Vendredi 27 Mars 2020

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Confinement J11 :

Aujourd'hui, Romain a eu son patron pour sa reprise du travail. Il reprend bien lundi, il fait parti des métiers indispensables. Ca me fait vraiment flipper... apparemment ils n'ont que des surblouses pour se protéger... et il y a déjà un contaminé dans ses collègues...

Je suis déjà entrain de prévoir un SAS de décontamination dans le garage et tout une routine qu'il devra prendre en revenant du boulot, pour ne pas prendre de risque. Après tout, Mathis & moi sommes asthmatiques et donc personnes vulnérables. On ne va pas prendre de risques !

Sinon, aujourd'hui, on a fait des gauffres, les petits ont adoré ! Et une pizza maison aussi le soir. Ce confinement ne va pas faire du bien à mon régime, ça c'est sur ! & les enfants ont joué au jardin, encore et toujours. Ils vont vraiment être des enfants d'extérieurs et tant mieux !

D'un point de vue national, le pays va de mal en pire. Ils annoncent le pic épidémique de demain au 9 Avril... pour la reprise de Romain donc... On va vraiment rester confinés encore plus nous. Les malades de l'Est vont arriver sur Bordeaux dans les jours à venir apparemment pour désengorger leurs hôpitaux, comme ici on est encore "un peu" épargnés. 25 cas de rencensés officiellement pour les Landes depuis le début. Mais bon avec le pic à venir ça peut vite évoluer malheureusement. Sinon le point positif, c'est Total qui offre les pleins d'essence à tous les soignants... quelle belle initiative ! Et sur Insta, un compte s'est crée pour envoyer des lettres électroniques aux personnes âgées confinées en maison de retraite dans leur chambre à cause des plans blancs, pour éguayer leurs journées. Je pense que je vais participer.

Post Insta :

*SOIGNANTS*

"Il est 5h45, je me lève tel un robot, sans un bruit telle une fourmi. Je m’habille et me lave et pars déjeuner en silence. Seule, face à mes biscottes de confiture, je dors encore à moitié mais il va falloir me réveiller. Je le sais, la journée va être longue.

6h30, j’arrive au travail, un peu en avance comme d'habitude, le temps de me changer, de préparer mes affaires et de commencer à lire les transmissions écrites de ma collègue de la veille. Puis à 6h45, mes collègues de nuit me passent les transmissions orales. Déjà, leurs discours sont parsemés du bruit des sonnettes de plusieurs chambres, qui retentissent sur les téléphones de mes collègues aides-soignantes. La douleur, la maladie et les angoisses sont au menu du petit déjeuné.

Je passe ma matinée a jonglé entre les médicaments à distribuer affublés d'un "bonjour", les aérosols et massages pour soulager, les pansements à nettoyer de ses plaies ouvertes, autant interne qu'externe, les maux à soulager, les mots à écouter… le tout bien coché et noté sur ce maudit ordinateur. Le rythme est soutenu, 90 résidents sur 3 étages, seule infirmière, je cours beaucoup, je cours partout.

Au gré des coups de téléphone de mes collègues pour x ou y raisons qui nécessite ma présence. Elles sont en effectifs réduits, comme depuis plusieurs mois maintenant, et elles ont du mal à boucler leurs matinées dans les temps entre les toilettes des résidents, le maintien de l’autonomie mais les minutes qui s’écoulent vite, les petits déjeunés avec les aides mais avec les douches à donner, le rangement et le ménage de certaines chambres mais avec la mise en place des tables pour le midi. Le tout ponctué par les problèmes du jour imprévus qui nécessitent la présence d’autres soignants. Elles aussi, elles courent beaucoup, elles courent partout.

Nous sommes en sous effectifs, on s’entraide comme on peut. Parfois je vais leur faire une toilette, parfois elles me refont un pansement. On voit l’heure défilée mais on garde le sourire et on accélère le pas, pour être à midi au réfectoire. Le téléphone sonne, encore et encore, les visites des médecins s’enchainent, encore et encore. L’appel malade fonctionne plein pot, les résidents font la queue devant mon bureau. Il y a des bruits lourds de cris, des bruits longs de silences. Il y a des bruits au son de reproche, d’autres au son d’insultes. Il y a des bruits inaudibles de pleurs et de regrets. J’encaisse. On encaisse tous et toutes. A la fin de la journée, je ne suis pas certaine de la qualité de mon travail, des soins que j’ai apportés. Souvent je me suis demandée si j’étais respectueuse, mais souvent je me suis rassurée en me disant que finalement, ça commencé comme cela non ? Alors dans cet ascenseur que je prends mille fois par jour, je me regarde dans ce grand miroir et je souffle. Un bon coup, avant de ressortir et de repartir, en courant parfois. En trainant les pieds de temps en temps. Mais sûre de moi, presque toujours.

Le midi est déjà là. J’arpente les tables au milieu de mes collègues avec leur chariot de repas. Je donne des médicaments, toujours la main sur ma souris d’ordinateur. Les diabétiques en premier, mince ils ont déjà commencé à manger ! Réglé une dispute entre deux résidents, perdre le peu de temps que j’avais réussi à gagner en n’allant pas aux toilettes. Et enchainer, de nouveau, les x médicaments des 90 résidents. Certains me sourient, d’autres me tiennent la main un peu plus longtemps, cherchant mon attention, essayant attraper de mon temps. Temps que je n’ai pas, que j’aimerai leur accorder, mais après lequel je cours sans arrêt. J’aimerai, remettre l’humain au centre de mes journées, au cœur de mon travail. Si seulement…"

Voilà un texte que j'avais écris il y a un moment, cette journée type date d’il y a maintenant 2 ans. Déjà. Et j’ai l’impression que c’était hier. Alors que non. Hier, c'est aujourd'hui. Et aujourd'hui, les conditions sont pires. Les risques sont pires. Les pénuries sont pires. Ils réquisitionnent les étudiants pas encore diplômés. Ils rappellent les jeunes retraités. Par manque de moyens. Par manque de personnels. Les personnes âgées sont laissés pour compte, n'entrent pas dans leurs statistiques, sont les oubliées. Et ça me révolte. Ca me dégoûte. Eux qui se sont battus pour nous hier, voilà comment on les remercie aujourd'hui. Alors je vais m’arrêter là et simplement vous demander de passer un coup de fil à votre mamie ou votre papi. Avant qu'il ne soit trop tard. Et d’apporter votre soutien aux professionnels, tous, qui aimeraient être confinés avec leur famille, mais qui œuvrent chaque jour pour s’occuper de la vôtre, de votre mère, de votre père, de votre sœur/frère, de votre ami, de votre collègue… Restez chez vous par pitié !

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