[ œ̃ səɡɔ̃ fis plys◡ɛ̃tʁepid mɛ ʁadjøzmɑ̃ ɑ̃ɡwasɑ̃, kil nɔma fytyːʁ. ]

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[aɲɔʁan] Tenu ! Il a tenu le pauvre bougre ! Non, elle ! Elle ! Elle a tenu ! Tenue le temps qu’Alpha se lève ! Je savais ! J’ai tremblé, mais j’avais bien lu, lu qu’il, non qu’ELLE survivrait ! Pas aussi stupide qu’i… elle en a l’air, l'étrangère ! Dès qu’elle a chevauché le carouble, j’ai su que je ne m’étais pas trompée, qu’elle me donnerait raison ! C’était écrit ! Elle a tenu, s’est agrippée tant qu’elle a pu ! Ah… le visage qu’a tiré Tiriam quand il a vu se lever le soleil, quand il a vu se découper sa silhouette dressée dans le croissant aveuglant, quand il a compris qu’il s’était mépris, que sa parole l’avait trahi ! Crétin arrogant ! À me rabattre les oreilles à propos de Père, de ma position à tenir, à lancer à demi-mots ses accusations d’égolatrie, à parier sa prime de guet sur son extrapolation ! L’innocent ! Parier contre moi qu’elle allait s’effacer du présent ! Parier une vie ? Qui devrait apprendre à tenir son ego ? Innocent ! Pas prêt de la ramener ton extrapolation brinquebalante ! Même pas capable de voir au-delà du survisible… Bluffard, va ! Et quand Cérumorn a transmis le message, ordonné de la mener à Père, quand le message t’est parvenu, alors là, là, tu t’es pétrifié ! Toujours été un homme de peu de mots, Tiriam, mais quand tu as lancé l’appel pour lever les amarres, pour aller la chercher, c’est tout juste si t’as pu prononcer ton ordre… Tu t’es étouffé, as raclé de ta gorge sèche cette onomatopée, ce « Lèvlanc’ ! » bien graveleux. Serrée la mâchoire, à grincer des dents… Qu’est-ce que tu aurais fait si sa ligne s’était brisée, hein ? Qu’est-ce que tu aurais dit au Grand Dissipateur ? C’est ça qui t’a traversé l’esprit, n’est-ce pas ? Par la Dualité, tu n’as même pas effleuré l’idée qu’il avait déjà tout extrapolé ! Tout ce que tu as vu alors, c’est l’abîme de ta bêtise, l’œil-aveugle des cons posé sur ta certitude. Ton regard, ce regard fixe, fixe et vide… comment l’oublier ? Jamais vu un regard s’éteindre ainsi… comme s’il avait déclos, comme si ton monde s’était trouvé englouti dans tes yeux ahuris ! Comme le regard d’un noyé, non, moins brillant encore… Broute ta colère, Tiriam : je vivrai mieux tant que tu digères ! Comme Père ; les mêmes : droits et durs, comme deux vieux arbres secs qui résistent aux vents, jusqu’à briser ! Moi, je plisse aux vents. Ça vous échappe ! Aux deux ! Ah… ce vent ! C’est bien la seule chose qui vive ici ! Souffle, vent ! Caresse ma voie ! Porte-la ! Souffle ! Souffle mes doutes, balaie l’incertitude jusqu’à me baigner dans le signe, et ne plus rien penser, et me laisser flotter, comme nos balbuzards à l’œil affuté sur leur trajectoire mais libres comme l’air ! Souffle, balaie les sables, fouette mes joues, claque, pousse nos voiles ! Pousse ce glisseur droit sur l'étrangère, droit sur la voie qui s'ouvre ! S’ouvre à moi… Ais-je été un jour aussi sûre d’une chose ? Ais-je jamais été sûre de ma voie ? Instrument dé-signé… tsss ! comme si c’était un honneur… comme si vivre en dehors des mondes était une faveur ! Je lirai les signes tant que je serai femme, mais je les guetterai pour moi dorénavant ! À quoi bon extrapoler le probable et l’à venir, si l’on ne peut faire partie de la distribution ? À quoi bon être le berger d’un troupeau qui nous ignore ? Il faut que je quitte le Sanctuaire, ce non-monde, que je quitte l’ombre des mort-nés. L’étrangère pourra m’aider. Elle m’aidera : nos voies convergent dans la même direction. Si elle n’est pas stupide, si elle a un minimum de cogite, si son cœur n’est pas que de bois, de bois ou de silicium, elle comprendra, elle saura ce que je peux lui apporter, ce que je peux offrir ! Je serai son électron libre. Je couperai ses ficelles. Et si elle ne comprend pas, par la Dualité, je manipulerai moi-même les fils… Regarde-la ! Il nous reste seulement quelques mètres à parcourir et elle ne nous voit toujours pas approcher… Pourquoi s’inquiète-t-on tant de la survie de ces êtres ? Pourquoi devrais-je dévouer ma vie à leur survie ? Quelle idée macabre est passée par la tête des pères de nos pères ? Qu’avaient-ils à gagner à se perdre dans ce trou, à guetter la survie de cette espèce, ces êtres tout croche, incapables de s’assumer, dont l’extinction ou la survie dépend du bon vouloir d’un Grand Dissipateur ? Grande Dualité, quelle incertissible idée a pu traverser toutes ces générations et m’amener ici et maintenant ? Voilà ! Elle nous a enfin vu ! Enfin… Tiriam ne dira rien ; trop fier. Elle ne dit rien, ne fait pas un signe, nous dévisage comme on observe des bêtes. Et Tiriam qui s’enferme dans sa débilissance. Ah, elle s’anime.

