Le rituel

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 L’obstacle qui se dressait devant eux n’avait en apparence aucune faille. Aucune serrure, aucun mécanisme, aucune inscription : rien ne laissait paraître que ce mur pouvait mener quelque part. Persuadé que quelque chose se dissimulait néanmoins derrière cette paroi, Heiric passa ses mains sur les pierres froides, espérant y déceler une faiblesse. Daenara quant à elle, restait en retrait, observant attentivement la surface rocheuse. Elle remarqua alors que certaines pierres étaient légèrement différentes des autres. Contrairement à celles que Heiric touchait, ces dernières étaient moins lisses et semblaient avoir été usées par le temps. L’elfe se rapprocha et tendit la main vers l’une d’elle. Mais à l’instant où ses doigts effleurèrent le mur, une légère lumière bleutée jaillit de quelques pierres, dessinant des symboles runiques semblant former une arche.

Son attention détournée par l’apparition des runes, Heiric se tourna vers Daenara et fut alarmé par l’état de celle-ci. Elle était parcourue de légers spasmes, le visage crispé par la douleur tandis que de sa main émanait une lueur rosée. Il se précipita vers elle, mais à peine arrivé à sa hauteur, la jeune femme sortit de sa torpeur. Un peu perdue, Daenara fixa ses mains toujours tremblotantes puis regarda son ami :

- Qu’est-ce…que s’est-il passé… ? demanda-t-elle d’une voix faible.

Heiric, toujours perplexe lui répondit :

- Eh bien…quand les runes sont apparues…je me suis tourné vers toi et tu semblais…comment dire…tu avais l’air en transe. Ta main était tendue vers le mur et…y avait une sorte de lueur rose qui en sortait.

Surprise par cette révélation, Daenara observa le mur mais ne vit aucun symbole, elle fronça alors les sourcils :

- De quelles runes parles-tu ? Je ne vois aucun changement…

Le jeune homme, d’abord intrigué, se tourna vers l’obstacle qui leur faisait face et s’aperçut avec stupeur que les marques avaient bel et bien disparu. Il posa alors une main réconfortante dans le dos de son amie et lui dit :

- Ça a eu l’air de s’activer quand tu l’as touché…tu te sens en état de recommencer ?

Encore hésitante, Daenara s’avança tout de même vers le mur et plaqua la paume de sa main sur la pierre froide et rugueuse. Elle ferma les yeux puis se concentra ardemment sur son désir de découvrir ce qu’il se cachait derrière le mur. Après quelques secondes de silence, Heiric remarqua qu’une légère lueur rosée parcourrait les marques que l’elfe portait sur ses bras. Il recula d’un pas et observa les runes s’illuminer à nouveau, dessinant une arche au centre de la paroi. Petit à petit, les pierres commencèrent à s’effriter, laissant place à un portail bleuté, luisant et transparent menant à un couloir sombre duquel on pouvait entendre des voix sinistres.

Ébahi par la scène à laquelle il venait s’assister, le jeune homme rejoignit Daenara, un peu chancelante après avoir déployer autant d’énergie.

- Tu…tu ne m’avais pas dit que tu pratiquais la magie. rétorqua Heiric, décontenancé.

- Je n’ai pas souvenir de l’avoir fait auparavant…je…

Avant que la jeune femme ne termine sa phrase, ils furent attirés par les voix qui devenaient de plus en plus distinctes. D’un air entendu, ils passèrent le portail et s’engouffrèrent dans les ténèbres. Au fur et à mesure de leur progression une odeur nauséabonde se fit sentir. En effet, le sol commençait à être jonché de membres humains calcinés. Horrifiés, Daenara et Heiric eurent un mouvement de recul accompagné d’un haut le cœur. La jeune elfe plaqua sa main contre sa bouche, choquée par ce spectacle morbide tandis que Heiric manqua de trébucher sur un organe encore sanguinolant :

- Bon sang ! Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ici ?! s’exclama le jeune homme, répugné.

- C’est sûrement les gardes qui ont disparu…répondit l’elfe d’un air dégoûté.

Alors que Heiric continuait de s’interroger sur la nature de ce carnage, Daenara l’arrêta net d’un geste du bras :

- Chut…Les voix se sont arrêtées. Dit-elle à voix basse.

