[ ɛ̃ səɡɔ̃ fis ply ɛ̃tʁepid mɛ ʁadjøzmɑ̃ ɑ̃ɡwasɑ̃, kil nɔma fytyːʁ. ] (1/2)

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[saəɡat] Cérumorn ? Sera-ce à nouveau ta voix de papier qui se froissera ? Mais oui, quelle autre ? Évidemment qu’il s’agira d’elle ! Te voici, sur le point de me consigner au présent, autant rassuré qu’à la rature de ton millième brouillon ! Ce sera ton rôle une dernière fois, dans cet ici et, quoi que j’en décide, dans tous les maintenant possibles et impensables. Serons-nous donc déjà ici et maintenant ? Rendrons-nous à l'évidence… nous le sommes, oui ! Dire que pas plus loin qu’hier, je naitrai, et qu’alors, demain je n’étais déjà plus ! Le temps se joue, de moi de nous de vous, ses serviteurs… Vivre mille fois mille vies n’auront pas suffi à éviter maintenant ! Il y aura toujours un maintenant, certes. C’est inévitable. Et maintenant sera toujours trop court. Dépassé dès l’instant où il s’encre. C’est ainsi… « Quelle tristerie ! » bavera l'agaçante étrangère ! Et je lui donne raison quand s’annoncent nos dernières heures ! Déjà, l’Arbre Casuel ne projette plus qu’une sobre ligne, ombre fugitive de signes figés ! Sa branche courbe, s’étire sans ramification ni bourgeon d’espoir. Viendra la brise lorsque sèche la sève. La Voie Sans Fin s’estompera, ponctuée en segments coiffés d’un début, d’une fin, d’un début et d’une fin, oui… jusqu’au maintenant sans lendemain. J’échoue… D’aucuns t’auront accusée, l’étrangère ! T’auront abattue par dépit, rien que pour le goût satisfaisant du travail achevé à défaut de celui de la mission accomplie… Certains n’aiment pas goûter leurs échecs mais tâtent volontier du palais l’amertume du naufrage des autres. Qu’importe l’échec, tant que personne ne l’emporte ! Voilà qui est fort humain… Mais ce ne sera pas ma voie. Et te voici à suivre la tienne, étrange Löki ! Je t’appelle et tu viens, toi, instrument bien involontaire de notre fin ! Dix millénaires de travail réduit à néant par ta présence, ici et maintenant parmi tous les maintenant. Témoin indélicat du sacrifice inutile de ceux-qui-sont-nés-pour-rester-morts ! Je devrai bien l’admettre, certains événements résistent à tout contrôle. Les adeptes de l’œil-aveugle diront que le sort s’acharne ! Leurs cœurs naïfs ne sauront jamais lire les signes… Aurons-nous perdu tout ce temps et toute cette énergie à tenter de briser en vain leurs certitudes ? À écorcher les illusions, créer du désordre, semer l’incertitude comme l’on frappe du pied dans une fourmilière ? En vain ? Non. Même les fourmis apprennent des ravages de l’orage ! Et si, comme elles, nous ne déciderons pas du fléau, nous choisissons les détails. Tu es mon détail, Löki ! L’épine qui blesse et le dissipateur qui brasse ! Dans tous les maintenant possibles, tu n’auras pas toujours été, mais où que se seront portés mes regards, persiste cet inéluctable étranglement, ce goulot et son vortex, trou noir insondable dont personne n’échappe… sauf toi, peut-être ? Lorsque tu seras capable de nous prendre à défaut ? Le seras-tu ? Oui. Je le crois. Tu surprendras. Tu le dois. Il le faut. Je te choisis pour cette seule raison. Tu seras les détails qui comptent, parole de Mort-né ! Quand tu sauras, Löki, comme la fatigue m’accable ! Quand tu sauras le nombre de fois où nous nous serons rencontrés, le nombre débats que nous aurons menés, la quantité de questions et de réponses qui ne m’auront pas satisfaites… Tous ces maintenant comme autant de réflexions. Autant d’images renvoyées à l’infini en jeux de miroirs imparfaits. Abîmes d’incertitudes amplifiées. Reflets presques identiques de propos presques similaires qui se brouillent de loin en loin, à devenir méconnaissables à force d’infimes variations ! Oh oui, je me serai égaré. Maintes fois. Jusqu’à devenir vieillard troublé en ses mémoires, perdu. Mais avec toi, toi qui n'est rien ou si peu, nous serons peut-être… serons peut-être un peu plus que le vecteur d’une fin ? Alors, tu transformeras l’échec en victoire. Telle est ta voie. La nôtre suivra, quoi qu’il en coûte. Oui ! Oui… oui… Quand suis-je, déjà ? Ah, oui ! Il sera temps ? Bon sang, ne comprendras tu pas que je radote et m'écoute penser, Cérumorn ? Secoue-moi, parbleu ! Il est temps ! Inscris-moi au présent, vieil homme, par la Dualité ! Depuis le temps que tu as temps ! Nos vies sont, maintenant, dans les mains de cette jeune mortelle ! Quelle ironie... Demain, nous étions, Cérumorn ! Demain, nous étions ! Ce ne sera pas plus compliqué que cela, rassures-toi… À PRÉSENT,

— L’étrangère, Grand Dissipateur, l’étrangère se présente devant vous, ainsi que vous l’ordonnez ! M’entendez-vous, Seigneur Saëgath ?

— AVANCE, jeune Löki ! Et approche, toi aussi, Cérumorn, mon ami !

Le temps suspendu accrochait la poussière au silence des derniers rayons de soleils écarlates. La grand-nuit infiltrait son parfum de mort dans la salle d’extrapolation. Dans tous les mondes en devenir, elle n’avait jamais accueilli moment aussi solennel. C’est toutefois ce que j’ai pensé. La jeune étrangère, elle, était bien incapable de mesurer la gravité de l’instant.

— Grand Dissipateur, monseigneur Saëgath, roucoula laborieusement la voix fripée, vous voici enfin parmi nous !

— Oui, oui mon ami… Tu as bien servi notre voie, vieil homme, sois tranquille ! Et toi, Agnoran, ma fille, montre toi ! Il est bon de nous voir à présent !

— Père… ponctua l'insolente.

Ainsi vont les êtres… L’on passe sa vie à protéger les siens, ils vous gratifient d’une claque verbale et d’un regard oblique ! J’ai perçu sa colère, comme une trahison certes, mais je l’ai saisie. Je devrais rougir de honte, je l'ai même embrassée. Privilège de Mort-né, elle fit preuve, elle au moins, de cette capacité de me surprendre ! Par la Dualité et ses instruments dé-signés, ça m’a plu… cela faisait si longtemps ! Au point d’ignorer les signes, d’en oublier le présent… Oui, je n’aurais pas du, mais il était déjà trop tard pour modifier le cours de l’histoire. J’ai perçu son ressentiment et je ne l’ai pas fait peser dans la balance, mais à cet instant seule l’étrangère comptait, aussi, à mon habitude, l’ai-je ignorée.

— Que viens-tu faire ici, émissaire Löki de Moonabé, citoyenne du Consilium ?

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