Chapitre 8 : Douloureuse séparation (Vincent)

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J'ouvrais la porte en bois du bureau de Mme.Waltz, peu enchanté d'être convoqué alors que je m'occupais de Jules -ou plutôt qu'il s'occupait de moi. La personne stricte m'invita à m'asseoir sur le siège en cuir marron en face d'elle. Son bureau était assez spacieux, tout était où il le fallait. Je n'avais pas pris trop de temps à le regarder, mais il n'y avait pas trop de fournitures : une bibliothèque, un bureau, des étagères et le tout avait une ambiance très austère. Elle leva enfin les yeux du dossier qu'elle était en train de remplir et me regarda, ou plutôt me scanna de haut en bas. Je n'aimais pas vraiment cette dame, elle était trop stricte, trop à cheval sur l'ordre et la discipline alors que ce n'était pas de cela que nos pensionnaires avaient besoin. Je tentai toutefois de paraître agréable et de ne pas avoir l'air trop crispé.

Elle remonta les lunettes toutes aussi strictes que sa personne qu'elle avait sur le nez avant de commencer à me dire pourquoi elle m'avait demandé de venir.

-Vincent, je vois bien que depuis que Jules est arrivé, tu es très proche de lui. Je trouves que c'est bien d'avoir une aussi bonne entente avec son protégé. Toutefois, je ne veux pas que vous soyez trop proches. Il se fera bientôt adopter et je ne veux pas qu'il ait des problèmes avec sa famille et qu'il donne une mauvaise image de l'orphelinat que j'ai à ma charge.

Oui, c'était évident, je savais que dans le monde des adoptions, plus l'orphelinat est réputé, plus la caution qu'il peut demander pour une adoption pourra être élevée. Cela m'énervait ces jeux de pouvoir et d'influence, et même si j'essayais de ne rien laisser transparaître, mon poings se serra sur ma cuisse. Elle continua son discours.

-Je veux que tu t'éloignes de lui, sinon je serai obligée de le mettre à la charge d'un autre gardien, ou de te punir...Le choix t'appartient, mais surtout ne le fais pas à la légère.

-Et si je refuse, que feriez vous ?

Je savais qu'il ne valait mieux pas la provoquer, mais je ne pouvais pas simplement courber l'échine sagement.

-Je t'enfermerai, comme ça je serai sûre que tu ne le vois plus.

Elle fit un signe de la main pour me dire de partir, et j'allai directement voir Amélie. Elle saurait sûrement quoi faire pour que je ne me fasse pas attraper, et que je puisse voir Jules sans risquer quoique ce soit. Je la trouva dans le couloir de l'étage des chambres et je lui tira le bras pour l'amener dans ma chambre.

Je lui raconta toute l'histoire, elle m'écoutait avec attention. J'étais perdu, parce que je voulais voir Jules, mais si on nous voyait ensemble à nouveau, je risquait gros, ON risquait gros, et je n'avais pas envie de le voir malheureux car il a déjà vécu trop de chose atroces. Amélie avait l'air aussi d'être bien embêtée, parce qu'elle ne savait pas trop quoi penser.

-Je ne sais pas de quel gardien elle parle, parce que pour moi on n'est pas tant que ça et on se connaît tous donc je doute qu'on s'empêche de voir les autres protégés. Enfin...ce que je veux dire c'est que s'il est confié à un gardien d'ici tu pourras sûrement le voir. Après, elle pourra peut-être en recruter un, ce qui serait plus compliqué à gérer. Je pense que ce qu'il te reste à faire c'est de t'éloigner de lui. C'est dur à entendre mais c'est ce qui va vous protéger tous les deux.

Dire que j'étais dépité était vraiment un euphémisme. Je ne voulais pas l'abandonner sans qu'il sache, et je savais que je ne pouvais pas dire à Jules "Oui je m'éloigne parce que la directrice me l'a demandé sinon je risque de me faire enfermer.", cela allait l'inquiéter et je ne voulais pas qu'il s'en prenne à la directrice même si je ne l'aimais pas. Je lâchai un soupir, j'étais pris au piège, et je ne pouvais que me soumettre. Je devrais voir Jules un minimum et me contenter de ça. Je ne pourrai pas vraiment profiter de lui jusqu'à l'adoption.

Les derniers jours me serraient douloureusement le cœur à chaque fois que je passai devant sa chambre. Je voyais l'incompréhension dans les yeux du jeune hybride, la peur, et la colère aussi. Peut-être avait-il l'impression que je n'avais fait que jouer avec lui, peut-être pensait-il que je l'abandonnait vraiment...S'il savait la vérité. Tous les soirs je m'endormais la boule au ventre, les yeux noyés de larmes, et Amélie était obligée de venir me réconforter comme une mère le ferai avec son enfant.

Au bout de quelques jours, Jules avait décidé de me coincer au détour d'un couloir, loin des autres. Il m'avait saisi le poignet avec beaucoup de détresse, et quand je levai mes yeux pour tomber dans les siens, mon cœur fut traversé par un poignard. Mon protégé, je faisais souffrir celui qui devait être ma plus grande priorité. Quel piètre gardien je faisais.

-Pourquoi t'es comme ça ? Pourquoi tu es si distant ? Je ne comprends pas, dis moi !

Il avait l'air déboussolé en me posant ces questions, et j'aurai tellement voulu lui répondre que cette décision n'était pas la mienne, que si j'avais pu j'aurai passé chaque moment qu'il voulait avec lui, en le faisant sourire, rire, en le rendant heureux jusqu'à son adoption. Mais je ne pouvais pas, et je du me résoudre à lui répondre avec tout le détachement nécessaire et toute la froideur qui pouvait exister.

-Laisses moi, je n'ai pas de comptes à te rendre.

Cette réponse avait été aussi froide et détachée que j'avais pu l'être, et ce fut extrêmement difficile de voir le visage de Jules se décomposer, et des larmes se faire retenir. Il avait le visage magnifique lorsque le soleil passait par le vitrail rouge où était représenté le symbole de l'orphelinat, sa chevelure de feu était encore plus flamboyante avec les reflets, mais voir les larmes me bouleversa. Je du me faire violence pour ne pas tout simplement le prendre dans mes bras et le rassurer, lui dire que je souffrais tout autant que lui. Je vis la déception sur ses traits, il me lâcha le poignet et me dis dans un murmure.

-Moi qui pensais que tu avais un peu de considération et de sentiments envers moi, je me suis bien trompé.

Il me tourna le dos et alla en direction du jardin voir Jessica, Kal et Luca, mais je pouvais déjà voir ses épaules se faire secouer par des sanglots silencieux. Amélie était en train de monter à ce moment là, elle vit Jules, et elle comprit rapidement la situation : je venais de blesser profondément la jeune personne qu'était mon protégé.

Mon cœur était lourd, je m'en voulais terriblement, mais c'était presque mieux ainsi. En passant pour un lâche, il n'aurait aucune envie de me voir. Je me réfugiais dans ma chambre, ne voulant pas sortir, et ne voulant voir personne. Je ne tiendrai jamais comme ça jusqu'à ce qu'il se fasse adopter, c'était beaucoup trop dur.

La journée avançait, j'étais resté dans ma chambre jusqu'à ce que des coups paniqués frappés à ma porte me fassent sortir de ma noirceur. Je grognai pour que la personne entre et je vis Jessica, complètement paniquée, ce qui était rare, me dire.

-On a un problème avec Jules !

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