Chapitre 17

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Au réveil, je fus surpris de me retrouver dans la voiture. Mais après réflexion, il m’apparut que le petit chemin emprunté la veille pour se garer était une très bonne idée.

Je laissai derrière moi mon frère endormi, et m’extirpai de l’habitacle.

L’air pur du matin chassait les nuages effilochés, haut dans le ciel. La brise, chargée d’iode et de promesses de pêche aux coques allégeait mon humeur, pourtant courbaturée par une nuit passée plié en deux.

Je descendis au travers d’une lande couverte de bruyères violettes, éclatantes. La terre s’arrêtait, tombant brutalement dans l’eau turquoise quelques dizaines de mètres plus bas.

Il n’y avait personne à cette heure matinale. Les macareux nichaient au creux des falaises, tournoyant en alternance au-dessus de ma tête ou piquant en plongeon avec une grâce sans pareil.

Je humais les odeurs, me remplissais de couleurs. J’aimais cet endroit sauvage, désert, et pourtant à couper le souffle.

Comme si bout du monde existait finalement. Et que nous étions les dernières personnes à pouvoir le contempler.

J’étais si imprégné des lieux que je n’entendis pas Yann me rejoindre. Je sursautai lorsqu’il posa son coude sur mon épaule.

- Bien dormi ? dis-je en riant devant son front barré, et sa tête des mauvais jours.

- Je colle, je pue, j’ai mal au crâne, faim, envie de pisser, et pas la moindre foutue idée de où nous sommes.

- ça pourrait être pire…

- Pas sûr.

- Tu pourrais aussi avoir envie d’un café.

- Aaaahhh, c’est malin, maintenant je tuerai aussi pour un café ...

Je le laissai à son état des lieux personnel, en réfléchissant à la suite. Sans faire attention à ses ronchonneries, je l’invitai à me suivre. En contrebas des falaises, un sentier menait à la plage.

Quelques minutes de baignade, fraîche, plus tard, il allait déjà mieux. Lorsque je rajoutai davantage de batifolages, cela lui alla également.

Lorsqu'il revint vers le sable en éclaboussant partout autour de lui, il arborait un grand sourire.

- Bon, maintenant on va se le boire ce café ?

Après avoir rassuré nos parents par sms (on a fini la soirée avec des gens sympa, et on a dormi sur la plage. Ne nous attendez pas pour manger on rentrera dans la journée), nous nous étions amarré à la terrasse d’un café, face à un petit port à l’activité paisible.

- Bon, on fait quoi aujourd’hui ? demanda-t-il la bouche pleine de croissants au beurre.

- C’est du temps à faire de la voile.

- Hum…

- De la plongée ?

- hum…

- Encore se baigner ?

- Non. J’ai l’impression de me transformer en poisson. Si je retourne dans l’eau bientôt, je crois que je vais développer des branchies.

Je souris. Mais avant que je puisse continuer à énumérer les activités possibles, je vis apparaître au coin de ses lèvres le sourire malicieux que je lui connaissais si bien. Et que j’adorais. Il vérifia sur son portable je ne sais quoi pendant un moment, avant de lever la tête.

- Niels, tu as bien dit que tu voulais rendre la monnaie de sa pièce à Bertrand, non ?

- Pourquoi pas, si ton idée reste autorisée par la loi.

- Un peu. Enfin oui. On y va ? conclut-il en jetant le prix de notre petit déjeuner dans la soucoupe sur la table.

J’aimais son côté impulsif, qui m’embarquait toujours dans son sillage. Il était de ces personnes lumineuses, charismatiques sans le savoir, nimbé d’une lumière entraînante et chaleureuse.

Le chemin du retour, rempli de musique à fond et d’accompagnement au chant désastreux, ressembla à un départ en voyage scolaire. À sa joie enfantine à l’idée du tour bientôt joué à son cousin, se mêlait le plaisir de sentir ma cuisse sous sa main.

* * *

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