Chapitre 28 : Le monde des Démons

9 minutes de lecture

  Médusa fut soudainement réveillée par des tremblements de terre. Elle ouvrit les yeux, surprise, allongée sur le sol. Elle sentit la roche froide dans son dos. Elle n’était plus au chaud dans la fourrure du loup. La roche continuait de vibrer par intermittence. La démone se redressa en s’appuyant sur ses mains. À peine fut-elle relevée que quelque chose atterrit près d’elle avec violence. L’impact la planqua contre le mur et propulsa des morceaux de pierre dans sa direction. Elle para les débris grâce à sas bras. c'était le camarade de Drace. Il tournait le dos à la fille serpent. Il grognait. Il s’élança brusquement vers… « Drace ! » s’étonna Médusa.

 En effet il était bel et bien la cible du monstre. Celui-ci sauta, la gueule ouverte, prête à se refermer sur sa proie, mais le démon aux écailles blanches se propulsa en arrière grâce à de magnifiques ailes aussi pures que la neige. Larges, semblables à celles des chauves-souris, elles reflétaient la lumière de la lave sur le plafond de l’immense salle. Elles étaient recouvertes d’écailles donnant presque l’impression de voir des plumes. La démone resta hypnotisée par leur beauté, ne ratant pas une miette de ce combat. L’atterrissage de Mooniras fit de nouveau trembler le sol. Vraisemblablement mécontent de son échec, il repartit à l’assaut, courant à toute vitesse et essayant de mordre son opposant. Drace, lui se contentait de faire des bonds en arrière, le sourire aux lèvres, tournant autour de la pièce. Ils passèrent près de Médusa, qui remarqua un autre élément. En plus des ailes, son guide avait juste au bas du dos une queue touchant presque le sol.

 La démone commença enfin à se demander pourquoi ils se battaient. Elle tendit le bras vers eux, dans le but d’utiliser sa magie pour les arrêter. Elle se figea et écarquilla les yeux. Il y avait une main. Elle avait de nouveaux des mains. Elle orienta la paume vers elle. Elle était plus large qu’avant, plus grande mais les doigts étaient très fins, munis de griffes aussi noires que la nuit. Elles étaient longues, un demi pied au moins. Médusa plia ses articulations afin que les pointes se touchassent. Au contact, il se produisit un son cristallin aigu mais si pur. Elle recommença, écoutant encore une fois ce bruit. Son regard se porta sur son autre bras. Lui-aussi était à présent complet. Elle frotta les griffes les unes contre les autres. Il résonna une douce sonorité, presque une mélodie, ressemblant au son d’une arme sortant de son fourreau, mais plus simple, plus doux, plus élégant.

 Drace semblait avoir remarqué ces vibrations et s’arrêta. Le loup profita de ce moment d’inattention et attaqua. Il sauta sur le mur et prit appui. Ses quatre pattes se touchèrent presque. Il poussa sur celles arrière et se propulsa vers sa cible. Il referma sa machoire sur le démon aux écailles blanches. Le choc et l’impact firent trembler la salle de plus belle, soulevèrent de la roche et de la poussière. Des pierres tombèrent du plafond. Médusa se recentra sur l’action. Elle s’inquiéta pour le dardéone. Le nuage de particules se dissipa et la fille serpent fut encore plus surprise.

 Drace était debout, au milieu des crocs du monstre, tenant fermement deux canines entre ses griffes, maintenant sa gueule ouverte. Mooniras tenta de se dégager mais le démon le souleva, l’amena au-dessus de sa tête et le lâcha derrière lui, sur le dos, dans un vacarme assourdissant. La bête se releva, secoua son museau, sonnée par le coup, et fit aller sa mâchoire et sa langue, comme pour vérifier que tout était bien en place. Il s’assit, grogna et se lécha la patte.

  • Désolé mon grand… Tu m’avais demandé de me battre sérieusement, non ?… Bin oui et alors ?…
  • Tu vas arrêter avec ça…

  Il s’approcha de Médusa :

  • Alors ? Bien dormi ?
  • Oui, très bien, répondit-elle timidement. Je suis restée endormie longtemps ?
  • Presque sept jours.
  • Quoi ?!

 Elle écarquilla les yeux. Sa faim revint à la charge. Son ventre gargouilla. Elle plaça les mains sur son ventre. Drace éclata de rire et pointa de la griffe un tas de glace non loin. Celle-ci disparut et laissa apparaître un montagne d’animaux morts : des vaches, des bisons, des élans...

  • Tiens, sers-toi. Et n’hésite pas a gratter un peu de nérolite sur les murs.

