les heures

2 minutes de lecture

Il y a eu des heures pleurs. Ce sont les murs et les pierres dans les murs : elles meurent. Depuis si longtemps, on ne les entend plus qu'à cette heure-ci, quand le jour devient la nuit, mais pas tout à fait, quand il reste un doute, un doute, quand je doute que je suis. Je suis. Sur le lit. Depuis si longtemps.
Les secondes ont duré des éternités sans que je ne bouge sans que
 Des éternités de mouvement.
Depuis combien de temps ? Cette main au bout de ce bras, depuis combien de temps s'étire-t-il, tend-il, déploie-t-il ses doigts ? Des ailes. Il voulait saisir quelque chose plus tôt, n'a jamais réussi, défaite échouée. Où est mon reflet ?
J'ai cherché et le plafond est gris et la lumière rampe au plafond et je pèse plus lourd que du plomb. Plus lourd et le temps tombe dans ma gravité, le temps devient mou comme du plomb que l'on fond. Au fond du lit je suis.
 Vais-je mourir ici ?
J'ai cherché et le plafond est gris et fait comme de la lumière qui vient du jardin, qui vient d'une lampe dans le jardin. Après le jardin je crois qu'il n'y a plus rien. C'est ici le centre. C'est ici que les murs se referment et deviennent un ventre. Je suis avalé, où est mon reflet ?
J'ai voulu crier pour faire entrer de l'air sous mes yeux. Mais la main s'ouvrait encore dans le vide, et mon regard ne pouvait pas décoller des ongles bleuis, des ongles comme des pétales et des mains comme des fleurs de statues. Voilà que je devenais un prince autour du lac, un autre, un autre. Jamais un autre que moi, l'autre.   Qui ?
Mon reflet.
Je l'ai cherché à un moment où la maison a respiré. Elle a senti qu'en dedans je mourrai, elle a ouvert ses pores et d'un grand coup, elle a respiré. Et d'un grand coup, je me suis redressé et j'ai crié d'une voix qui était celle d'un mort. Mon père était là, enfermé dans les pierres des murs. Il voulait que j'écoute, encore et encore et demain, pour toujours que j'écoute ses douleurs noires de deuil.
 Il m'a tué.
J'ai attendu que la mort passe sur moi comme le temps, qu'elle fasse ce qu'elle fait tout le temps : qu'elle se nourrisse et qu'elle se lasse. Je suis assis les jambes droites, le dos droit mais les cheveux penchent. La tête est lourde de bruit. J'ai le vertige. Je ne suis plus là, comme au dessus, je regarde la lumière du jardin sur le plafond. Je regarde les minutes en face, dans leurs yeux.
 Elles ne mentent plus.

Annotations

Vous aimez lire C. Kean ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0