 Au fond du couloir, des ombres dansaient dans la lumière des torches qui faisaient l’angle du mur. En progressant vers la source lumineuse, les voix furent remplacées par des gémissements de douleur et des appels à l’aide désespérés, entremêlés d’un bruit sourd et inquiétant. Ils arrivèrent rapidement à hauteur de ce qui semblait être l’entrée du repère des responsables de ce massacre et en passant la tête sur le côté, ils furent témoins d’une scène des plus sordides.

Au centre de la pièce, un homme nu était suspendu au-dessus d’une cuve par des chaînes fixées au plafond qui maintenaient ses bras tendus. Ce dernier était inanimé, la tête tombante, son visage caché par ses cheveux. Tout autour se trouvait une dizaine de silhouettes dont les visages étaient dissimulés par de longes capuches noires dont certaines semblaient avoir été rongées par des mites. De leurs voix criardes et grinçantes ils psalmodiaient en cœur. Brusquement, la victime leva la tête, le corps raidi par une douleur invisible. Son visage était crispé de terreur, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte comme s’il voulait hurler mais sans qu’aucun son ne se fasse entendre. Lorsque les incantations s’intensifièrent, le corps fut pris de violentes convulsions. L’écho de leurs voix finit par atteindre une telle intensité qu’Heiric et Daenara durent plaquer leurs mains sur leurs oreilles.

Et soudain, le silence.

Nos deux héros furent alors pris d’une puissante angoisse. L’absence de bruit était telle que l’on pouvait entendre sa propre respiration. Une atmosphère anxiogène envahit la pièce. Durant ce court instant qui sembla durer une éternité, la jeune elfe et son ami commençaient à se demander s’ils ne feraient pas mieux de faire demi-tour face à une telle tension. Avant même de prendre une décision, le silence fut brisé par un claquement sourd qui se répercuta sur les parois. Resté immobile durant cet instant oppressant, l’homme suspendu se raidit à nouveau, mais cette fois, il se mit à hurler de toutes ses forces. Avec horreur, Daenara et Heiric virent la peau du malheureux se mettre à brûler et à se déchirer par petit morceaux disparates. De son corps émanait une sorte de fluide énergétique semblant être aspiré par une source inconnue. À la fin du rituel, les organes contenus dans son corps désagrégé se répandirent en un fracas répugnant au fond de la cuve. Certaines des silhouettes détachèrent ce qu’il restait du corps tandis qu’une voix plus grave que celles qu’ils avaient entendu auparavant s’éleva depuis un coin de la pièce :

- Amenez-en un autre ! Le rituel est sur le point d’aboutir, il sera de nouveau parmi nous avant la prochaine lune.

Refoulant un haut le cœur, Daenara vit s’approcher l’une des mystérieuses silhouettes qui, en relevant la tête, laissa apparaître un visage noir et cadavérique semblant avoir été dévoré par le temps. Il tirait avec peine la cuve vers l’endroit où ils se trouvaient, ce qui les poussa à fuir cet endroit abject le plus rapidement possible.

 La fête battait son plein. La salle baignait dans l’alégresse : tout le monde riait, dansait, chantait et les conversations alcoolisées retentissaient haut et fort. Au fond de la pièce, l’Empereur observait avec fierté et ravissement son peuple s’adonner avec insouciance aux plaisirs qu’offraient la cérémonie. Ses pensées furent interrompues par l’arrivée soudaine d’Heiric et Daenara dont les visages étaient livides. Inquiet, l’Empereur les interrogea :

- Que se passe-t-il ?

Après quelques secondes de silence préoccupantes, Heiric prit la parole :

- Votre Altesse…pourrions-nous vous parler dans un endroit plus calme ? dit-il encore haletant.

L’Empereur acquiesça avec gravité et leur fit signe de le suivre. Ils passèrent tant bien que mal entre les convives et rejoignirent les jardins, faiblement éclairés par la lumière de la lune. Quelques invités tiraient profit de la légère brise nocturne pour se rafraîchir, loin du tumulte de la fête. Profitant de ce calme, l’Empereur se fit discret et se dirigea à l’abri des regards, suivi de prêt par nos deux héros. Il se tourna vers eux en les interrogeant du regard, puis Heiric prit la parole :

- Ce que nous avons découvert, Mon Seigneur, dépasse de loin tout ce que vous auriez pu imaginer. Durant la fête, j’ai aperçu un de vos gardes se faire ensorceler par un individu mystérieux. En le suivant, nous sommes tombés ce qui semble être le repaire d’un groupe pratiquant un culte sacrificiel…

- Je pense avoir compris où sont passés mes gardes maintenant…et…ma fille… ?