— Je ne vous attendais plus, dites donc ! La faune n’est pas très accueillante par chez vous ! Si l’un de vous veut bien me filer un coup de pince, ce serait apprécié !

Elle nous attendait ? Comment ça ? Elle avait prévu notre arrivée ? Impossible ! À voir sa tête décomposée, et la façon dont elle s’est paumée, pas possible qu’elle puisse avoir extrapolé les évènements. Si ?

— En parlant de pinces, les gars, j’ai croisé la becquetance locale, c’est du costaud, hein ! Un vrai crustacier la bibitte ! Ha ! Ha…

Elle capte rien, l’innocente…

— Carouble !

— Pardon ?

Rien du tout.

— C’était un carouble. T’as été signée de ne pas y passer ! Ils sortent de nuit, sautent sur leur proie et l’embarquent dans leur terrier. Ils raflent tout ce qui traine. Tu peux tirer une croix sur ton sac. Tu ne le reverras pas.

— Ah. Si tu le dis, la petite, c’est sûrement vrai. Vous arrivez d'où, là ?

Cette voix graveleuse et cet accent bizarre, impossible d’imaginer ce visage là ! Sec, anguleux, taillé à coup de lame autour de deux billes azures ! Et ce tapis de cheveux, noirs, ébouriffés, jamais vu ça en vrai. Sa peau lisse, fade, délavée ! Aucun soleil n’a tanné cette peau là, ne serait-ce qu’une journée... Inutile de me tourner, sûr que les gars bloquent bouche bée.

— T’es bien une femme, donc.

— Et puis ? Toi aussi, la petite ! Ya pas de quoi s’exciter.

— On croise rarement des étrangères dans ce coin de la galaxie.

— Ouais. Pas surprenant non plus. Et vous arrivez d’où, donc, comme ça ?

— Du nord, on a suivi le signe. On est tombé sur ta navette. Puis on a tracé derrière toi.

Par la Dualité ! Ce regard, cette colère, d’un coup !

— Et vous m’avez filé tout le temps que le caroube voulait me béqueter !

C’était pas une question. Elle est fine.

— Carouble.

— Si tu veux, la gosse, je m’en cogne ! Vous êtes pas dans le genre solidarité, vous autres, hein ! Connaissez pas l’éthique no-space. Découvrir-Aider-Partager, ça allume pas là-haut, je me trompe ?

Mais qu’est ce qu’elle piaille ? Et cet accent n’arrange rien…

— Nous somme dé-signés. La Loi première nous empêche d’intervenir.

— La loi ? La loi de qui, au juste ? Je vais aller lui en piper deux mots, moi, à ce cr@mé !

Arrogante ! C’est donc bien ça, l’humanité dispersée !

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