Chapitre 20 : retour vers le passé

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  La nuit était tombée. Les rues du quartier noble étaient éclairées par des lampadaires à la bougie de vern, une plante qui brulait très lentement. Les pas de l’adolescent résonnaient sur les pavés de la route, mais c’était les seuls. Il n’y avait personne d’autre, pas âme qui vive. C’était étrangement calme depuis qu’il s’était lancé à la poursuite de cet homme. Il était sûr que c’était lui, l’apothicaire qu’il avait rencontré dans le désert, sa tenue l’avait marqué.

 Malgré ses efforts, Auriel n’arrivait pas à le rattraper. A chaque fois qu’il gagnait du terrain, sa cible bifurquait à un embranchement. Lorsque le garçon tournait, l’individu le distançait à nouveau. Il le perdit de vue après une intersection. L’apprenti épéiste s’arrêta à l’entrée d’un boulevard. La voie était large, séparée en deux par une ligne de terre où étaient plantés des chênes et lampadaires, les uns après les autres, espacés de trente pieds. Les maisons étaient magnifiques, très grandes, faites d’une pierre lisse de couleur blanche, leurs toits étaient en ardoise rouge. Chacune était cerclé d’un splendide jardin, délimité par une haie ou un mur.

 Auriel avança et regarda autour de lui s’il apercevait l’apothicaire, mais rien, la rue était déserte. Cela l’inquiétait de voir aussi peu de vie autour de lui. La peur le gagna, il repensa à son enlèvement. Il porta la main à sa ceinture, voulant saisir son arme d’entrainement. Cependant il l’avait déposée ce midi à sa chambre avant que Nathaniel ne l'enmenna à l'académie magique. Il regarda frénétiquement autour de lui, craignant une attaque.

 Son regard se stoppa sur une petite maison, écrasée entre deux manoirs. Contrairement à toutes les autres, elle était construite en bois, du sapin à première vue. Un panneau en bois était fixé au-dessus de l’unique porte et représentait une fiole en ébullition. C’était la seule décoration d’ailleurs.

 L’adolescent s’approcha et posa la main sur la porte. Elle grinça et s’entrouvrit. Il termina de la pousser et observa les lieux. La pièce était éclairée par quelques chandelles. Les murs étaient tapissés d’armoires et d’étagères contenant des potions très colorées. Au centre de la salle, une table supportait des bacs remplis d’ingrédients, plantes et autres graines. Auriel s’approcha d’un comptoir situé au fond de la zone.

 L’homme en tenue multicolore sortit par la porte située juste derrière le bureau. Cette fois le garçon en était sûr, c’était bien lui. L’apothicaire demanda à l’adolescent :

  • Bonjour jeune homme, que puis-je pour vous ?
  • Je… que faites-vous ici ? bégaya-t-il.
  • Ceci est ma boutique, messire.
  • Vous avez une boutique ?
  • Bien sûr. Je ne pars dans le désert que pour récupérer quelques plantes rares.
  • Mais qui êtes-vous ? Pourquoi me suiviez-vous ?
  • Je vous l’ai déjà dit, je ne suis qu’un…
  • Arrêtez ! Vous voyagez dans un désert comme si c’était une simple promenade ! Vous trouvez les démons banals, ce qui signifie que vous en avez souvent rencontré ! Si je vous dénonçais, le roi vous ferait surement enfermer !
  • Et… quelles preuves avez-vous pour justifier vos dires ?

 Auriel déglutit. Son hôte émettait une pression étrange, il était beaucoup plus intimidant que la première fois. Et il avait raison, le seul autre témoin était mort à l’oasis. C'était sa parole contre la sienne, comment savoir qui mentait sans certitude. Et malgré sa haine, le roi voulait toujours des preuves. Rien qu'une petite preuve, mais il fallait qu'elle soit véritable. La peur saisit l'adolescent de nouveau. Il se sentait à sa merci.

