Nouvelle 50 : LA FILLE DU LABORATOIRE

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Elle était la seule. La toute première d'une série qu'ils espéraient longue et prospère. Conçue in vitro, mère porteuse renvoyée aussitôt son rôle terminé. Concrètement, elle n'avait pas de mère, pas de père. En tout cas connus. Sa famille, c'était l'équipe du laboratoire. Câlinée bébé, juste le nécessaire. Amusée et occupée enfant pour son épanouissement optimal. Aujourd'hui adolescente, à treize ans elle comprenait ce que sa situation comportait d'étrange, d'anormal. Monstrueux. Un rat de laboratoire, voilà ce qu'elle était.

Quand elle n'était pas seule dans sa chambre, elle était soumise à une batterie de tests et d'examens. Régulièrement piquée et à peine malade, elle se remettait extrêmement vite de douleurs et de divers maux à peine ressentis. Elle finissait par comprendre que c'était ces incessantes aiguilles qui lui inoculaient ces poisons. leur sollicitude n'allait qu'à ses exceptionnels talents de guérison. Sa personne ne les intéressait pas le moins du monde !

Existait-il d'autres jeunes comme elle dehors ou était-elle la dernière ? Comment savoir ? Aucune de ses questions ne trouvait de réponse. ils ne lui parlaient jamais à travers leurs masques depuis qu'ils avaient commencé leurs piqûres. Plus personne ne venait plus jouer ou discuter avec elle comme quand elle était petite. Tout se passait désormais par l'interphone à gauche de sa porte. Elle n'avait même pas de caméra. Ils l'avait ôtée. Pas d'ordinateur comme ceux de ses tortionnaires. Rien que des livres, renouvelés régulièrement. Elle ne pouvait que s'imaginer le monde au travers de ces mots dévorés, puis régurgités pour être dégustés et mémorisés afin de pouvoir être à loisir rappelés et imagés dans ses moments de douleur et de plus grande solitude.

Et un jour tout changea. Par la fenêtre de sa chambre, elle constata qu'ils installaient une deuxième chambre. L'espoir monta en elle comme une flamme au creux de son ventre, pour réchauffer l'espace au sein de son estomac et activer les battements de son cœur, habituellement si irrémédiablement régulier.

Ce ne fut qu'au bout de trois jours qu'ils déposèrent sur le lit voisin une forme endormie, qui lui tournait le dos. Les cheveux bruns courts, un épi au sommet, les épaules larges, c'est tout ce qu'elle put en distinguer.

Lorsqu'il se réveilla deux heures plus tard, il émergea de son sommeil en se retournant d'instinct vers la vitre. Il avait dans le regard cette détresse qu'elle ressentait au plus profond d'elle et cette lueur d'espoir qu'elle sentit naître au fond de ses propres yeux à l'instant où ils se découvraient.

Seuls, ils n'étaient pas seuls ! Pourraient-ils se parler, communiquer, échanger ? Se raconter leur vie, se connaître ?

Que leur avait-on fait à chacun ? Avaient-ils eu la même vie ? Venait-il lui aussi du laboratoire ou d'ailleurs ? Arrivait-il de l'extérieur ?

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