18/04/2021 Tapaaminen

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"Vers 17h, les adultes se sont réunis à la salle des fêtes. Je m'en souviens parfaitement, parce que mes parents avaient prévu de me ramener à la maison un quart d'heure avant. C'est moi qui leur ai appris l'événement. Toute la ville devait le savoir sauf eux, avais-je ajouté. Ça les a pris au dépourvu. Organisés comme ils étaient, ça leur fichait une sacrée épine dans le pied, mais je leur ai dit que c'était bon, okay. J'allais attendre bien sagement dans le local jeune avec plusieurs potes. Il n'y avait pas de problème.

En revanche, on en a eu quelques-uns avec la retransmission. L'image grésillait, cafouillait un peu et certains éléments nous sont complètements passés au-dessus de la tête. En particulier quand la maire s'est mise à déblatérer sur la fierté et le courage des habitants. C'était long. Et chiant !

Heureusement, le reste a été plus intéressant.

La réunion a commencé en retard. Un comble quand on parle fierté et valeurs, mais passons. Il devait y avoir près de 200 personnes, c'est-à-dire presque toute la ville. Ankalaulaa n'était pas très grand, vous savez. Deux avenues, deux carrefours, une poignée de boutiques, un poliisiasema et l'école, qui, faute de mieux, faisait aussi collège. C'est normal dans le nord. Les villes sont très espacées et en cas de pépin... on se débrouille souvent par nos propres moyens.

Sauf que des moyens, dans cette situation-là, on en avait pas. Le pays entier non plus.

Une fois tout le monde assis, sur des chaises en plastique mou, dont Pietari, c'était le nom du frère d'Emppu, s'est plaint pendant longtemps ; la maire a commencé ses annonces. D'abord, on n'avait plus aucune nouvelle des autres villes. Elle avait essayé de joindre la municipalité d'une commune à 35 km de la nôtre, mais n'avait eu aucune réponse, ni par mail, ni par téléphone et encore moins par fax. D'ailleurs, et c'est un truc assez bizarre, on avait plus aucune nouvelle tout court. Les chaînes TV bouclaient sur le programme de la semaine d'avant. Les réseaux sociaux nous étaient interdits : notre pays ne figurait soudainement plus sur la liste des admis.

Enfin, "notre pays", c'est un bien grand mot. Il était très probable que seul Ankalaulaa était touché par ce phénomène. Sinon, vous ne seriez pas ici, la police aurait rappliqué, les journalistes aussi. Mais personne n'est venu. Personne ne pouvait.

Ce qui est arrivé aux parents de Mikko, est aussi arrivé aux lähetystöt. Chaque fois, qu'ils ont essayé de se tailler, la route les ramenait toujours vers la ville. Ils ne faisaient pas demi-tour, n'ont eu aucune hallucination ou franchi un quelconque tunnel de lumière, non. En voiture, comme à pieds, impossible de s'éloigner à plus de 10 km d'Ankalaulaa sans revenir sur ses pas.

Je me souviens très bien de la réaction des gens. Rien. Le silence seulement. Toujours avec ce sifflement. Ne vous étonnez pas, on est finlandais, pas français. Les démonstrations d'émotions, c'est un truc d'occidentaux. Enfin, il y a des limites. Parce qu'après les murmures, le baraqué en doudoune, aperçu dans la matinée, s'est levé pour pousser une gueulante :

- Vous vous foutez de notre gueule !? qu'il avait sorti. Vous nous croyez suffisamment cons pour croire à la magie. Je vous le dis messieurs dames, c'est un coup des Russes. C'est toujours eux. Ils ont dû micmaquer avec la météo ou créer une arme biologique et nous sommes leurs cobayes ! Qui irait suspecter quoi que ce soit si haut dans le nord, hein ? Hein ?

Il y a eu de vagues murmures, essentiellement de doutes, quelques rires nerveux aussi. Seule la vieille Jokinen a fièrement marqué son accord. Les Russes, toujours les Russes ! Depuis la Guerre Froide, ils sont partout, dans nos plaines et nos hangars. C'était lamentable et beaucoup dans le chat, n'avaient pas manqué de lui tailler un costard.

Après cette interruption, la maire a continué, impavide, fidèle à elle-même. Non, ce n'était probablement pas un coup de nos voisins. Il était plus probable que cela soit un incident météo. Ne vous inquiétez pas, nous allons solutionner le problème. Tout ça, tout ça."

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