Nouvelle 3 : AU BON APPETIT !

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Il avait réalisé son rêve de gosse. Depuis toujours, il voulait tenir son propre restaurant, recevoir ses clients, les accueillir chaque soir, offrir l'apéritif à ses habitués, proposer ses spécialités à ceux de passage, s'enquérir de leur satisfaction au dessert, leur proposer un digestif pour les plus dépensiers...

Il réussissait. Son cuisinier faisait des merveilles. Il avait même embauché un pâtissier. Il pouvait se le permettre, la salle ne désemplissait plus, les clients réservaient deux semaines à l'avance. Le bouche à oreille fonctionnait. C'est que, peu de monde était encore coutumier de cette cuisine.

La chair humaine ne se traitait pas comme l'animale. Et il n'était pas si facile de s'en procurer de qualité. Pas question de se servir auprès des cimetières comme certains bouges, qui ne s'encombraient d'aucune précaution. Que le mort soit décédé depuis plus ou moins longtemps ne les dérangeait pas plus que ça. Un peu de piment faisait l'affaire. Du moment qu'ils avaient l'accord de la famille. Alors, ils négociaient avec les croque-morts pour les déterrer et les rapatrier dans leur chambre froide. À eux la découpe selon l'état, les besoins et leurs menus.

Mais pas pour lui. Non, pas question pour lui de manquer de respect à une viande de premier choix. Ou il était encore temps, ou il ne l'était plus, du tout. Et puis, risquer l'anéantissement du travail de toute une vie pour de la fainéantise, quelle bêtise ! Non... il préférait choisir sur pièce.

Ses relations avec les inspecteurs de la criminelle et les médecins légistes faisaient bien son affaire. Ces messieurs avaient leurs tables réservées en priorité, vin offert, digestif à volonté. En contrepartie, il était prévenu dès qu'un maccabée tout frais pointait le bout de son nez.

En cas d'accident, c'était pain béni. Pas d'autopsie à faire. Une simple signature de la famille, et il pouvait disposer du corps. Même chose s'il avait la chance de tomber sur un flagrant délit. Finalement, le pire pour lui, étaient les crimes non élucidés. Le corps passait à l'autopsie et la famille le vivait mal, voulait généralement le récupérer, trouver l'assasin ; ça n'en finissait pas. Il comprit vite que dans ces cas là, il pouvait faire une croix dessus... Saleté de criminels ! Il se disait que vraiment, y'avait pas moyen de bosser honnêtement et surtout correctement, en voulant offrir aux gens la meilleure qualité possible.

Il se demandait même si ses clients réalisaient à quel point c'était difficile. Il se dit que oui. Après tout, ses tables, maintenant, étaient réservées plus d'un mois à l'avance. L'engouement perdurait.

Il lui faudrait assurer son approvisionnement.

Peut-être devrait-il se mettre en contact avec les ambulanciers ? C'était les premiers sur le terrain. Et dire qu'il n'avait pas pensé à ceux-là ! Censés sauver des vies, combien de fois arrivaient-ils trop tard ? Ils étaient parfaits pour lui ; oui, c'était une excellente idée !

Et les hôpitaux ? Bien sûr ! Mais il allait falloir qu'il réfléchisse aux secteurs... Neurologie ? Gériatrie ? Maternité ? Chirurgie ? Pédiatrie ? Cancérologie ? Entérologie ? Chirurgie, évidemment ! Ils en voyaient passer du monde. Les accidentés, les enfants, les ados, les adultes, de tout ! Excellent, parfait, il pourrait adapter ses menus en fonction. C'était super ! Il était gééééniaaaal !

Et c'est ainsi que "Au Bon Appétit !" assura, et son approvisionnement, et son succès. Tant et si bien qu'il fit des émules...

Les piétons se firent plus rares.

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