[ lɛspʁi abitɛ lə pʁezɑ̃ e lə pʁezɑ̃ abitɛ lɛspʁi. ]

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[saəɡat]

— Le ciel, Grand Dissipateur, le ciel a présenté le signe attendu ! Entendez-vous, monseigneur ? M’entendez-vous, seigneur Saëgath ?
Qui ? Qui me rappellera au présent ? Qui viendra m’arracher de l’immerseur, perturber mes extrapolations ? Ah oui, une voix. Cette voix m’appellera. Serons-nous déjà là ? Suis-je maintenant ? Sera-t-il déjà temps pour moi de jeter l’ancre au présent ? Non. Pas encore ! Tant qu’il existera alternative, je n’inscrirai pas de mon encre le temps du vivant. Ainsi est la Loi. Mais les Mort-nés s’en chargeront, feront converger les évènements, quand la Loi l’exigera, lorsque les extrapolations s'imposeront, et que j'habiterai mon rôle… Le ferai-je alors ? Devrai-je intervenir dans cet ici et maintenant ? Quand suis-je, d'ailleurs ? Qui appelle ? Quelle voix, déjà ? Celle… oui, celle de Cérumorn, c’est bien ça. Mais quand comprendras-tu, Cérumorn, que ta voix écornée n’interviendra jamais qu’en retard ? Me poseras-tu sans cesse des questions auxquelles j’aurai déjà entrevu mille réponses ? Ce ne seront que des détails fossiles ! Et ceux à venir, je les dissiperai d’un doigt, écarterai d’un geste ces brindilles qui s'amoncelleront sur la Voie Sans Fin. Tu m’ennuieras avec tes vétilles, Cérumorn. Elles feront déjà partie de l’histoire figée ! Mais ce sera ton rôle de rapporter celles qui importent, de me consigner au présent, et je ne te reprocherai pas ta mission. Lorsqu’un signe exigera ma présence, tu seras là pour me ramener. Ce sera ta fonction, pour un temps encore... Et donc, qu'en sera-t-il, alors ? Ah, oui, l’étranger. Oui, un étranger enflammera le ciel de Probo, portera l’étendard d’un signe, s’écartera de la voie extrapolée, peut-être. Ou peut-être pas. Ce choix sera mien. Pourtant, tu sembles là, Cérumorn. Ce sera donc cette voie qui s’inscrira malgré toutes mes tentatives d’y échapper. Toutes ces combinaisons possibles pour en arriver à cet ici et maintenant ? Grande Dualité, tous ces efforts en vain... Ainsi sera-t-il. Je ne serai qu’instrument dé-signé, comme mes Mort-nés. En sommes-nous déjà là ? Non, Cérumorn, pas tout à fait. Je n’interviendrai pas encore. Il restera mille variations à parcourir avant de m’inscrire et de me perdre dans les mémoires figées. Tes inquiétudes seront justifiées. Ta vie ne s’apparente guère qu’à une esquisse, mais tu mérites mieux qu’un dénouement brutal. L’étranger, par sa présence, nous fera courir un immense danger. Il nous extraira des limbes du temps, nous écartera de la Voie Sans Fin. Il jouera sa vie sur nos destins brisés. Mais tout sera écrit, sois en certain, l'ami. Je t'entendrai. Je t’entends. Tu souhaites hater la présentation, anticiper mon heure capitale. Comprends ma mesure, ces faits se seront déjà déroulés mille fois devant mes yeux : tu insisteras encore et encore, et j’abandonnerai. Je m’extirperai de l’immerseur pour te faire face. Et toi, vieux têtu au regard blanc sur blanc, tu courberas l’échine, mais ton visage de cuir desséché ne tremblera pas. Des perles de transpiration sillonneront ton front labouré. Et j’imaginerai que tu as besoin de te ménager, que tu es bien trop âgé pour ce rôle qui t’est confié. Alors je te dirai que j'ai déjà lu le signe, et je m’apprêterai à rejoindre mes mondes en devenir. Mais tu me dévisageras, mâchoire tremblante, et je m’inquiéterai, car ce n’est pas dans ton habitude de laisser transparaître tes émotions. Et tu me diras que ce signe provient de l’homme, non, attends, pas d'un homme, pas cette fois, de la femme envoyée par l’Agence du Consilium Universel. Alors je ruminerai cette variable en me jettant dans l’immerseur ! Et mes doigts tremblants de panique effleureront les branches de l’arbre casuel, suivront les fils, et liront : brisure, brisure, brisure, jonction, brisure, jonction, jonction, brisure, brisures à en perdre la raison… De toute part, les branches se joindront, se rompront ! Et je paniquerai à regarder les trames se resserrer pour ne former plus qu’un futur potentiel, une seule ligne à jamais figée ! Mais cette scène, je l’ai déjà vécue mille fois dans chacune de mes mille existences, Cérumorn. Depuis des millénaires, j'évite et repousse l’avènement de cette voie sans issue, cette voie qui s’impose, s'immisce génération après génération dans les @mes insensibles, mais projette son ombre froide sur le cœur de ceux qui, comme toi et moi, saisissent encore la peur... Le temps joue contre nous, Cérumorn, mais je peux encore l’éviter, peut-être, je l’espère... grâce à elle ? Elle est détail qui compte, celle que je choisis ! Et tu auras ton rôle à jouer dans cette partie de dés, vieil homme : il te faudra entendre cinq mots de ma part, puis t'animer. Mais il n’est pas encore temps. Tu patienteras et me laisseras entrevoir l’à venir, Cérumorn. Je ne me laisserai pas perturber par tes inquiétudes. Ma tâche sera ardue et pleine d'obstacles. Je balayerai mes certitudes et traquerai les incertitudes. Je réactiverai l’immerseur, m’engloutirai dans les perspectives, dissiperai les murs du temps, plongerai dans l'horizon sans fin. Je serai déjà loin quand tes supplications s’élèveront. La fractale abyssale éclora, fleurira vers l’infini : ah... l’Arbre Casuel ! Je me focaliserai sur sa souche, remonterai ses banches de fils en fils, localiserai l'ici et maintenant, saisirai de nouveaux paramètres, ciblerai les @mes sensibles, ordonnerai à l'extrapolateur de modéliser les voies praticables. Les projections fileront, se trameront, se briseront, se sépareront, se combineront, formeront des intersections et je guetterai l’univers des possibles en quête d'une solution.
— Seigneur Saëgath. Pardonnez-moi cette intrusion, mais le signe a été lu ! Ainsi que vous l’aviez déterminé ! Pardon, Grand Dissipateur, mais je dois insister. Il... Il s’agit de l'émissaire de l’ACU, celui que nous avions éconduit. Il est ici, seigneur ! C’est lui qui a provoqué le signe… Un étranger ! Un étranger sur Probo ! Un étranger qui a provoqué le signe, monseigneur ! Un Vivant parmi les Mort-nés, parmi les dé-signés ! Il me faut une indication ! Un ordre ! Un simple mot ? Un signe ? S’il vous plaît ? GRAND DISSIPATEUR !
Il est temps.

— … tu me présenteras cette étrangère.

Anime-toi à présent.

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