Chapitre 16

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Kaya marchait dans les couloirs de la grande demeure, qu'elle connaissait maintenant par cœur. Ses cheveux bruns voletaient derrière elle, pris dans les courants d'air de la vieille bâtisse. Elle profita, comme à chaque fois, de la beauté ancienne qui l'entourait. La lycéenne sentait son âme d'artiste vibrer lorsqu'elle posait les yeux sur les boiseries et les tableaux. Elle croisa des employés de maison qui, habitués à sa présence, la saluèrent discrètement. Enfin, la jeune fille arriva devant la porte de la chambre de son amie. Alors qu'elle allait ouvrir la porte en face d'elle, sa main s'immobilisa, puis retomba le long de son corps. Ses yeux s'écquarquillèrent, stupéfaite.

Une voix sortait de la pièce.

Une voix qu'elle connaissait bien.

Dylan.

Dylan était dans la pièce.

Dylan était dans la chambre d'Alice.

Elle laissa échapper un petit sourire. C'était donc là qu'il passait ses après-midis. Et eux qui s'inquiétaient...

Elle se redressa lorsqu'une pensée l'effleura.

Que faisait-il ici ? Pourquoi restait-il toutes ces heures au chevet d'Alice ? Alors qu'ils ne se connaissaient que depuis quelques semaines ? Ce n'était pourtant pas son genre d'être aussi sentimental... Se pourrait-il qu'il se soit attaché à ce point leur nouvelle camarade ?

Sans savoir pourquoi, la jeune fille sentit un certain malaise à cette idée.

Décidée à avoir le fin mot de cette histoire, Kaya prit la décision de l'écouter. Alors qu'elle approchait son oreille de la porte, une main se posa sur son épaule. Elle retenu un glapissment et se retourna. Mariette, tout sourire, se tenait devant elle.

-Bonjours mademoiselle Abramovich. Auriez-vous besoin d'aide ? murmura la belle automate.

La jeune fille fut prise de honte quant à son propre comportement et sentit ses joues bruler. Elle tenta de se reprendre et lui offrit un sourire maladroit.

-N-Non, merci Mariette, c'est bon.

La femme pencha la tête et lui adressa une moue triste.

-Pourtant, vous semblez mal. Accepteriez-vous un chocolat chaud accompagné de cookies ?

Kaya leva vers elle des yeux remplis d'étoiles. Elle posa la main sur son estomac grondant, se rappelant soudainement qu'elle n'avait pas pris de déjeuner.

-Oh oui Mariette ! C'est tellement gentil de votre part !

-Alors asseyez-vous, je vous apporte ça tout de suite.

Ce n'est qu'à cet instant que la jeune fille se rendit compte qu'elle se trouvait à présent dans un petit salon bleu et blanc, décoré de lys et de bleuets. Mariette était réellement une fée de maison. Le parfum qui régnait dans l'air était délicat. Elle se sourit à elle-même et prit place sur un canapé de cuir blanc. Elle effleura une couverture de polaire posée à ses côtés, et savoura un instant sa douceur, les yeux mi-clos.

Puis la gracieuse automate revint, les bras chargés d'un plateau d'argent sur lequel était posé une grande tasse de chocolat et une assiette remplie de cookies. Leur parfum embauma l'air, se mélangeant avec celui des fleurs pour créer une odeur des plus excise. Elle ne put retenir un soupir d'aise devant la quiétude du lieu. Elle souhaitait vivre ici, dans cette pièce hors du temps et de soucis.

Mariette se retira, la laissant seule dans ses pensées, lorsque son téléphone sonna...

********

A l'autre bout de la ville, dans l'nique rue commerçante, une jeune femme à la longue chevelure pâle était retenue en un énorme chignon s'extasiait devant une superbe robe bustier bleu pâle ornée de petites perles de cristal.

-Oh mon dieu, Rose ! Regarde cette robe ! Elle est magnifique !

La superbe rouquine qui, elle, admirait la vitrine voisine, se retourna brusquement vers elle, avant de sourire de manière extatique, et de taper dans ses mains comme une petite fille.

-Je suis entièrement d'accord ! Achète-la ! Elle va faire un carton !

-Ok, mais après, on va voir Alice, hein ! Ça fait deux semaines qu’on n’est pas passées la voir... J'ai tellement hâte qu'elle sorte se réveille ! Ça fait presque un mois qu'elle y est, et elle devrait s'être revenue à elle depuis longtemps... Même le docteur commence à s'inquiéter.