 Elle avança lentement vers la nourriture, la bouche ouverte, laissant apparaître ses gencives noires, ses crochets. Sa langue fourchue siffla. Elle se jeta sur les carcasses. Elle déchira des morceaux de viande avec ses nouvelles griffes, goba la chair qu’elle arrachait. Sa machoire se disloquait comme celle d'un serpent lui permetant d'aveler de gros morceau de chair. Elle n’arrivait pas à se retenir. C’était bon. Elle dévora une grande partie d'un bison avant de s’arrêter, fixant le mur près d’elle. Elle s’en approcha et gratta la paroi. De la pierre noire tomba, qu’elle ramassa et avala.

 Après avoir fini de se sustenter, elle alla vers Drace. Mooniras s’avança vers le monticule d’animaux et en mangea quelques uns tandis que le démon aux écailles blanches prit la parole :

  • Alors, bien mangé ?
  • Oui, mais pourquoi j’ai eu envie à ce point de nérolite ?
  • Comme je te l’ai dit, on en a besoin. Elle nous permet de guérir plus vite, être plus fort. Cette pierre est un concentré de magie naturelle.

 Médusa regarda de nouveau ses mains. Elle étaient si différentes d’avant, si puissantes, faites pour tuer. Elle refit tinter ses griffes.

  • Mais quel idiot je fais. Je n’ai même pas présenté mon camarade. Voici donc Mooniras, un garcasse loup.

 Il aboya, apparemment heureux d’être enfin introduit, et vint s’asseoir près d’eux.

  • Heureuse de te connaître Mooniras. J’espère que malgré mon odeur, nous pourrons devenir amis.

 Il pencha la tête sur le côté, jugeant la démone du regard, puis émit un grognement.

  • « Nous verrons bien », il a dit, lui traduisit Drace. Ne t’inquiète pas, il est toujours méfiant. Quand je l’ai rencontré…

 Le loup tapa violemment de la patte, les babines retroussées, prêt a mordre si besoin. Son camarade reprit :

  • Il ne veut pas en parler, je comprends.
  • Que faisiez-vous avant que je me réveille ?
  • Oh, je l’entraînais. Ça te surprend ?
  • Un peu.
  • Oui, je peux comprendre. La plus part d’entre nous se contente d’utiliser notre force pur. Mais les humains passent leur vie à se renforcer afin de nous tuer. Il faut réagir sinon ils nous balayerons.
  • Mais d’après ce que j’ai vu, vous êtes déjà surpuissants.
  • Il y a plus fort que nous.
  • Sérieusement ?
  • Oh oui, j’ai déjà vu d’autres démons se battre et ils sont plus forts que moi.
  • Qui ?
  • La veuve noire par exemple. Elle avait disparu il y a vingt et un ans, puis elle est réapparue en dévorant l’une des reines humaines quatre ans plus tard.
  • Où est-elle maintenant ?
  • On ne sais pas. Elle était revenu sur Pandora deux ans après son attaque mais n’a plus donné signe de vie depuis, ou je ne suis pas au courant.

 Médusa s’interrogea sur cette veuve noire. Cette discussion avait créé en elle une curiosité intense pour cette démone.

  • Comment s’appelait-elle ?
  • Ça, je l’ignore aussi. J’étais trop jeune et sans retenue à cette époque. j’ai détruit bon nombre de villages sans faire attention aux autres.
  • Et quels sont les autres ?
  • Les dardéones ? Il y a moi, les humains me surnomme le dragon blanc. Donc la veuve noire, encore portée disparue… euh le centaure, aussi appelé Straos, un bourrin de première, qui d’autre… une femelle, Oriatia, baptisée la vautour. Gran, le géant de pierre…
  • Comment ça ?
  • Il se crée un colosse de roche et se cache a l’intérieur. Ensuite Minos, le minotaure, un ami de Straos, pas besoin de t’expliquer pourquoi, Typhoon l’hydre, Daijovy le kraken. Lui il est spécial, c’est un garcasse mais gigantesque. Il vit dans l’océan et personne ne peut le battre là-bas. Personne n’a d’ailleurs jamais vu son corps en entier. Je pense même qu’il s’agit à l'heure actuel du plus puissant démon.

  Médusa rigola, le nom de cette bête la faisait rire. Elle demanda :

  • Qui l’a appelé comme ça ?
  • Lui-même, répondit Drace avec un regard noir.

 Le démon ne semblait pas apprécier qu’on se moque des noms. La dardéone se calma.

