Chapitre 21 : Une grande femme

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  Auriel observa les alentours. Il se trouvait près du bord de la place, sur le pont passant au-dessus du canal et menant au quartier de la noblesse. Il était large, autant que la rue, avec une rambarde de pierre finement sculptée. Les habitants faisaient des aller-retours sur la place, entre les divers magasins et échoppes. La zone fourmillait de clients pour ces boutiques.

  • Je suis vraiment dans le passé ? se demanda-t-il.

 Il entendit des bruits derrière lui, de sabots, de roues cognant les pavés de la voie. Il se retourna et vit une cariole tirée par deux chevaux. L’adolescent ne pourrait pas l’esquiver. Le conducteur ne l’avait pas vu ? Il plaça les mains devant son visage, par reflexe pour se protéger. Le chariot le traversa. Il écarquilla les yeux et regarda l’attelage s’éloigner et se perdre dans la foule. Il tata son torse, quasiment tout son corps afin de s’assurer qu’il n’était pas blessé.

 Il s’approcha d’un passant et agita sa main devant lui, aucune réaction. L’homme continua sa route et passa même au travers de sa main. Auriel comprit sa situation. Il vivait l’histoire écrite dans le livre de l’apothicaire, donc il était juste spectateur et ne pouvait pas influer sur elle.

 Il aperçut une soudaine agitation de l’autre coté de la place et s’en approcha. Un cortège sortait du château et s’avançait vers lui. Une demi-douzaine de chevalier ouvrait la marche. Derrière eux, le carrosse royal les suivait. Il était sublime, entièrement blanc avec des reliefs et sculptures dorés dont certaines représentaient le soleil et l’orchidée. Une autre petite troupe de soldat clôturait le cortège.

 Ce riche fiacre n’avait cependant pas de toit, les occupants étaient à l’air libre et saluaient la foule.Bien que plus jeune, Auriel reconnut l’un d’eux. C’était le roi, ou le prince à cette époque. Il portait une tenue très similaire voire identique à celle qu’il avait la première fois qu’il l’avait rencontré à l’hôpital, mais sans la couronne. C’était son voisin qui la portait, son père. Il semblait avoir la cinquantaine. Ses cheveux et sa barbe commençaient à perdre leur teinte brune.

 Le cortège continua sa route et arriva près du parc où la princesse avait amené l’adolescent. Il s’approcha de l’entrée. Ce jardin était déjà très beau à l’époque. Cela se voyait qu’il était récent, le cerisier était encore petit, les arbustes de même. L’apprenti épéiste voulut voir si l’arbre aux branches étranges avait déjà cette forme en ce temps-là, mais il tomba face à une femme. Elle était chauve, premier point qui interpela le garçon, mais ce qui le choqua était sa taille. Elle était grande, bien plus que lui, d’au moins une tête et demi. Elle atteignait facilement voire dépassait les sept pieds de haut. Elle portait juste une simple tunique blanche et une culotte beige. Son visage allongé, mais surtout ses yeux de jade, rappelèrent à Auriel sa sœur. Il resta figé quelques secondes.

 Elle s’avança et arriva devant les premiers gardes de la troupe. Ils s’arrêtèrent. Les deux soldats de tête s’approchèrent de l’inconnue. Même eux paraissaient petits face à elle.

  • Excusez-moi, puis-je passer ? Je souhaite aller vers la place, demanda-t-elle en pointant du doigt la direction voulue.

 Elle avait une voix mélodieuse, presque enfantine.

  • Ecartez et inclinez-vous devant votre roi ! hurla l’un des chevaliers.
  • Mais pourquoi ? Je ne comprend pas. Je souhaite juste continuer d’explorer la ville. Puis-je passer ?
  • Que se passe-t-il ?! cria le monarque.
  • Votre majesté, cette femme refuse de se prosterner devant vous.
  • Très bien, emmenez-là !
  • A vos ordres !
  • Père, elle ne semble pas être d’ici. Elle n’a surement pas connaissance de nos us et coutumes…
  • Elle apprendra en prison. Tout le peuple de notre pays a conscience du respect qu’il doit nous montrer. Si ce que tu dis est vrai, elle ne peut venir que du Kator ou de l’Endaroen, dans ce cas, il s’agit peut-être d’une espionne ou d’une assassine.