Une moue chagrinée traversa son visage.

-Mais bon, ce n’est pas ma faute ! Et puis cette robe me supplie de l'acheter. Tu l'entends ? Elle me dit : « Achète moi Emi ! Je rêve que tu me porte ! » Comme elle est mignonne... Allez, en caisse !

A côté d'elle, son amie explosa de rire.

-Mais oui, Emi, je te crois !

Les deux jeunes filles passaient en caisse lorsque leur téléphone sonna...

**********

Après sa visite quotidienne à son amie, Dylan rentra chez lui, le cœur lourd. Au bout d'un mois, elle n'avait toujours pas donné signe de vie. Par sa faute. S’il n'avait pas été aussi égoïste, elles seraient encore là, à rire de ses bêtises, à sourire à ses grimaces. S'ils ne l'avaient pas abandonné, il irait peut-être bien... Mais ça n'était pas le cas.

Il était seul. Pour toujours.

Il se dirigea rapidement vers le petit meuble bas de son salon et en sorti une bouteille de vodka, qu'il vida d'un trait.

Il réitéra l'opération plusieurs fois, jusqu'à être complètement saoul, puis il sorti de son appartement.

Quelques dizaines de minutes plus tard, Liam entra, un air décidé sur le visage, qui se craquela avant de se transformer en horreur.

Des dizaines de cadavres de bouteilles jonchait le sol, les coussins était éventrés, les rideaux, déchirés.

-Oh le con...

Il sorti précipitamment, s’empara de son téléphone et appela tous ses amis.

Il courait depuis des heures, et à présent, la pluie frappait violemment le sol, libérant l'odeur acidulée de l'asphalte trempé. Il courait sans savoir où il allait, il courait pour évacuer le stress, la colère, le chagrin. Il courait pour qu'elles arrêtent de le hanter.

Le jeune homme s'arrêta au bout de plusieurs heures, essoufflé.

Il releva la tête vers la grande demeure devant lui.

Alice.

Il était chez Alice. C'est là que ses pas l'avaient inconsciemment conduit. Chez elle.

Un sentiment d'oppression s'empara alors de lui. Il fallait qu'il la voie. Maintenant.

Le lycéen poussa la grille restée ouverte et couru le long de l'allée.

À cette heure, Mariette et le docteur n'étaient pas là, il le savait parfaitement.

Il continua à courir le long des couloirs, dans les pièces, jusqu'à la chambre d'Alice. Arrivé devant la porte, il fut soudainement pris de tremblements. Et si rien n'avait changé ? Pire, si elle était morte ? Il ne supporterait pas une nouvelle perte. Plus jamais.

Le brun finit par ouvrir la porte et se glissa dans la chambre.

Alice n'avait pas bougé, ses longs cheveux étaient toujours étalés autours d'elle, ses traits étaient toujours tirés.

Il s'approcha de son lit, et passa tendrement sa main sur sa joue. Avant d'éclater en sanglots.

Il pleura ainsi de longues minutes, le visage enfoui dans les draps. Il pleura sur leur sort, sur leur douleur si commune.

Sa sœur tant aimée...

Soudain, il leva la tête. Il avait senti quelque chose. Avait-il rêvé ? Sans doute, oui.

Le garçon se sentit d'un coup très bête, seul dans cette chambre, avec cette fille qu'il ne connaissait pas vraiment.

Il allait partir quand un mouvement attira son attention.

Il se figea avant de lentement se retourner.

La poitrine de la jeune fille s'abaissait et remontait de plus en plus vite, de plus en plus haut. On aurait dit qu'elle était agitée de spasme.

L'électrocardiographe, dans un coin, bipait vite et fort.

Le graçon sentit son coeur s'emballer, désemparé, comme pour se caler sur celui de la jeune fille inconsciente. Se ressaisissant, il se précipita pour aider son amie, lui suppliant de se calmer.

Puis plus rien. Le calme revint en quelques secondes.

Il contempla son visage quelques instants.

Et elle ouvrit les yeux. Ils étaient écarquillés, ses pupilles étaient dilatées. Ses cheveux noirs avaient envahis son visage, collés par la transpiration. Elle avait l'air perdue.

Il y eu un moment de flottement.

Puis le jeune homme hurla de joie en la serrant contre lui. Il mit fin à leur étreint après quelques minutes. La regarda intensément, se délectant de ses prunelles si étranges.

-Salut, murmura-t-il, ça va ?

Elle le regarda.

-Oui.

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