Chapitre 27 :  Le grand méchant loup

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  Médusa se figea. Son corps refusait de faire le moindre mouvement, paralysée par la peur. Face à elle était apparu dans le tunnel d’entrée un loup gigantesque. Il occupait presque toute la hauteur de l’ouverture. Il devait mesurer au moins quarante pieds au garrot. Son pelage était court, avec une petite crinière un peu plus longue lui donnant un large cou, quasiment entièrement noire avec des rayures un peu plus claires sur les flancs de la bête. Ses yeux, aussi sombres que sa fourrure, étaient à peine visibles.

 Drace s’approcha de lui, caressa le bas de sa patte avant et commença à parler tandis que le monstre baissait le museau vers lui :

  • Salut vieux frère. Comment vas-tu ?

 La créature émit un petit aboiement. La démone recula légèrement. Le loup ne sembla pas apprécier et s’avança d’un pas, à sa taille, en grognant, les babines retroussées, prêt à attaquer. Elle se figea de nouveau. Le dardéone aux écailles blanches se plaça devant son ami.

  • Du calme, mon grand. Elle est avec nous. N’aie pas peur, il est juste un peu méfiant, termina-t-il à l’intention de son invitée.

 La bête gémit. Elle semblait communiquer comme cela avec Drace.

  • Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda Médusa.
  • Il n’aime pas les serpents. Je suis désolé. Et ton odeur est…
  • Qu’est qu’elle a mon odeur ?

 Le démon s’approcha d’elle et commença à lui tourner autour en humant l’air bruyamment. Il revint vers le grand loup puis se retourna vers la fille serpent.

  • Que se passe-t-il ? s’inquiéta-t-elle.
  • Qu’es-tu donc ?
  • Je ne le sais pas moi-même ! s’énerva-t-elle.

 Il la jugea pendant quelques minutes qui parurent interminables à Médusa. Elle sentit la colère monter en elle. Quoi qu'il se passerait, elle ne fuirait plus, n’aurait plus peur et se battrait pour survivre, peu importerait son ennemi. Elle serra la mâchoire, et les mains si elle avait pu le faire. Ses serpents se figèrent en direction des deux démons. Le sol autour d’elle commença à trembler.

 Drace fronça les petites écailles qui lui servaient de sourcils. L’air se refroidit brutalement. La pierre se recouvrit de glace et immobilisa presque tout le corps de la femme serpent, mise à part la tête. Sa chevelure siffla et s’agita dans tous les sens. Médusa grelotta dans la seconde, incapable de bouger. La panique remplaça sa haine. Il avança vers elle et s’arrêta lorsque son visage se trouva à moins d’un demi pied du sien.

  • Écoute ma mignonne, si tu veux te battre pas, pas de problème. Nous tuions des humains bien avant que tu viennes au monde sûrement.

 Son ton était froid, autoritaire, dur. La démone déglutit. Elle examina la glace qui l’emprisonnait. Elle était d'une résistance à tout épreuve. Malgré ses efforts, elle ne parvenait même pas à ne serait-ce que la fissurer. Son regard se porta sur le loup qui semblait sourire, et même ricaner. Il se moquait. Il s’était assis et profitait du spectacle.

  • Alors ? Que décides-tu, ma mignonne ?
  • Je… Je… grelotta-t-elle incapable d'articuler plus.
  • Oh, excuse-moi.

 Le givre disparut comme par enchantement. Médusa s’écroula et s’enroula sur elle-même, frigorifiée, les bras serrés sur sa poitrine, les dents tremblantes.

  • Je m’excuse de t’avoir un peu brutalisée mais j’ai déjà eu affaire à certains de mes congénères peu sympathiques.
  • Comm… Comment ça ?
  • Tous les démons ne sont pas amis entre eux, contrairement à ce que les humains pensent. Il y a des tribus, des ennemis, des familles, des amis… Nous passons presque plus de temps à nous battre les uns contre les autres, qu’à vraiment résister à l’envahisseur. Il nous est arrivé de nous faire attaquer par des démons car nous avions, comment ils disaient déjà ? Ah oui, détruit leurs réserves de nourriture.
  • Pourquoi les… défendez-vous alors ? S’ils vous… attaquent, demanda-t-elle toujours avec les dents qui calquaient.
  • Selon moi, il faut bien que quelqu'un le fasse. À ce rythme, nous allons tous disparaître.

 Son regard se porta vers le grand loup qui s’était allongé contre la paroi de la salle, près de l’ouverture menant à la lave, la tête sur les pattes avant. Elle baissa le regard.

  • Je suis désolée… j’ai eu peur… les humains…
  • C’est eux qui t’ont coupé les bras ?

 Elle acquiesça d’un signe de tête. Il sourit, se baissa et passa les bras sous sa queue et ses épaules afin de la soulever. La fille serpent se replia sur elle-même, mais elle se sentait rassurée dans ses bras. Il se dirigea vers son compagnon et la déposa contre la fourrure de celui-ci. Il grogna faiblement mais ne réagit pas plus. Qu’il était confortable, et chaud. Médusa se revit chez elle, dans son lit, entendant son père à la forge, sa mère préparer le repas. Le sommeil la gagna. La dernière chose qu’elle vit fut son hôte qui s’assit à côté d’elle et la queue du monstre géant se rabattant sur eux telle une couverture.

 Elle se réveilla toujours blottie contre le loup. Elle n’avait pas aussi bien dormi depuis que tout cela avait commencé. Elle tourna la tête, encore partiellement endormie, même ses serpents pendaient sans vie sur sa tête, et croisa le regard du monstre. Il ne bougeait pas, le museau proche de la queue de Médusa. Sa respiration soulevait légèrement la démone à chaque inspiration, et la déposait à chaque expiration. Elle pensa au berceau dans lequel dormait son frère étant bébé, ce qui la fit sourire. Elle se replongea dans les bras de Morphée.

 Elle entendit des bruits de pas. Sans ouvrir les yeux, elle écouta. Les échos se firent de plus en plus proches. Ils étaient puissants et lourds. Ça ne pouvait pas être Drace. Les bruits s’arrêtèrent non loin d’eux. S’en suivit le son de… Médusa ne sut deviner ce que c’était, tomber au sol, plusieurs choses. Puis vint le silence pendant quelques secondes, avant que la voix de son hôte résonna :

  • Bonjour Mooniras. Ça alors, elle dort encore. Ça va faire bientôt trois jours.

 Vint le grognement du loup. Ils discutaient :

  • J’ai eu le temps d’aller chercher à manger. C’est quand même plus rapide en volant qu’en marchant… Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?… mignonne ? Oui je l’ai appelée comme ça… Je sais que c’est une femelle, et alors ?… Ah t’as cru que… ahahahaha ! Non… Je sais qu’elles se font rares… Mais tu vas arrêter oui ?

 Médusa crut presque entendre le canidé géant rire. Elle n’aurait jamais cru assister à une conversation de ce type, surtout si elle en était la cause. Elle était monstrueuse, sa peau, sa chevelure, sa queue, qui voudrait d’elle ? Peut-être que ces critères étaient appréciés chez les démons.

  • T’as bientôt fini de rire ? … Tu m’exaspères, tu sais… Bon tu veux quoi ? De l’élan ? Du bison ? Du mouton ?… Oui, bien sûr quand elle se réveillera. Je vais conserver la viande en att…

 La dardéone se rendormit sans s’en rendre compte. Cette sensation retrouvée, ce plaisir, cette joie, elle ne voulait plus jamais la quitter.

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