La rencontre

11 minutes de lecture

 Petit village de la région de Badalan, connue pour ses multitudes de collines, Brudel était un hameau très tranquille où il faisait bon vivre. Ces habitants se connaissaient tous et une certaine harmonie s’y était installée depuis que le nouvel Empire avait vu le jour.

Parmi eux, Heiric et son père Theobert étaient connus pour tenir la forge du village. Tout deux contribuaient à sa pérennisation en fabriquant de quoi ferrer les chevaux et faire les récoltes. Un jour ordinaire, des gardes du palais impérial étaient venus leur demander de forger des armes. Seulement, Theobert commençait à ressentir les effets de son dur labeur, et malgré les résistances de son fils, celui-ci avait tout de même accepté la requête, par peur de représailles en cas de refus.

Ils se mirent alors à forger une centaine d’épées. Tous les soirs, le vieil homme s’écroulait mais refusait de s’arrêter malgré les demandes désespérées de son fils. Au fil des jours, son corps pouvait à peine tenir debout alors Heiric décida de travailler plus dur pour que son père puisse se reposer. Il fit tout son possible pour terminer les épées à temps, chose qu’il réussit mais pas sans en payer le prix.

Le jour où toutes les armes furent forgées, la garde impériale les récupéra sans un remerciement, sans même un regard, repartant aussi vite qu’elle était venue. Ce jour-là, Heiric fut pris d’un violent excès de rage, ne pouvant accepter un tel dédain envers le travail de son père. Il déversa sa colère dans sa forge, jetant à terre les multiples outils ayant servit à la fabrication de ces épées. Alerté par le bruit, son père se leva du lit où il était couché et entra dans la pièce principale :

-Mon fils…qu’est-ce que… tu fais… ? demanda-t-il faiblement, le visage meurtri de douleur.

Voyant son père souffrant, le jeune homme s’arrêta et alla l’épauler.

- Père ! Ne vous levez pas ! Je vous en supplie…

Il ramena alors son père dans son lit où il l’aida à s’allonger avec délicatesse. Il s’accroupi ensuite à son chevet :

- Père…la garde impériale est venue chercher les épées, sans un mot, sans un remerciement pour votre travail ! Regardez dans quel état cette tâche vous a mise, je ne peux pas tolérer un tel comportement !

- Heiric…j’ai accepté cette mission…tu ne peux pas leur en vouloir…Imagine...ah…imagine ce qu’ils auraient fait si je n’avais pas accepté…

- Mais père !

- S’il te plaît…ces gardes nous ont confié une mission importante que nous avons réussi…dorénavant…ils sauront qui tu es…et il ne t’arrivera jamais rien….ils protégeront notre village en cas de danger….ils sauront être reconnaissants….en temps voulus….

Heiric resta silencieux un long moment, en colère et aussi très inquiet pour son père qui repris la parole :

- Va voir dans l’armoire…j’ai quelque chose pour toi…

Intrigué, Heiric alla ouvrir le meuble et y trouva, parmi de vieux vêtements déchirés, une épée, ressemblant à celles forgées pour la garde, mais sur sa lame y était gravé « Souviens-toi… ». Theobert fit un signe de la main pour que son fils se rapproche de lui :

- C’est la première épée que j’ai forgée…je l’ai gardée…pour toi…pour que tu te souviennes que…dorénavant…c’est à toi que revient la tâche de prendre soin du village….

Emu par tant de détresse, Heiric baissa le regard, n’osant dire un mot.

- Heiric….rappelle-toi que le vrai labeur…c’est de tout donner pour voir le sourire des gens que tu aimes sur leur visage…quitte à en souffrir…et à faire des sacrifices….notre monde ne pourra jamais être en paix tant que….tant qu’il y aura encore de mauvaises choses….notre rôle…c’est de faire en sorte que le village soit en paix….le plus longtemps possible….

Le jeune homme acquiesça :

- Je ferai tout mon possible père. Je vous le promets. Reposez-vous maintenant.

