Chapitre 35 : la mission

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    Auriel remplissait son sac. La nouvelle était tombée trois jours auparavant : Le commandant l’emmenait pour qu’il termine sa formation et faisait de lui son élève au sein de son bataillon. Il était content. Il avait à peine seize ans et allait déjà partir, alors que la plupart des autres étudiants de sa promotion devraient attendre encore un mois avant d’être sélectionné par une unité. Les capitaines et commandants passaient en revue les dossiers et résultats notés par le sage responsable, puis sélectionnaient ceux qui leur convenaient. Premier arrivé, premier servi bien sûr.

  Malgré la joie qu’il éprouvait, il ressentait de la tristesse pour la princesse. Son état le préoccupait. Il n’avait rien dit mais il était sûr que son évanouissement et les cicatrices étaient liés. Même s’il cherchait toujours à savoir pourquoi elle et sa sœur possédaient ce lien, et jusqu’où pouvait-il aller. Est-ce qu’un jour Médusa lui parlerait à travers Natasha ?

  Ses bagages terminés, un sac rempli de vêtements et de quelques équipements, il saisit la lance de son père. En sortant, il tomba nez à nez avec la princesse, lui faisant une expression peu satisfaite, mécontente même. Elle entra, observa la chambre. Son regard se posa sur le sac d’Auriel.

  • Tu comptais partir sans dire au revoir ?
  • Euh... avec ce qui s’est passé il y a deux semaines, plus la reine qui demandait à que tu te reposes, je ne voulais pas te déranger.
  • C’est elle qui est venue me prévenir, pour me sortir du lit.
  • Tu vas mieux ?
  • Oui, bien mieux, répondit-elle avec un grand sourire.
  • C'était lié à Médusa ?
  • Oui, dit-elle en baissant la tête.
  • Que s’est-il passé ?
  • Je suis allée dans son cauchemar.

  L’adolescent écarquilla les yeux, surpris.

  • J'ai vécu... à travers ses yeux... l’attaque que tu as avec le traqueur... j’ai ressenti ses émotions, encore une fois... mais surtout la douleur...

  Elle était au bord des larmes. Se remémorant la scène, elle serra ses épaules.

  • J’ai senti les clous de fer s’enfoncer dans sa chair comme si c’était la mienne... ses bras se déchirer comme si c’était les miens...

  Auriel resta interdit. Il ne savait pas quoi dire. Cela allait beaucoup plus loin que ce qu’il avait imaginé. Il allait parler mais elle le coupa en s’essuyant les yeux :

  • Mais ça va mieux. La douleur est partie. Et je ne suis pas retournée dans ses rêves depuis.

  Techniquement, elle ne mentait pas. C'était Médusa qui était venue la voir. Mais encore une fois, elle ne voulut pas révéler cette information, même à son ami. Elle avait vu une autre facette du monstre qui la terrorisait avant. Elle n’en avait presque plus peur. Elle voulait même apprendre à mieux la connaitre, peut-être même l’empêcher de recommettre des carnages et la réconcilier avec Auriel. Mais c’était trop tôt. Il fallait attendre un peu, travailler avec la démone d’abord.

  • Mais, tu allais partir sans dire au revoir, répéta-t-elle.
  • Non, je vous promets princesse...
  • Stop ! Tu recommences !
  • Pardon. Je comptais passer dans tous les cas. Si la reine ne me l’avait pas interdit.
  • J'espère bien. Tu vas où ?
  • Là où le commandant m’emmènera. Je ne connais pas encore notre destination. La seule chose que me rend triste, c’est qu’il combat le plus souvent le Kator et l’Endaroen. Affronter des hommes ne m’intéresse pas.
  • Les démons sont très puissants.
  • Je sais, mais je veux retrouver Médusa. Et l’empêcher de faire du mal à d’autres familles. S’il le faut, j’espère avoir le courage de l’arrêter définitivement cette fois.

  La jeune fille ne savait pas trop quoi répondre. Elle changea de sujet :

  • On se reverra ?
  • Bien sûr. Je reviendrai, ne t’inquiète pas.

  Elle l’enlaça. Il resta immobile quelques instants puis répondit au câlin. On toqua à la porte. La princesse lâcha Auriel et recula de quelques pas. Celui-ci répondit et la reine entra :

  • Bonjour, ma reine, salua l’adolescent en s’inclinant.
  • Bonjour Auriel. Comment vas-tu ?
  • Très bien merci. Que faites-vous ici si je puis me permettre.
  • Je viens te dire au revoir moi aussi.

