Nouvelle 6 : SALOPERIE !

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C'était une grande fille aux cheveux châtains, les yeux bleu de glace. Le teint pâle, un peu ronde, seules ses lèvres coquelicot rehaussaient son beau visage. Sa robe simple, bleu marine, était recouverte d'une blouse de collège blanche, qu'elle détestait. Ses souliers noirs juraient avec ses collants indigo. Comment choisir ses vêtements quand on a une mère tyrannique ?


Elle marchait le long du trottoir, son cartable à bout de bras, trop lourd, informe, sans couleurs. Par miracle, il conservait ses roues grinçantes mais son centre de gravité faisait des siennes à chaque tournant. Il versait brutalement et vrillait douloureusement son poignet à chaque fois. Il n'était plus bon à rien et pas moyen d'en dénicher un solide. Aucun qui tienne l'année. Celui-là, avec ce qu'il avait pris comme coups, vols planés et trous parsemant sa carcasse, n'était plus qu'une dépouille. Les mots et les devoirs se perdaient avant que d'arriver. De toute façon, elle s'en fichait, parce que pour elle, tout était... saloperie.
Saloperie de cartable ! Il aurait fallu virer tous ces profs. On n'a pas idée de nous charger comme des ânes avec tous ces livres, les cours, les exos et les devoirs en plus ! Y en a marre !


Et l'autre qu'arrête pas de me chercher... On devrait tous les éjecter, tous ! Nos soi-disant "camarades". Saloperie de camarades. Avec leur foutue idée du travail d'équipe, on se les coltine en permanence au bout du compte. En classe, en récré, en dehors pour les travaux en communs.


Et c'est pas fini, naaan ! Tiens, les associations, les oeuvres caritatives, forment l'esprit citoyen, qu'ils disent ! Ça aussi, c'est des conneries, à jeter, saloperie ! Tout le monde fait semblant. Leurs parents donnent, leurs gentils monstres apportent les nonosses avec le sourire. Et le moment venu, quand tout est oublié, quand c'est la fête, ils boivent comme des trous, crachent à la gueule des SDF qui leur demandent une pièce ! Saloperie d'esprit citoyen.


Et pour faire bonne mesure, dans le dos de tous, y a ceux qui harcèlent leurs congénères, parce qu'ils s'ennuient. Bah... Pourquoi pas ? Ils ont qu'à se défendre, non ? Saloperie de harceleurs. Saloperie de monde, saloperie de gens, saloperie les autres.


Elle balança son sac dans le fossé et prit par le petit bois. Cent cinquante mètres et elle ôta un sac plastique d'un buisson touffu cerné de ronces au moyen d'une branche fourchue. Il fallait connaître le coin, la cachette et l'angle d'attaque du feuillu. Elle échangea sa blouse, ses chaussures et ses collants contre une paire de ciseaux, un short, une paire de tennis bleu ciel bien souples et un joli sac à dos JudithetRose avec son étoile assortie. Une fois changée, elle découpa la jupe de sa robe pour n'en garder que le haut comme tee-shirt, puis remit le tout dans le pochon, au vert.


Libre, toute seule !


Elle se mit à rire et regarda son corps avec plaisir. Elle se mit à remuer, gesticuler, tourner, secouer les bras, agiter les jambes, sauter, s'accroupir, virer, tomber, se relever, marcher.


Décontract' et tranquille, jolie, mon sac sur les épaules, c'est ma vie !


Son long chemin d'apprentissage commença.

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