Quelques jours plus tard, Theobert mourut dans son sommeil, son âge et toutes ces années de travail avaient finit par avoir raison de lui. Quand Heiric le retrouva, allongé sur son lit, immobile et froid, il senti une grande tristesse mais aussi une grande colère en lui, persuadé que si la garde impériale ne lui avait pas donné autant de travail, son père serait toujours là. Il pleura cet homme qu’il avait tant aimé, avec tout le village. Après cette nouvelle éprouvante et quelques jours à rassembler ses affaires, Heiric décida d’honorer sa promesse, mais il n’allait pas seulement protéger le village, mais tous ceux qui en auraient besoin. Son père n’étant plus là, il devait honorer son rêve d’un monde en paix, et c’est qu’il allait faire. Il fit ses adieux à Brudel dont la protection était assurée grâce au service que son père avait rendu à l’armée impériale, et c’est avec son épée et son envie de justice, que le jeune homme parti, en quête de nouveaux horizons et de vengeance.

 Plus loin encore, caché aux yeux de tous dans la forêt d’Isil, protégée par une aura magique, vivait le peuple des Aelyn. Il s’agissait d’un des nombreux peuples elfiques qui avaient été obligés de se cacher durant la guerre. Les Aelyns étaient connus pour leur organisation hiérarchique où les hommes gouvernaient et ne laissaient aucune place aux femmes. En effet, celles-ci avaient pour rôle d’entretenir les hommes, elles s’occupaient de toutes les tâches permettant de rendre le royaume prospère et étaient reconnues pour leur talent de chasseuses.

Daenara était l’une d’entre elles. Elevée dans la tradition, elle était seule avec sa mère, cheffe de chasse, dont le mari avait été tué alors qu’elle n’était pas encore venue au monde. Ces nombreux entraînements avaient révélé son véritable don pour le tir à l’arc, mais ce ne fut pas sans de nombreuses blessures, dont certaines qui l’avaient marqué à vie.

Cependant, au fil des années, la jeune elfe commençait à être intriguée par le monde extérieur et quand elle eu l’occasion de partir à la chasse avec sa mère et ses comparses, elle eut l’occasion de découvrir qu’il existait des villages où les individus étaient libres. Elle fut alors prise d’un espoir, qu’un jour, les femmes de son peuple pourraient se libérer des hommes qui les gouvernaient depuis déjà bien trop longtemps. L’espoir qu’un jour, tous puissent être égaux et qu’aucun ne puissent avoir le pouvoir sur l’autre.

Elle tenta de fuir à plusieurs reprises, mais sa mère l’en empêchait, de peur que sa fille subisse la colère des rois elfes. Cependant, celle-ci l’entraîna et continua de l’élever dans cet espoir de liberté. Très proche de sa mère, elle ne ratait aucune occasion de partir à la chasse avec elle. Mais un jour, celle-ci l’empêcha de l’accompagner. En effet, le bruit courrait qu’une bande de Tsakir, des êtres mi-hommes, mi-démons, étaient dans les parages. Ces créatures étaient d’une extrême violence et s’en prenaient à quiconque les approchait. Refusant de mettre sa fille en danger, elle partie alors sans elle, avec ses meilleures chasseuses, afin d’éliminer cette menace.

Daenara fut tout d’abord très en colère de ne pas participer à cette chasse, mais elle fut ensuite inquiète quand elle ne vit pas sa mère revenir après plusieurs jours. Il était habituel que la chasse puisse durer longtemps, parfois, les chasseuses ne revenaient que le lendemain, mais cette fois-ci, cinq jours s’étaient écoulés. Au sixième jour, seulement trois chasseuses revinrent, et on apprit rapidement que les cinq autres avaient perdu la vie. En apprenant la nouvelle de leur retour, Daenara se précipita dans la salle de chasse, mais elle n’y vit pas sa mère. Ne se rendant pas réellement compte de ce qu’il se passait, elle resta étrangement calme.

- Où est ma mère ?

L’une des chasseuses, les yeux encore humides et blessées de toutes parts, s’avança vers elle.

- Daenara…ta mère…

-Où est-elle ? demanda la jeune elfe froidement.