  Ils sortirent et se rendirent devant le château en discutant, escortés par les gardes royaux. Dans la cour, Samael attendais avec une charrette, accompagné par Antoine et Lucas.

  • Tu en a mis du temps, lança le haut-gradé à l’adolescent.
  • Excusez-moi mon commandant.

  Il posa ses affaires à l’arrière de la charrette et grimpa avec les deux autres apprentis en les saluant. Le soldat confirmé salua la reine et la princesse et monta à l’avant. Il fouetta les rênes et l’attelage partit au grand galop.

  Ils sortirent de la capitale et roulèrent tout le reste de la journée vers l’ouest, faisant de nombreuses pauses pour les chevaux. Au crépuscule, ils atteignirent un campement aux abords d’une forêt. Une vingtaine de tentes rectangulaires, de trente pieds de long, étaient séparées en deux lignes, formant un chemin menant à une vingt-et-unième tente, plus grande que les autres et ronde. Sur la droite de l’allée, un petit terrain d’entrainement, rempli d’hommes en activité.

  La charrette s’arrêta et un homme torse nu, en short les interpela :

  • Bonsoir mon commandant, vous êtes enfin de retour. C’est pas trop ! Du coup, c’est eux nos nouvelles recrues ?!
  • Tu cries encore à cette heure, Alexis, soupira-t-il. Pour te répondre, oui, ce sont eux.
  • Bienvenu les mômes !
  • Ravi de vous rencontrer monsieur ! firent en chœur Auriel et Lucas.
  • Pas de monsieur avec moi, appelez-moi Alex. Ou si vous tenez vraiment à respecter le protocole : lieutenant.

  Samael descendit de la charrette et invita les trois jeunes hommes à en faire de même. Ils commencèrent à avancer vers le fond du camp.

  • Je vais vous briefer tout de suite sur la mission que vous allez accomplir. Alex, du nouveau ?
  • Oui. Nous savons où ils vont recruter et quand. Mais ce qui nous inquiète le plus, c’est qu’ils semblent vouloir précipiter les choses.
  • Comment ça ?
  • Je vous le dirais après, on sait jamais.
  • Certes, et avant que tu nous rejoignes, vas t’habiller !

  Il s’examina un instant et disparut. Les autres se dirigèrent vers la tente de commandement. En entra, ils aperçurent une grande table en chêne massif, recouverte par une immense carte. Sur le côté, des tonneaux remplis non pas de nourriture mais de parchemins et documents en tout genre. Tout au fond se trouvait un lit, encerclé de plans de bataille et de quelques armes. Et à part un coffre débordant de vêtements et tenues de combat, le reste de la pièce était vide.

  Samael jeta son paquetage sur le lit et s’appuya sur la carte centrale en invitant les jeunes hommes à s’approcher. Il posa son doigt sur la carte, a peu près au centre du pays, près d’une forêt.

  • Nous sommes ici, fit le commandant. Je vous ai sélectionné en avance sur votre formation car j’avais besoin de jeune gens pour une mission à haut risque. Vu votre âge, vous avez le droit de refuser, mais si vous acceptez, il n’y aura pas de retour possible.

  Les trois adolescents échangèrent un regard, puis se tournèrent vers leur supérieur, déterminés.

  • Parfait, reprit celui-ci. Connaissez-vous le groupe anti-Mythalone ?
  • Oui, répondit Antoine. C'est un groupe rebelle qui prétend que la famille royale est une fausse qui a usurpé le pouvoir à la vraie descendance de l’héroïne Médusa. Ils en auraient soi-disant des preuves, mais ne les ont jamais révélées. Et ils auraient à la tête de leur groupe justement cette famille.
  • Très bien, beau résumé. Tu es très bien renseigné. Tout ceci est parfaitement vrai. Mais récemment, nous leur avons infligé pas mal de coups durs, fait échouer des attentats, c’était d’ailleurs à la base la raison de ma présence à la capitale. Mais je me suis fait avoir et je vous ai donné une petite formation. Cependant ce fut bénéfique car je vous ai trouvé.
  • Mais du coup, que venons-nous faire ici ? L'interrogea Lucas.
  • Car ils ont un gros projet dans les prochaines années, et qu’avec les pertes que nous leur avons infligées, ils recrutent ! Intervint Alexis en pénétrant brutalement dans la tente.

