Nouvelle 52 : LA MÉDITATION

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Elle respirait doucement, sereinement, consciemment par le nez. L'air était frais et passait de son orifice nasal à sa trachée pour s'élancer dans ses bronches et se dissoudre dans ses bronchioles. Elle gonflait son bas-ventre et son abdomen et tentait d'élargir son diaphragme sur les côtés pour emmagasiner le plus de volume possible. Sa respiration bloquée cinq secondes laissait ensuite échapper un souffle réchauffé et chargé de gaz carbonique qu'elle expulsait avec calme et volupté. Six à dix fois comme cela et elle se sentait ressourcée, apaisée, relaxée. Les membres étirés lui procuraient une détente supplémentaire.

Pourtant, ce jour-là fut différent des autres. Tandis que d'habitude ses yeux s'ouvraient sur un sourire de plaisir, elle en fut incapable. Lorsqu'elle commença à vouloir propulser ses bras sur le devant de son torse, elle ne les trouva pas, tout simplement. Ils n'étaient pas là. Elle chercha en vain ses mains, ses coudes, ses bras entiers, ses épaules. Ses jambes aussi, qu'elle poussait devant elle n'obéissaient pas à son commandement. Pas de pieds, de mollets, de cuisses. Rien. Elle se regarda du dessus, crut-elle. Absente. Elle n'était pas là. Du moins son corps avait-il disparu. Ou plutôt était-il ailleurs car il lui semblait apercevoir quelque chose loin en bas. Comment était-ce possible ? Où était-elle ? En haut ? Mais où ? Qu'y avait-il en bas ?

C'est alors qu'elle réalisa flotter dans un espace qui lui était a priori inconnu, pourtant ce qu'elle discernait difficilement au loin lui rappelait vraiment de vagues souvenirs. Elle aurait tant aimé mieux voir, se rapprocher. La sensation fut vertigineuse et immédiate. Elle était littéralement aimantée et se retrouva aussitôt à proximité de son corps. Il se trouvait toujours dans sa position de méditation au milieu du parc, sur la pelouse, si verte et ensoleillée, assis, adossé au tronc de ce chêne qu'elle affectionnait tant. Sa tête s'y était posée en arrière, yeux clos, elle semblait dormir.

Elle s'observa, tendre et amoureuse de cette beauté qu'elle découvrait pour la première fois, en étrangère, joyeuse aussi de cette liberté nouvelle. Levant son regard, elle se fixa sur les nuages et rejoignit l'immensité qu'elle avait à peine quittée. Plongeant à travers l'atmosphère terrestre, elle dépassa la ceinture de débris et fila telle une météore retrouver ses amours cosmologiques dont elle n'avait pu, jusqu'à ce jour, que rêver.

Lorsque son corps fut secoué sans ménagement par ses amis venus la retrouver au parc, elle réintégra son corps en un éclair de désespoir et c'est bien à contrecœur que cessa sa mémorable expérience de décorporation, qu'une méditation exceptionnellement profonde avait su générer...

Pourrait-elle jamais la renouveler ?

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