Nouvelle 38 : LA VISITE

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Nous avions redécouvert ce carton au détours d'un rangement énergique du garage. Il avait été mis là, avec les vieux cartons de jouets par des déménageurs peu scrupuleux. Avaient traîné là-dedans de vieux manteaux désormais mités et, oh miracle, la veste du grand-père. Celle que mon mari avait vainement cherchée. La tenue de pêche affectionnée de son Papé et que lui-même adorait.
Elle n'avait pas bougé. C'était du costaud ! Nous jetâmes les vieilles fripes et gardâmes la veste. Je la lavais et la mis à sécher sur cintre dans la salle de bain, pour ne pas risquer de l'abîmer au sèche-linge. J'avais mon compte de bêtises : une écharpe rapportée d'Inde était passée, elle aussi à la machine, mais de douceur ensorcelante, elle était devenue vilain bouchon duveteux... Je me demandais encore comment essayer de la détendre pour lui rendre une forme à peu près convenable lorsque la lumière au dessus du lavabo se mit à clignoter. Une fois, puis deux.
Je n'en revenais pas. Nous avions déjà eu le cas, il y avait des mois de cela. Tout avait été contrôlé, l'ampoule changée. Cette fois, je ne doutai qu'un instant et pensai bien vite à autre chose. La veste...
— Papé ? Papé, c'est toi ? C'est toi ? Papé ! Tu es content qu'on aie gardé ta veste, qu'elle soit lavée, toute propre, toute belle ? Et j'éclatai de rire.
La lumière se remit à clignoter, une fois. J'étais aux anges ! J'avais une communication avec l'au-delà, le grand-père de mon mari !
Je me repenchai sur mon écharpe massacrée, prête à la tremper dans l'eau fraîche, lorsque je m'interrogeai : comment étais-je si sûre que cela pouvait fonctionner ? Je n'y avais jamais songé auparavant ! À chaque mésaventure précédente, j'avais laissé tombé, je n'avais pas essayé de rattraper le coup. Et là, une certitude me poussait à travailler ce tissus sous l'eau froide et cela fonctionnait. Je parvenais à étirer la laine, la défroisser, dénouer les raideurs, défaire les plis, c'était impressionnant, l'écharpe reprenait sa forme, même si bien sûr, le mal était fait et la laine froissée.
Alors je posai la question de savoir qui pouvait m'avoir influencée. Sûrement pas Papé !
— Ce n'est pas ton idée, ça, Papé ! Mais alors, c'est qui ?
Et là, tandis que clignotait la lumière pour la dernière fois, surgit dans ma tête le nom de sa femme, décédée bien longtemps après lui, que j'avais bien connue, mais à laquelle je ne pensais absolument pas, mais pas du tout, car je ne les avais jamais vus ensemble, et depuis son décès, nous ne parlions d'elle avec mon mari qu'en de rares occasions.
— Mamia ! C'est toi ! Tu es avec Papé, tu l'as retrouvé ton Papé ! Merci, Merci de venir me voir !
Je riais toute seule de joie à nouveau et la lumière n'a plus clignoté depuis...
Ce fut mon premier échange conscient. Je les remercie pour le grand bonheur que m'a donné leur visite.

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