- Elle n’a pas…

Quand la jeune femme s’approcha, elle vit une multitude d’épées venant de la garde impériale.

- Les Tsakir étaient armés….ils avaient des épées de la garde…on a rien pu faire…

La rage l’envahit, elle ne pouvait pas croire que sa mère n’était plus là. Elle serra les poings, son corps se mit à trembler légèrement. Elle laissa la rage l’envahir, alors qu’elle fixait un point invisible sur un mur, ses mains commencèrent à s’entourer d’une lumière rosée qui se transforma en une sorte d’éclair dont émanait une puissance encore jamais vue.

Une des chasseuses écarquilla les yeux quand elle vit la jeune elfe s’entourer de cet éclair magique, elle vit également des marques apparaitre sur son visage et ses bras.

- C’est impossible ! Elle ne peut pas…

Mais elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que la salle fut envahie d’éclairs foudroyants, faisant valser les meubles et détruisant des parcelles de mur. Impuissantes face à cette magie, les elfes se cachèrent et ce n’est qu’après de longues seconde que Lyra, la seule amie de Daenara réussi à l’apaiser en la prenant dans ses bras. Au moment où elle sentit des bras l’entourer, la jeune elfe tomba, inconsciente.

Quand elle se réveilla, elle ne se souvenait de rien. Elle avait cependant gardé les marques sur son visage et ses bras, n’ayant aucune idée de ce dont il s’agissait. Il faisait nuit, et personne n’était avec elle. Elle prit quelques temps pour reprendre ses esprits en place. Sa mère était morte, à cause du danger dans lequel les hommes l’exposaient au quotidien. Elle décida que sa place n’était plus ici, elle devait se libérer de cette emprise et venger la mort de sa mère. Discrètement, elle sortit par la fenêtre de l’infirmerie et alla récupérer l’arc et les flèches de sa mère dans la salle de chasse et sans un bruit, elle s’enfuit. Elle se promit alors qu’elle allait faire ce dont son peuple était incapable, instaurer la paix et l’harmonie, et surtout, retrouver la garde impériale pour lui faire payer ses crimes.

Durant plusieurs semaines, Heiric et Daenara sillonnèrent les contrées et s’étaient retrouvés dans la région de Munyr dans laquelle ils firent leur possible pour instaurer la paix. De villages en villages, de monstres en monstres, ils entendirent parler d’une menace plus grande encore que tout ce qu’ils avaient affronté auparavant.

Intrigués, ils se mirent alors en chasse de cette créature qui attaquait le village de Perul que les villageois appelaient le Kriarr. Cet oiseau décharné, aux yeux creux et au plumage noir, agressait régulièrement leurs troupeaux, rendant la vie des Peruliens difficile. Vivant au cœur de la forêt, ils ne pouvaient l’atteindre car ils ne possédaient pas les armes nécessaires.

C’est ainsi que sans le savoir, Heiric et Daenara se dirigèrent vers la même destination.

Sillonnant la forêt à la recherche de la bête, Heiric finit par entendre un cri strident vers lequel il se dirigea. Il se retrouva au milieu d’une clairière. Au sol se trouvait des cadavres d’animaux, des moutons, des rats d’autres créatures peuplant la forêt. D’abord dégoûté par le spectacle, le jeune homme s’aperçut rapidement qu’au-dessus de lui tournoyait un immense oiseau à l’allure famélique. Instinctivement, il sortit son épée de son fourreau mais se rendit aussi compte de son impuissance. Comment pouvait-il combattre une créature volante avec une épée ?

Seulement, alerté par le reflet du soleil sur la lame, le volatile posa ses orbites vides vers Heiric et poussa un nouveau hurlement. Sans attendre, il plongea à toute vitesse, déployant ses gigantesques ailes, prêt à déchiqueter sa nouvelle proie. Surpris et intimidé par la vitesse, le jeune homme s’apprêta tout de même à riposter en brandissant son épée devant son visage, fermant les yeux, espérant que l’oiseau allait se répercuter sur elle.

