Chapitre 10 : l'apothicaire du désert

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    Le lendemain, au zénith, ils atteignirent le bord du désert. Auriel fut choqué par cet environnement nouveau pour lui. C’était comme changer de dimension. Le ciel et la terre étaient littéralement coupés à la fonction de la zone aride. Des nuages gris et orange alourdissaient l’air. L’herbe était remplacée par un sable rouille très fin. Pas une seule trace de vie à l’horizon. Au loin, à l’Est et à l’Ouest, ils pouvaient apercevoir d’immenses plateaux surélevés, aussi grands que la montagne surplombant la capitale. Un éclair fissura le ciel, faisant rugir le tonnerre quelques secondes plus tard. Le cheval de l’adolescent se cabra. Avec un peu de difficulté, il réussit à reprendre le contrôle de sa monture.

  • Impressionnant n’est-ce pas ?
  • Ce n’est pas le mot que j’aurais employé. Effrayant. L’air est… suffoquant.
  • C’est à cause de la magie. D’après la légende, l’héroïne se serait battue ici pour repousser les démons sur Pandora. Le combat fut si violent qu’il en résulta la création de ce désert et sa transformation en zone de magie naturelle. Elle est libre ici, et très violente. Fais très attention à tout ce qui t’entoure.

  Et ils repartirent. Ils chevauchèrent deux jours d’affilés. D’après Matthew, il fallait se presser car le temps était compté. Cela prendrait cinq jours de cheval pour traverser le désert et atteindre la mer. Ne sachant pas si leur cible avait un moyen de franchir l’océan, ils devaient l’arrêter avant qu’elle ne s’échappât.

 Au , Ils stoppèrent leur course près d’une petite ruine. Un mur de pierre assez large, soutenu par une colonne abattue, permettait de se protéger des vents du nord. Matthew installa sa tente contre l'abri de pierre, doublant l’espace disponible. Il attacha les chevaux près d’eux et leur donna le reste de foin qu'il possèdait. Ils étaient épuisés, respirant bruyement, tenant à peine debout. Le crépuscule leur offrait ses dernières lueurs. Le traqueur éloigna le garçon du camp avec ses armes et lui demanda d'en faire autant .

  • Attaque-moi, ordonna-t-il calmement.
  • Excusez-moi ?
  • Tu veux te venger ? Tu dois apprendre à te battre. Vas-y attaque-moi. N’aie pas peur. Montre-moi ce dont tu es capable.

   Auriel saisit son arme, une main sur la cordelette au milieu, l’autre entre celle-ci et la lame. Il s’élança pour frapper, pensant à toute la colère qu'il ressentait pour sa sœur. Il ne comprit pas ce qui se passa ensuite. L’adolescent se retrouva face contre sol, Matthew assis sur son dos, tenant la lance.

  • Eh bin donc… soupira-t-il. Magnifique lame.

  Il se releva et aida le garçon à en faire de même. Après lui avoir rendu son arme il lui expliqua quelques mouvements pour manier son javelot. Bien que vexé par cette défaite absolue, il écouta tous les conseils de son « maître » et les pratiqua avant d’aller se coucher. « Attaquer rapidement puis revenir en position défensive. La lance a une bonne allonge mais c’est aussi une faiblesse. » se répéta Auriel mentalement avant de s’endormir.

  Le lendemain, ils furent réveillés par des grincements étranges. Matthew se leva en sursaut, prit ses épées et sortit de la tente. Il fut suivi par le garçon quelques instants plus tard.

  • Bonjour Messires ! Belle journée vous ne trouvez pas ?

  Face à eux, un homme assis sur une charrette tirée par deux dromadaires les fixait. Sa cariole bâchée de couleur grise dissimulait son contenu. L’inconnu semblait assez vieux, une longue barbe blanche cachait la majeure partie de son visage. Un chapeau pointu élancé avec des dessins aux formes multicolores couvrait sa tête, un vrai arc-en-ciel. Une robe suivant les mêmes teintes que son couvre-chef l’habillait. Le menaçant de ses armes, Matthew l’interrogea :

  • Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?
  • Holà, calmez-vous Messire ! Je ne suis qu’un humble marchand.
  • Un marchand ? Ici ?
  • Oui, répondit-il en souriant. Il y a bien plus de passage que vous le croyez. On m’appelle l’apothicaire. Pour vous servir.

  Il enleva son chapeau, révélant son crâne dégarni, et fit un petit signe de respect à l’intention des deux hommes. Un silence s’installa. Le vieil homme se retourna et entra dans sa charrette. Le traqueur et l’adolescent se regardèrent, perplexes, sans savoir comment réagir face à ce visiteur. Ils entendirent l’inconnu farfouiller dans ses affaires. Il en ressortit avec un plateau de bois contenant quelques plantes, un mortier, un petit alambic et quelques fioles. Il s’assit à la base de la colonne abattue et commença à écraser quelques feuilles de son bouquet. Auriel l’interpela :

  • Eh ! Vous avez dit qu’il y avait plus de passage qu’on ne le pensait. De qui parlez-vous ?
  • D’une jeune femme par exemple. Pas plus tard qu’hier soir. Très belle, un peu jeune. Elle semblait perdue.
  • Avait-elle une queue de serpent ?
  • Hmmmm… Ah oui en effet, un détail je trouve.
  • Quelle direction a-t-elle prise ? demanda le garçon qui commençait à avoir du à pour garder son calme.
  • Euh… L’oasis je crois bien.
  • L’oasis ?
  • Oui, au Nord d’ici, à peu près deux jours de cheval, il y a un grand inselberg(*). Il surplombe magistralement l’océan et le désert, dont il subit les assauts répétés. Mais à son pied, coté sud à l’abri du vent et des tempêtes, la vie a refleuri et cette petite oasis est née.

   Auriel se retourna. Durant la conversation, Matthew avait commencé à ranger tout leur matériel. Dès qu’il eut fini, ils partirent, laissant l’apothicaire seul.

    Le soir arriva lorsqu’ils aperçurent enfin au loin la montagne isolée. Elle semblait en effet immense mais gardait cette couleur rousse, signature de l’endroit. A sa base une petite tâche verte. L’oasis était bien là, protégée par l’imposante formation rocheuse. Matthew s’arrêta brusquement. L’adolescent se retourna et hurla :

  • Que se passe-t-il ? il faut continuer !
  • Regarde derrière toi inconscient ! Une tempête de sable arrive.

  Effectivement un gigantesque nuage de sable approchait du nord. Il était si grand qu’ Auriel avait l’impression qu’il touchait le ciel gris orangé. Le mur de poussière avala l’inselberg, qui semblait bien petit face à lui. Des éclairs déchiraient, parcouraient constamment l’ouragan de particule.

  • Descends ! reprit le traqueur.
  • Mais on doit la poursuivre ! On est si proche ! N’y a-t-il pas moyen de passer et d’échapper à cette tempête ?!
  • Echappé à une tempête de sable ? Pff… Descends et aide-moi plutôt !

  Il s’exécuta. Les chevaux commencèrent à s’affoler. Matthew s’approcha des deux montures et posa ses mains sur leur front. Une fine lumière apparut et les équidés se couchèrent dos à dos, calme. Il prit la tente et la monta afin qu’elle pût couvrir la tête des deux destriers. Ils s’abritèrent à l’intérieur. Le sable les dévora à leur tour.

*inselberg: relief (colline ou un petit massif) isolé qui domine significativement une plaine ou un plateau subhorizontal.

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