  • Les noms ne sont pas des blagues.
  • Je suis désolée. Où vit-il ?
  • Dans les mers du nord. De temps à autre il descend et détruit les bateaux des hommes entre leur monde et le notre. C’est des moments de calme où ces lapins ne tentent rien car ils savent qu’aucun renfort ne leur parviendra.
  • J’avais une dernière question.
  • Vas-y, je t’écoute.
  • Pendant mon sommeil, un moment j’ai cru t’entendre parler et tu disais que les femelles étaient rares, pourquoi ?

 Il écarquilla les yeux. Mooniras ricana et s’allongea comme pour profiter du spectacle.

  • T’as fini !? Lui cria gentiment le démon aux écailles blanches. Oui. À l’origine, les femelles n’étaient déjà pas très nombreuses. D’après ce qu’on m’a dit, lorsque l’héroïne Médusa…

 La fille serpent tiqua à ce moment-là. Il le savait ? Elle déglutit alors qu’il continuait :

  • A repoussé les démons sur Pandora, nous avons perdu bon nombre d’entre elles. C’est l’une des principales raisons qui ont séparées nos semblables : La guerre pour la reproduction. Les umidas et les dardéones peuvent le faire ensemble, même si un dardéone préférera un démon puissant pour créer une descendance puissante. Avec toi, le nombre de femelles dardéone passe à trois. Mais hélas, les garcasses sont voués à disparaître pour cette raison. Il n’ont plus assez de femelles et ne peuvent pas se reproduire avec nous. Les humains ciblent les nids et les détruisent. C’est pour cela que j’ai décidé de me battre, de devenir plus fort.
  • C’est pour ça que vous m’avez recueillie ? Tu espères que je me… avec toi…

 Elle ne réussit pas à finir sa phrase, gênée. Le loup commença à se rouler par terre en aboyant à tout va. Elle regarda la scène comique. Son hôte lui ne rit pas et reprit :

  • Non, pas avec moi. Mais que tu trouves quelqu’un qui te satisfera et que tu nous aideras à survivre. Et toi là-bas, tu arrêtes !
  • Qu’est ce qu’il dit ?
  • Il se moque de moi, c’est rien.
  • Donc je suis la juste pour…
  • Ça, ça sera à toi d’en décider. J’ai toujours vécu avec mes propres choix et donc je considère que tout le monde peut en faire de même.
  • Donc les hommes aussi ?
  • Oui, mais être libre de ses choix ne signifie pas ne pas subir de conséquence.

 Ses mots étaient profonds. Médusa sentit dans sa voix de la sincérité, de la colère, mais aussi de la tristesse. Qu’avait-il vécu avant cela ? Sans une parole, elle retourna contre le mur et s’enroula sur elle-même. Cette conversation lui avait appris de nombreuses choses, ouvert les yeux sur le monde des démons. Mais l’histoire de la veuve noire l’intéressait au plus au point. Mais comment la trouver ou chercher plus d’informations. Il fallait qu’elle récupère plus de connaissances sur ce nouvel univers qu’elle venait d’intégrer.

 Sans qu’elle s’en rende compte, Drace s’était assis à côté d’elle. D’une voix calme et apaisante, il reprit :

  • Alors ? Que penses-tu de tout ça ?
  • Je suis un peu perdue, je dois avouer.
  • Ça ne ressemble pas au monde des humains, n’est-ce pas ?

 Elle se figea :

  • N’aie pas peur.
  • Mais comment as-tu deviné ?
  • Tu ne connais rien à notre univers, à la nérolite. Tu ne connais pas les autres dardéones et on n’a jamais entendu parler de toi. De plus, tu dis avoir perdu tes bras à cause des hommes, et tu es arrivée dans une ville sur la côté. Si tu as traversé la mer, sache que tu as tout mon respect pour cette exploit.

 Elle se cacha au fond des anneaux de sa queue, comme dans une petite grotte. Elle finit par sortir juste la tête et lui raconta son histoire.

  • Donc ils t’ont élevé dans le but de faire de toi une arme pour gravir les échelons de la noblesse ?
  • Oui… enfin je crois, je ne sais pas.
  • Ça ne m’étonnerait pas d’eux. Merci de ta confiance pour m’avoir révéler ça, dit-il en se levant et s’éloignant d’elle. Mais sache que maintenant, tu es avec les tiens. S’il le faut on te protégera. Reste ici aussi longtemps que tu le souhaites.

 Il parla ensuite à son camarade alors que Médusa se renfonçait dans sa cachette :

  • Mooniras, On y va.

 La fille serpent ne chercha pas à savoir où ils partaient. Essayant d’assimiler toutes ses informations, elle s’endormit très vite.

Annotations

Vous aimez lire Blacksephi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0