  Il sa plaça à côté de son chef et reprit :

  • Tu permets ?
  • Vas-y, lui autorisa-t-il.
  • Merci. Donc, comme je viens de le dire, nos quelques espions nous ont informés que ces rebelles prévoyaient un gros coup dans les années à venir. Cependant, pour une raison qu’on ignore, ils ont décidé d’avancer leur projet dans moins de cinq ans. C’est donc le temps que vous aurez pour cette mission.
  • Et du coup, que devrons-nous faire ? Demanda Auriel.
  • Une tâche extrêmement difficile. Comme je l’ai dit, nous leur avons infligé de lourdes pertes. Du coup, ils recherchent de nouveaux partisans. Et ils recrutent surtout des jeunes de votre âge.
  • Donc c’est pour ça que vous nous avez sélectionné aussi vite.
  • Oui, enchaina Samael. Quatre ans ça passe très vite. Il n’y a pas de temps à perdre. Vous êtes selon moi les trois meilleurs de votre promotion.
  • En effet. Et nous savons depuis quelques jours dans quels villages ils vont opérer bientôt. Vous aurez un mois de formation rapide sur les rebelles, avec des entraiments pour compenser le mois qui vous manque.
  • Oui, lieutenant ! Crièrent en chœurs les trois adolescents.
  • Vous êtes motivés, c’est très bien. Mais je vous préviens, vous n’aurez pas le temps de vous amuser. Je ne serais pas aussi gentil qu’à la capitale. Alex, montre-leur leur tente. Rendez-vous demain à l’aube. Termina le haut gradé.
  • Bien, mon commandant !

  Ils suivirent leur guide jusqu’à leur nouveau lieu de vie et s’installèrent.

---------------

   Natasha s’allongea dans son lit et fixa le plafond. Auriel était parti si vite. Cela la rendait triste. Elle aimait beaucoup sa présence. Elle se demanda si elle n’aurait pas dû lui pour elle et Médusa. Elle avait eu peur de sa réaction et n’avait pensé qu’à son départ, mais elle regrettait de ne lui avoir rien dit. Au moins, cela lui laissait du temps pour parler avec la démone. La princesse ferma les yeux et tenta de se remémorer la sensation qu’elle avait lorsqu’elle était partie dans l’esprit de la dardéone.

  Soudain, elle ouvrit des yeux dans un désert, en plein tempête. Le sable lui fouettait le visage par vagues successives. Le vent la frappa et la renversait, depuis toutes les directions. Il changeait tout le temps de sens. Impossible de rester debout, ou de se repérer dans ce maëlstrom. Une rafale la souleva du sol et la propulsa dans les airs. Elle atterrit la tête la premier dans la poussière rousse. À peine fut-elle redressée qu’une bourrasque la gifla, mais elle perçut une ombre qui avançait contre la colère de la nature. C’était Médusa, elle en était sûre.

  La jeune fille avança vers elle en hurlant son nom à de nombreuses reprises. Mais rien à faire le vacarme de la tempête l’empêchait de se faire entendre. Elle se rappela de la nuit précédente. Si la démone avait pu utiliser sa magie, elle aussi. Elle se concentra. La magie l’emplit. De la glace se forma autour d’elle et se rependit jusqu’à la femme-serpent. L’eau gelée forma une stalagmite juste devant elle. À ce moment, l’ouragan du désert disparut. La dardéone se retourna vers la source de cette sorcellerie. Elle parut fortement surprise Natasha à quelques pieds d’elle. Elle s’approcha et demanda :

  • Qu'est-ce que tu fais là ? Après la dernière fois, je ne m’attendais pas à te revoir dans mes cauchemars.
  • Qu’est que c’était ?
  • Une tempête que j’ai dû affronter lors de ma fuite dans le désert d’Oto. Mais pourquoi es-tu revenue ?
  • Malgré le fait que tu étais la source de mes cauchemars, tu m’as aidé. Je me suis dit que je pouvais au moins essayer d’en faire de même. Et qu’on pourrait devenir ami ?

  La démone resta interdite, mais la princesse sentit un faible espoir naître en elle, un espoir qu’elle devrait entretenir.

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