 Deux des gardes la saisirent par les bras et se dirigèrent vers le château. Elle se laissa faire. Le prince lui lança un regard désolé, mais elle répondit par un sourire niais. Auriel s’apprêtait à les suivre, mais il fut immobilisé. Les écritures magiques apparurent autour de lui et commencèrent à tournoyer. Sa vision s’assombrit. L’adolescent s’époumona :

  • Non non non !! Je n’en ai pas vu assez, stop !!

 Il se retrouva dans le noir complet. L’apprenti épéiste regarda autour de lui et aperçut une lueur. N’ayant pas d’autre choix il s’en approcha et les ténèbres disparurent. Il était maintenant dans un couloir de pierre. Face à lui se trouvait une cellule fermée par d’épais barreaux de fer. La grande femme se tenait face à l’unique source de lumière de la pièce, hormis les torches, une petite fenêtre avec des montants d’acier. Elle semblait observer les étoiles.

 Il entendit des bruits venant d’un escalier plus loin dans le couloir. Le roi, ou plutôt le prince arrivait, accompagné d’un chevalier. Il s’arrêta devant la cellule, fit signe à son garde de s’éloigner, qui alla se placer à l’entrée du couloir, et demanda :

  • Bonsoir, comment vous appelez-vous ?

 Pas de réponse, mais elle se retourna vers lui. Il se gratta la tête et reprit :

  • Que faisiez-vous en ville ?
  • Je me promenais.
  • D’où venez-vous ? Du Kator ? De l’Endaroen ?
  • Plait-il ? Qu’est-ce donc ?
  • Vous ne savez pas, ce sont les pays voisins.
  • Les pays ?
  • Oui. Nous sommes presque en guerre contre eux. Vous n’êtes donc pas originaire de l’une de ces nations ?

 Elle fit non de la tête. Auriel était perplexe, et le prince aussi. S’il suivait l’histoire de cette femme, c’était surement la future reine. Mais elle semblait si ignorante du monde. Comment une personne avec aussi peu de connaissance et surement aucun sang noble pouvait-elle devenir souveraine ?

  • Je viens… euh… d’une tribu au delà de la mer.
  • Vous êtes née sur Pandora ? Mais dans quelle colonie ?
  • Pandora ? Si c’est comme ça que vous l’appelez, oui.
  • Mais où ?
  • Vers le centre du continent. C’est tout ce que j’ai le droit de dire.

 Le prince écarquilla les yeux. Il resta muet un instant.

  • Mais... mais comment faites-vous ? Les démons ne vous attaquent pas ?
  • Il suffit de ne pas les embêter, répondit-elle avec un grand souire

 L’adolescent resta médusé face à l’attitude de cette femme. Elle avait des mimiques, une manière de parler, un ton qui donnaient l’impression d’avoir devant lui une gamine géante. Et ses propos, qui était-elle? Même son interlocuteur semblait perdu face à elle, cherchant ses mots, bégayant parfois.

  • Puis-je... puis-je connaitre votre nom ?
  • Ah non ! Vous avez posé pleins de questions, maintenant c’est à votre tour de répondre.

 Elle croisa les bras, se pencha légèrement en avant et gonfla les joues. Même le prince semblait surpris.

  • En effet vous avez… partiellement répondu à mes questions. Je m’appelle Alphonse Mythalone, prince héritier du pays d’Ismar, fils du roi Arthus Mythalone et de la reine Alice Mythalone, descendant de l’héroïne Mé…
  • Euh, l’interrompit l’inconnue. Vous avez un nom très compliqué. Je dois vous appeler comme ça ?

 Il rigola :

  • Non non, jus... juste Alphonse si vous voulez. Et vous ?
  • Euh oui… je m’appelle Amélya.
  • Enchanté Amélya. Je dois maintenant vous laisser. Je suis content d’avoir discuté avec vous, ce fut très agréable. J’essayerai de convaincre mon père de vous relâcher au plus vite. Bonne soirée.
  • A bientôt.

 Le prince la regarda un instant, puis s’éloigna et retourna près de son garde du corps.

  • Michael, on y va.

 Une nouvelle fois, les écritures enveloppèrent Auriel et le plongèrent dans la nuit.

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