- Malheureusement nous ne l’avons pas vu, le peu de temps que nous avons eu nous a seulement permis de découvrir que leur rituel s’achèvera demain, il faut agir au plus vite, réunir le plus de gardes possibles afin d’attaquer dès l’aube.

- Je vais faire le nécessaire, quant à vous, rejoignez Leoh pour qu’il puisse vous restituer vos armes, demain, vous nous guiderez vers ce repaire.

Sur ces mots, l’Empereur alla de nouveau se mêler à foule afin de n’éveiller aucun soupçon. Heiric soupira, soulagé qu’ils n’aient pas à faire face à cette menace seuls. Soucieux de l’état de son amie qui jusque là était restée silencieuse, il se tourna vers elle. L’elfe avait un teint plus pâle qu’à l’accoutumé, de l’écœurement se lisait sur son visage et sa main était plaquée sur sa bouche, le point fermé. Le jeune homme, inquiet, demanda :

- Daenara ? Tout va bien ?

Comme seule réponse, Daenara ne put se contenir plus longtemps et évacua tout le dégoût accumulé aux pieds de son ami. Elle releva ensuite la tête, mal à l’aise et détourna le regard :

- Je…je suis désolée…

Tout d’abord surpris, Heiric finit par lui adresser un léger sourire :

- De toute façon on avait besoin d’une douche.

Il posa une main apaisante sur son épaule puis ils marchèrent en direction de leurs chambres, empressés d’enfin pouvoir prendre du repos avant leur prochain combat.

 Daenara ne dormit pas de la nuit. Elle était restée assise sur son lit, perdue dans ses pensées. Elle repensa inlassablement à ce qui lui était arrivé. Elle pouvait encore ressentir le fluide froid traverser ses veines ; Cette force qui s’était emparée de sa main, cette sensation de chaleur qui s’était accaparée d’elle… Elle fixait ses mains, tentant désespérément de comprendre d’où venait cette force stimulante et effrayante. Elle posa ensuite son regard sur ses bras et passa le bout de ses doigts sur ces marques dont elle ignorait encore l’origine. Elle se mit à douter, est-ce que ces marques étaient à l’origine de cet étrange phénomène ?

Elle finit par se lever puis se plaça devant l’immense miroir de la pièce. Les bougies presque éteintes donnaient à son corps un ombre informe et elle dû s’approcher un peu plus pour pouvoir distinguer son reflet. Elle fixa son propre visage, se répétant sans cesse qu’elle n’était pas elle-même, que ces marques qui étaient apparues sans explication avaient détruit son identité. Qui était-elle ? Une simple chasseuse qui s’était enfuie de chez elle par désir de liberté ? Une elfe désireuse de venger de la mort d’un être cher ? Ou une archère qui a simplement la volonté d’aider ceux qui en ont besoin ?

Ce qu’elle avait vu ce soir dans les profondeurs de Ninvaldir dépassait de loin ce qu’elle avait pu imaginer en quittant Isil. Elle redoutait d’avoir à se battre contre une force trop grande pour elle.

Elle se sentait faible, désorientée. Elle pensa ensuite à Heiric, cet homme en qui elle avait décidé de placer sa confiance et qui jusque-là l’avait aidé dans les pires situations. Pourquoi a-t-il décidé de la suivre et de faire partie de son aventure ? Elle se rendit alors compte qu’elle n’avait jamais demandé au jeune homme qui il était, ni quelle était son histoire. Un sentiment de regret s’empara d’elle, elle s’aperçut tout à coup qu’Heiric avait toujours été là, avec elle, depuis maintenant plusieurs mois, mais qu’elle n’avait jamais eu la curiosité d’en savoir plus sur lui.

Elle soupira, exaspérée par son propre comportement. Elle s’allongea ensuite sur son lit, le regard fixé sur le plafond rempli de dorures. Elle n’avait pas le choix. Elle s’était engagée dans quelque chose de bien trop lourd pour elle, mais il était de son devoir de terminer ce qu’elle avait commencé. Malgré ses questions sans réponse, elle ferma les yeux, demain, elle se battra.

