je...
  • Pour te cacher ?
  • Oui, ma maman était enchanteresse. 

 Une enchanteresse. Ces mages sont rares et spéciaux. L'enchantement est une branche de la magie de l’éther. Elle permet de donner des pouvoirs à des armes, des armures, tout type de choses. Il était possible de créer une relique, le nom que portait les objets enchantés, avec la magie de l’enchanteur, ou une magie élémentaire provenant d’une autre personne. Ces équipements étaient après cela dotés de capacités magique utilisable au prix de la magie de son possesseur.

  • Mais du coup, reprit Auriel. Elle te...
  • Oui. Ma magie est drainée en permanence pour que j’ai cette apparence.
  • Cette apparence ? pensa-t-il. De quoi parle-t-elle ?
  • Et toi ? S'écria-t-elle soudainement. Pourquoi t’es ici ?

 Le jeune homme fut surpris par cette élan de vie dans sa voix toute douce.

  • Je cherchais une amie très proche. Des méchants l’ont enlevée chez elle. J'étais censé la protéger, mais j’ai échoué.
  • Une fille aux cheveux brun ? Avec quatre hommes ?
  • Oui ! C’est exactement ça ! Comment le sais-tu ?
  • Je les ai vu passés, il y deux jours. Je sais où ils campent. 
  • Ils sont toujours là ?!
  • Oui, je les avais suivis jusque leur camp. J'en revenais quand tu m’as trouvé.
  • Moi qui avais perdu espoir. Tu es géniale, Sarah ! Peux-tu m’amener à eux ? Je dois la sauver.
  • Oui. Suis-moi.

 Elle se leva et fit quelques pas avant de l’attendre. Il ramassa sa lance et la suivit sans perdre de temps.

 La nuit était tombée quand Sarah s’arrêta brusquement. Auriel aperçut de la lumière devant eux. La semi-démone chuchota en pointant du doigt :

  • Leur campement est juste là, derrière les buissons.
  • Merci beaucoup. Reste là, je n’ai pas envie que tu sois blessée. Je reviens vite avec elle et nous partirons.
  • Moi... moi aussi ?
  • Oui, bien sûr, termina-t-il en souriant. Tu m’as beaucoup aidé, je ne vais pas te laisser toute seule dans cette forêt. 

Il s’accroupit et s’approcha doucement. Caché derrière un arbre, il observa le camp. Il y avait une dizaine de tentes, en cercle autour d’un feu, sauf une, qui se trouvait légèrement en retrait. Il compta dix brigands. Ils ne semblaient pas avoir d’emblème affichant leur appartenance au Kator ou à l’Endaroen. De simples bandits n’auraient pas pu enlever la princesse aussi facilement. Quelque chose clochait. Qu'attendaient-ils ici ? Des renforts peut-être ? Si c’était le cas, il fallait faire vite. 

Il avança au plus proche de la tente isolée, toujours dissimulé dans les feuillages. Aucun kidnappeur proche de lui. Il sortit discrètement et se plaqua contre la toile. Il dégaina son épée et fit un petit trou. Malheureusement, il ne voyait pas grand-chose, hormis un morceau de la robe de Natalia. Sans réfléchir, il découpa la tente et entra. Son visage se figea.

(* rappel : un lieu = 10000 pieds donc 3 kilomêtre)

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