Nouvelle 26 : ENCHAÎNÉS

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Ils arrivèrent, caméra au poing, micro au bout de la perche, calepin et stylo en main, le vieil homme les devançant de son pas saccadé. Le chauffeur avait garé la voiture de sorte à pouvoir repartir dans le bon sens, le pare-choc face à la piste. C'était lui qui fermait la marche.

Le journaliste ne s'attendait pas à ça. Une femme au regard rude et menaçant, les accueillit dans une cour. Elle les mena face à un mur flanqué d'une béance. Le fantôme d'une porte y avait laissé ses gonds rouillés. Pour l'heure, rien d'autre que cette ouverture ne laissait passer le jour dans cette pièce, autrement aveugle et puante. Elle appela un certain "Noël" et tous entendirent un raclement assorti de tintements.

Au bout de trente secondes, les européens reculèrent imperceptiblement devant le spectacle de ce pauvre hère s'annonçant au seuil de sa misérable demeure. À demi-nu, les chevilles entravées, il ne portait qu'un reste de tee-shirt sur son corps amaigri. ses cheveux hirsutes semblaient grouillants de vie tandis qu'il levait ses yeux hagards vers ces étrangers inattendus. Son sexe pendait entre ses cuisses écartées, ses pieds entortillés dans ses chaînes l'obligeaient à se mouvoir sur ses fesses nues. Il devait avoir une bonne vingtaine d'années. Sa famille le pensait fou. Alors, il restait là, depuis des années, prisonnier de son sort, touché par le diable, tradition oblige.

Mais les étrangers avaient entendu parler de lui. En Europe, on ne traite pas les malades mentaux comme ça aujourd'hui. Et le vieil homme, converti à une religion du Livre, désormais soutenu par ces étrangers, toujours bien décidé à sauver toutes ces âmes du Diable, était venu le chercher.

Alors Noël, comme d'autres avant lui, et d'autres après lui, fut emmené, aimé, détaché, libéré du mal, soigné, et réinséré avec un travail. Quand la famille le peut, elle aide le vieil homme et sa communauté par des dons. Autant qu'elle le peut.

Les européens espèrent que cela ne tournera pas en secte, que le vieil homme restera un homme bon qui voit dans ces pauvres gens, des êtres humains, avant de songer aux bénéfices.

Mais toujours le Diable court. Nombreux sont les enchaînés parmi les villageois. Combien attendent le vieil homme, qu'il les libère ? Où sont les étrangers, qu'ils les soignent ? Que deviennent les malades qui ne guérissent pas, dans la communauté...

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