 Heiric était suspendu par les bras, son corps presque entièrement dénudé. Il ne parvenait pas à distinguer la moindre forme de vie autour de lui tant il faisait sombre mais il entendait néanmoins de légers murmures se rapprocher. Plus ceux-ci s’intensifiaient, plus la peur le saisissait. Les voix se mirent à ressembler à des complaintes, si fortes qu’il voulut se boucher les oreilles. Puis plus rien.

Quelqu’un sortit de la pénombre. Daenara. Mais pas la Daenara qu’il connaissait.

La jeune femme était vêtue d’une tunique noire qui laissait apparaitre ses bras. Ils étaient parcourus de marques étranges et lumineuses qui brillaient intensément. Elle le fixa un temps, de ses yeux uniformément noirs, sans dire un mot. Pour Heiric, ce moment sembla durer une éternité.

- Il arrive.

La voix de l’elfe n’était plus celle qu’il avait connu. C’était une voix rauque, caverneuse, dénuée de toute émotion.

- C’est toi qui m’as fait ça.

Le jeune homme voulut répondre mais sa voix resta coincée dans sa gorge. Il se débattait, tentant de défaire ses liens. La jeune femme s’approcha encore.

- Tu n’y changeras rien. C’est trop tard.

Heiric voulut hurler de toutes ses forces, dire à son amie qu’il pouvait la ramener. Mais plus il remuait, plus ses liens se resserraient, manquant de lui lacérer les poignets. Il regarda Daenara qui était désormais à quelques centimètres de lui. Et alors que son visage arborait un sourire des plus sordide, elle se rapprocha de son oreille et s’écria :

- IL ARRIVE !

Il se réveilla en sueur.

Heiric se redressa dans son lit et épongea du bras les gouttes qui perlaient sur son front. Il n’avait jamais fait de cauchemar aussi réaliste, aussi violent… Il se leva et se dirigea alors vers la fenêtre ouverte. Le jeune homme posa ses mains encore tremblotantes sur le rebord de pierre et contempla l’horizon. La brise matinale qui caressa sa peau l’aida à s’apaiser. De cette hauteur, il pouvait apercevoir tout Ninvaldir. Les premières lueurs de l’aube venaient éclairer les rues où quelques commerces commençaient doucement à ouvrir leurs portes. Il aperçut de petites silhouettes se courir après sur la place principale, poussant des cris si aigues qu’ils lui parvenaient. Il sourit. Après toutes ses aventures avec Daenara, Heiric constata qu’il n’avait jamais pris le temps de se poser pour profiter simplement d’un lever de soleil. Ses pensées furent rapidement interrompues lorsque quelqu’un frappa à la porte. Il alla ouvrir et vit son amie dans l’encadrement, la mine basse. Elle le toisa du regard et lui dit d’un ton autoritaire :

- Habille-toi. Léoh nous attend.

Il enfila rapidement ses vêtements et, après avoir jeté un dernier coup d’œil à la chambre, il accompagna la jeune elfe le long du couloir.

Ils rejoignirent rapidement le jeune serviteur qui les attendait en compagnie de l’Empereur et de sa garde rapprochée dans la salle de trône. Leoh tenaient dans ses bras tremblants les armes des deux aventuriers qui les récupérèrent en le remerciant poliment. Ce dernier se retira en silence. Quand il disparut derrière la grande porte, l’Empereur prit la parole :

- J’ai réuni mes meilleurs soldats. Ils vous accompagneront. Tout ce qu’il me reste à faire, c’est vous souhaiter bonne chance et prier pour que vous rameniez ma fille.

Heiric s’inclina solennellement :

- Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir Votre Majesté.

Il se redressa, jeta un regard en direction des gardes, puise se dirigea vers les sous-terrain, suivi de près par Daenara.

Une fois devant le mur, les gardes se regardèrent, dubitatifs. Tandis qu’ils s’interrogeaient, Heiric se rapprocha de Daenara avec un sourire rassurant et lui dit :

- Tu peux y arriver.

La jeune elfe plaqua la paume de sa main gantée contre le mur et ferma les yeux. Elle prit une grande inspiration et se concentra. Après quelques secondes, les runes s’illuminèrent de nouveau, laissant apparaitre le portail magique. Ils s’engouffrèrent sans attendre dans le couloir qui précédait la salle du rituel. Durant leur progression, les gardes découvraient avec horreur le sol sur lequel ils marchaient. L’un d’eux marmonna si faiblement qu’il semblait se parler à lui-même :

- J’espère vraiment que la princesse est saine et sauve.