Soudain, une flèche jaillit de la cime des arbres, transperçant la créature qui s’effondra sur le sol. En entendant ce fracas, Heiric ouvrit les yeux et vit une silhouette surgir des feuillages. Elle fendit l’air et termina sa course à ses côtés, prête à se battre. Cependant il n’eut pas le temps de s’attarder sur cette nouvelle venue car le Kriarr, plus furieux que jamais, se redressa et fonça sur nos deux protagonistes, lançant à nouveau un cri perçant.

Sans échanger un regard, Heiric et Daenara s’élancèrent vers la bête. Le jeune homme porta le premier coup, visant les pattes de l’oiseau afin de la déstabiliser. Celui-ci perdit l’équilibre et fut transpercé par une flèche qui lui atterrit directement dans sa cavité orbitale. Envahit par la douleur, la créature déploya ses ailes, faisant valser Daenara qui se rattrapa rapidement grâce à son équilibre. Heiric, lui, passa sous une aile et la trancha d’un coup sec et puissant, mettant l’oiseau à terre. Celui-ci tenta tout de même d’attraper Heiric avec son bec mais Daenara en profita pour tirer une nouvelle flèche, qui alla se nicher dans le cou de l’oiseau. De nouveau prit de douleur celui-ci pointa son bec vers le ciel en poussant un ultime hurlement avant que la lame d’Heiric ne vienne lui trancher la gorge.

Le Kriarr était vaincu et nos deux héros se retrouvèrent face à face.

Après plusieurs secondes de silence à se demander qui était en face d’elle, Daenara remarqua le sceau gravé sur le pommeau de l’épée de Heiric. Sans crier gare, elle envoya une flèche en direction de cet inconnu qui, par reflexe, la dévia de son arme. Désorienté par cette attaque soudaine, il fut rapidement mis à terre par l’elfe qui le mis en joue. En colère, Daenara s’exprima alors dans son dialecte :

- Où as-tu eu cette épée ?!

Face au regard perdu du jeune homme, elle comprit qu’elle devait s’exprimer autrement, elle prit alors le langage des hommes qu’elle avait appris :

- D’où vient cette épée ?!

Désarçonné par la question, Heiric répondit :

- De mon père ! C’est lui qui l’a forgé !

- Vous faites partie des impériaux ?!

- Non ! Je viens d’un petit village, mon père était forgeron, c’est la garde impériale qui l’a obligé à fabriquer ces épées ! Il est mort pour ça !

Confuse, Daenara prit le bras de Heiric et l’aida à se relever. Elle rangea sa flèche dans son carquois et récupéra celles logées dans le corps du Kriarr. Quand elle revint vers le jeune homme elle s’exprima de nouveau :

- La garde impériale a fait un pacte avec les Tsakir, ils avaient leurs épées, c’est l’une d’entre elles qui a tué ma mère.

Heiric jeta un rapide regard sur son épée, se rappelant son histoire, il lut la gravure sur sa lame et répondit :

- Cette épée m’a été donné par mon père, je veux lui rendre sa vraie valeur et lui donner le sens qu’il aurait voulu qu’elle ait. Protéger et instaurer la paix.

Suite à cela, un long silence apparu. Tout deux se demandaient quoi faire à présent. C’est finalement Heiric qui reprit la parole :

- Quand tu n’essaies pas de me tuer, on a l’air de bien s’entendre au combat…on pourrait peut-être faire un bout de chemin ensemble ?

La jeune elfe hésita. Elle était méfiante envers cet homme qu’elle ne connaissait pas. Mais à première vue, il avait l’air d’avoir les mêmes objectifs qu’elle, et un peu d’aide dans sa quête serait la bienvenue.

- J’ai entendu dire qu’une créature imposante rodait près d’un village à quelques lieux d’ici…tu peux m’accompagner.

Et c’est sur cette rencontre inattendue que Daenara et Heiric firent route ensemble vers leur nouvelle destination.

Chapitre inspiré de Nantosvelta - Eluveitie

Annotations

Vous aimez lire Heirinara ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0