  • Vous allez bien ? reprit l’alchimiste. Vous blanchissez à vue d’œil. Si vous voulez j’ai quelques remèdes pour…
  • Qu’attendez-vous de moi ?
  • Hmm… bonne question. Vous êtes direct, j’aime ça. Mais le problème c’est vous. Qu’espérez-vous de moi ?
  • Vous avez des informations sur Médusa ?! s’écria-t-il.
  • Pourriez-vous être plus précis ?
  • Ma sœur ?
  • Non, mais je sens qu’autre chose titille votre esprit.
  • Vous savez comment est vraiment morte la précédente reine ?
  • Vraiment morte ?
  • Oui, personne ne semble vouloir en parler. Tout ce qu’on nous dit c’est : elle a été dévorée par un démon.

 L’homme sourit à pleines dents. Il se baissa et ramassa un livre qu’il posa sur le comptoir. Sa couverture était intégralement grise, sans aucune inscription, titre, auteur, … Il tapota doucement le cuir protecteur puis reprit :

  • Qu’avez-vous à me proposer en échange ?
  • Euh… je ne sais pas. Vous savez vraiment ce qui s’est passé ?
  • Oui, j’ai tout enregistré là-dedans, fit-il en pointant son livre. Alors ?
  • Que voulez-vous ?
  • Connaissez-vous le principe de l’échange réciproque ?
  • Non.
  • Ça ressemble beaucoup à du troc, si vous préférez. Le principe est très simple : il faut fournir quelque chose d’équivalent à ce qu’on souhaite obtenir.
  • Donc en échange de ces informations…
  • Je demande votre connaissance.
  • Mais… mais… qu’ai-je donc à vous apprendre ? Je ne suis qu’un fils de forgeron.
  • Votre vie est plus intéressante que vous le pensez. Mais je souhaite en savoir plus sur votre sœur. Elle est de loin la plus fascinante. Voila donc le marché, L’histoire de la reine contre votre expérience avec ce démon.

 Auriel se figea. Il ne savait pas comment réagir face à cet homme. Il arborait toujours ce grand sourire. Mais qui était-il ? Et il était réapparu juste après que la princesse lui avait demandé de l’aider, pour résoudre le problème. Que recherchait-il ? L’adolescent réfléchit et commença à tourner dans la salle, à faire les cent pas. Qu’est-ce que ça lui coutait d’accepter ? Tout le monde était déjà au courant.

  • Très bien, j’accepte.
  • Excellent !
  • Mais comment voulez-vous que je vous raconte tout cela ? Je vous le conte ? Je vous l’écris ?
  • Mais non, je vais utiliser ma magie pour enregistrer votre récit, et vous transmettre celui que vous désirez.
  • Comment ?
  • Ma magie de l’éther est… spéciale, dira-t-on. Elle me permet d’écrire et de transmettre les histoires du passé. Approchez.

 Auriel s’exécuta, peu rassuré. L’apothicaire posa sa main sur son front. Celui-ci sentit quelque chose fouiller sa mémoire. C’était une sensation extrêmement désagréable. Il vit sa vie défiler dans son esprit à une vitesse ahurissante. Après quelques secondes, le jeune homme tomba à genoux, épuisé. Un terrible mal de tête le saisit. Il tambourinait dans son crâne, lui arrachant des rictus de douleur. Il se releva et regarda l’étrange mage. Il tenait une sphère translucide dans sa main, il chuchota :

  • Intéressant… très intéressant.

 Il ouvrit son grimoire et l’orbe créa des filaments qui commencèrent à écrire sur les pages. Au fur et à mesure qu’elle inscrivait, elle rétrécissait pour finalement totalement disparaitre à la fin de son œuvre. L’apothicaire tourna quelques feuilles, prononça une formule incompréhensible et annonça au garçon :

  • Voici votre dû.

 Les lettres et mots se décollèrent du papier et tournoyèrent autour d’ Auriel. Paniqué, il tenta de se dégager, mais il était immobilisé. Les écritures volaient de plus en plus vite. Il se retrouva dans le noir complet, le sol disparu sous ses pieds. Il chuta, hurla.

 L’adolescent commença à apercevoir de la lumière. Il se dirigeait droit sur elle. Il la traversa et apparut en plein milieu du ciel. Il continuait à tomber, sûr de sa mort imminente. Le vent fouettait son corps. Il se précipitait vers une ville. Auriel reconnut la capitale Distrie. A sa grande surprise, il atterrit sans douleur, sur ses jambes, aux abords de la grande place.

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