 Arrivés à l’angle du couloir, ils pénétrèrent dans la salle où Heiric et Daenara avaient assisté au rituel sacrificiel. À peine entrée dans la pièce, l’elfe fut parcourue d’un léger frisson. Elle tourna alors la tête à sa droite et fut captivée par un cristal d’un noir intense posé sur un socle de pierre. Quant aux gardes, leur attention fut attirée par des complaintes provenant d’une cage disposée dans le coin gauche de la pièce. À l’intérieur étaient entassées une dizaine de personnes dont les corps squelettiques étaient recroquevillés sur eux-mêmes. Certains gémissaient, tremblotants, tandis que d’autres restaient immobiles, l’air absent. Deux des gardes s’avancèrent rapidement vers eux, dans l’intention de les libérer mais ils se regroupèrent tous au fond de la cage, le regard effrayé. D’abord intrigués, les gardes tentèrent tout de même de briser la chaîne qui maintenait la grille fermée. L’une des femmes présentes, l’air paniqué, se mit à murmurer :

- Non….

Malgré ce refus, un des gardes continua de s’acharner sur la porte, alors que l’autre se redressa et fit le tour de la cage, attiré par la masse informe située derrière. C’est avec horreur qu’il découvrit un tas de têtes tranchées sur lequel trônait un crâne en partie calciné couronné d’un diadème en argent. Soudain devenu blême, il recula d’un pas et tourna lentement la tête vers ses compagnons :

- La princesse est morte !

Les gardes se ruèrent en direction de leur camarade, alors, d’un geste noble, ils s’agenouillèrent solennellement en l’honneur de leur souveraine disparue.

De leurs côtés, Daenara et Heiric observaient le cristal. Ils ressentirent alors une énergie occulte qui les attirait malgré eux. Plus ils se rapprochaient, plus la jeune femme se sentait captivée par cette force. Elle se sentit soudain très seule et vide. Tout s’obscurcit autour d’elle. Son regard se perdit dans la noirceur du cristal qui semblait absorber toutes sources de lumière. Son cœur se serra, son corps se crispa. Cette énergie invisible qui se dégageait du cristal commençait à l’enserrer, l’empêchant de faire le moindre mouvement. Sa respiration s’accéléra, une vague de désespoir la saisit, elle se sentit totalement dominée par la puissance du cristal. Soudain, une main puissante lui agrippa le bras et la sortit de ce cauchemar. Heiric la dévisageait, le visage grave. Lorsqu’elle détourna les yeux, elle s’aperçut que le bout de ses doigts était noirci et effleurait un fluide sombre et intangible qui émanait du cristal. D’un geste vif elle les éloigna ses mains et le fluide se rétracta.

Heiric ouvrit la bouche mais un hurlement de terreur l’interrompit. Ils se retournèrent brusquement et virent l’un des gardes léviter au-dessus du sol, le corps contorsionné dans une pose inhumaine. Son visage était figé par la douleur, ses yeux exorbités, tournés vers ses camarades comme pour appeler à l’aide. Les gardes se précipitèrent vers lui mais il disparut dans le couloir sombre, happé avec brutalité par une force invisible. Daenara et Heiric rejoignirent le groupe et par réflexe, dégainèrent leurs armes.

Une atmosphère pesante s’installa au cours de laquelle on entendit des glissements d’étoffes serpenter sur le sol. Instinctivement, la jeune elfe décocha une flèche en direction du couloir vide mais celle-ci fut renvoyée violemment vers eux. Ils s’écartèrent rapidement et le projectile alla se loger dans le mur. Les bruits s’intensifièrent et avant même que Daenara n’encoche une nouvelle flèche, une main décharnée aux doigts crochus sortie de l’obscurité. L’un des gardes fut alors attiré sauvagement et la main enserra son cou. Une fumée noire s’échappa du bout des doigts et alla s’immiscer dans son corps qui se vida petit à petit de son énergie vitale. Après seulement quelques secondes, la main ne tint plus qu’une enveloppe anhydre qu’elle jeta nonchalamment aux pieds du groupe qui eut un mouvement de recul.

L’énergie sombre se redirigea vers son invocateur qui sortit de la pénombre. Le groupe dut alors faire face à quatre créatures drapées dans une cape rapiécée, le visage à demi couvert par une large capuche. On y distinguait leurs mâchoires émaciées, squelettiques, dont l’une d’elle affichait un sourire malsain. Ils s’avancèrent lentement, marmonnant de leur voix criarde des incantations, encerclant progressivement le groupe qui, jusque-là, était resté figé par la peur.

Un des gardes se rua sur l’une des créatures afin de porter le premier coup et briser leur formation mais celle-ci, d’un geste du bras, le projeta avec force contre le mur. Il tomba alors lourdement à terre, inconscient. Deux des silhouettes encapuchonnées se dirigèrent vers lui mais furent rapidement attaquées par le reste des gardes ce qui laissa à Heiric et Daenara l’opportunité de passer à l’action.

D’une main, le jeune guerrier brandit son épée et asséna un coup à l’une des créatures qui para l’attaque de son bras recouvert d’énergie noire. D’abord surpris, il porta néanmoins un autre coup que le mage bloqua de nouveau. Heiric souleva alors son épée au-dessus de sa tête et d’un coup puissant l’abattit sur le sorcier qui croisa les bras pour contrer l’attaque. Le jeune homme, après un mouvement de recul, effectua un coup d’estoque mais la créature arrêta net la lame entre ses deux mains crochues.

Au même instant, Daenara envoya une flèche en direction de la tête de la créature qui lui faisait face, cette dernière, d’un geste dédaigneux de la main, repoussa le projectile. L’elfe encocha une nouvelle flèche mais la créature leva le bras et l’attira avec force vers elle, la faisant lâcher son arc. Arrivée à sa hauteur, la jeune femme eut assez de force pour empoigner une flèche dans son carquois et d’un geste habile des doigts, la retourna, pointe vers le bas, et embrocha la main du sorcier qui poussa un hurlement strident. Daenara tomba alors sèchement sur le sol. La silhouette avait toujours le visage tourné vers sa main mais avec une force incontrôlée, elle balaya de son autre main la jeune femme qui fut projetée avec une extrême violence et heurta brutalement le cristal situé au fond de la pièce. Des fragments de celui-ci se brisèrent alors, laissant échapper un fluide sombre qui s’infiltra dans le corps de l’elfe qui gisait au sol.

Heiric qui était toujours confronté à la créature aperçue du coin de l’œil son ami percuter le cristal de plein fouet. Dans un excès de colère le jeune homme réunit toutes ses forces et enfonça son épée dans le corps du sorcier qui poussa un hurlement. Heiric profita de ce moment de faiblesse pour rejoindre Daenara qui poussait des gémissements de douleur, recroquevillée sur elle-même. qQuand il se rapprocha de la jeune elfe, celle-ci poussa un cri perçant et une onde de choc magique se répandit dans toute la pièce, propulsant tout ceux qui y était présents.

 Le jeune guerrier, encore sous le choc, prit appui sur son épée et se redressa lentement. Il tituba légèrement en avançant vers Daenara, étendue de tout son long sur le sol, la respiration saccadée. Les marques rosées qui parcouraient son visage étaient luminescentes, bien plus qu’elles ne l’avaient été lorsqu’elles étaient apparues sur ses bras. Heiric aida la jeune femme à se relever, mettant l’un de ses bras derrière son cou et passant une main autour de sa taille pour la soutenir. Au même moment, l’une des créatures qui s’était rétablie poussa un hurlement strident et prononça des mots incompréhensibles tout en pointant du doigt la jeune femme. D’un même geste, toutes les créatures se tournèrent alors vers Daenara et se ruèrent vers elle. Mais elles furent stoppées dans leur élan par les gardes qui avaient résistés à l’affrontement. Tandis qu’il se battaient, l’un d’eux hurla à l’encontre de nos deux héros :

- Partez !! Allez avertir l’Empereur ! Nous allons vous faire gagner du temps !

Heiric acquiesça et profita de cette diversion pour entraîner Daenara vers la sortie. Il tourna la tête une dernière fois et lança un regard empli de gratitude à l’encontre des gardes avant de s’enfoncer dans le couloir sombre dans lequel raisonnèrent les cris de ces créatures infâmes.

Chapitre inspiré de Catvrix - Eluveitie

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