Le Moyen-Age 2 : le retour !

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Vous ne pouvez pas l'entendre, mais juste après le titre, Adam m'a fait un super Tadammm à la mandoline.

Nous quittons le 11e siècle pour plonger dans le 12e et découvrir la naissance d'un phénomène sans précédent dans notre cher pays : le Roman. Tout beau, tout chaud, mais surtout, en prose et fictif. Aucun fait réel ! (Même si on l'a vu précédemment, la véracité des faits était un peu à la sauce de chacun.) Révolution de l'imaginaire, chers amis, car la réalité on s'en balance et en outre, on a le toupet d'aller chercher l'inspiration chez les païens ! Morbleu, mais ils sont fous !

En effet, les légendes se véhiculent par les troubadours (c'est pour ça qu'Adam est encore en train de gratter) donc elles deviennent des sources d'inspirations fabuleuses pour la naissance des premiers romans. Autre nouveauté, on commence à connaître les auteurs. Un, notamment, marquera cette histoire avec les siennes : Chrétien de Troyes. Je ne vais pas vous faire sa biographie, je préfère parler des œuvres.

Chrétien de Troyes est celui qui va nous servir les légendes bretonnes autour de la table ronde, et le chouchen qui va avec ! C'est surtout ainsi qu'apparait dans notre patrimoine le personnage du chevalier errant : Lancelot. L'occasion pour ce type de héros de faire la découverte de soi, de l'autre, de l'amour ! Autant se taper la femme d'un autre en plus, ça le fait toujours comme élément dramaturgique. Dans les grandes lignes : une femme mariée, inaccessible, mieux encore, qu'il n'a jamais vu. Bref, un peigne, deux cheveux d'or et la testostérone fera le reste. Je savais qu'il fallait que je me fasse teindre en blonde ! S'ensuit la quête de sa dame enlevée par Méléagant. Sauf que ce parcours initiatique pour mériter sa place à la table ronde se transforme en quête désespérée pour gagner l'amour de la belle... qui est mariée au patron, je le rappelle. Et le pauvre Lancelot, autant vous dire qu'il va en baver, mais vraiment. Deux épreuves se distinguent de ce voyage initiatique, épreuves qui prennent un caractère sacrificiel très marqué. Notons donc celle de la traversée du Pont de l'Épée, sacrifice du corps par les blessures infligées, et celle qui donnera le titre du roman : Le Chevalier à la Charrette. En effet, pour rejoindre sa dame, Lancelot doit se faire transporter et, par la même occasion, déshonorer et humilier, sur une charrette. Pendant tout le bouquin, notre petit gars va souffrir à cause de son amour, il va s'acquitter de chaque épreuve comme le Christ sur son chemin de croix et à la fin... ben il méritera sa Guenièvre tout de même. Sauf que... là où l'œuvre marque les esprits, c'est qu'on est dans la période de la fin'amor, que l'on traduit en français moderne par "amour courtois". Avec le chevalier à la charrette, Chrétien de Troyes pose toutes les bases de l'amour courtois, de cette chevalerie d'abnégation, de cet amour de la dame qui est presque spirituel et absolu, comme peut l'être celui envers Dieu, et il nous offre aussi une merveilleuse et scandaleuse histoire d'adultère. Je vous laisse vous imprégner de l'espèce de bombe qui vient de tomber : glorification de l'adultère en plein Moyen-Âge religieux ! Pour l'époque, pas facile à avaler, d'ailleurs la fin ne sera pas écrite par Chrétien de Troyes, mais par un autre auteur (en accord avec Chrétien) le clerc Godefroi de Lagny. La petite pirouette moraliste nous montre un Lancelot qui, par la consommation de l'acte charnel, se voit refuser le Graal. Une coupe vide, une femme pleine... le cœur balance. Donc en gros, on a le droit d'aimer la femme d'un autre, c'est beau même, cette passion dévorante au point de se sacrifier, mais on n'a pas le droit de consommer...

Dans la même veine, et avec une version écrite aussi par Chrétien de Troyes (même si elle s'est perdue en route celle-ci, on a surtout retenu celles de Béroul et de Thomas d'Angleterre) nous retrouvons un couple mythique lui aussi : Tristan et Yseult. Ces deux-là sont les champions hors catégorie des emmerdes. Faut dire que, le père Tristan, il les cherche. Il passe son temps à se faire empoisonner à chaque fois qu'il accomplit quoi que ce soit. Et la douce Yseult de le guérir à maintes reprises (à croire que c'est la seule infirmière du coin.) Elle sent l'amour qui naît. Lui, la décevra par son devoir de la marier à un autre, le roi (histoire de ne pas pouvoir dire non) Marc de Cornouailles. Jusqu'ici, on ne dirait pas, mais tout va bien, ils s'aiment d'amour platonique et courtois. Sauf que, par mégarde, ils boivent un philtre d'amour (je vous avais dit que le Tristan était abonné aux poisons) et là, c'est le drame. L'amour consommé, ils ne s'arrêteront plus, même une fois les effets du philtre dissipés et Yseult mariée au roi. Désespéré, Tristan fuit sa bien-aimée et se bat pour oublier (il aurait mieux fait de picoler !) et le voilà de nouveau blessé par une lame empoisonnée. Comme Yseult est devenue experte du centre anti poison, elle est la seule à pouvoir le sauver, mais arrive trop tard. Histoire tragique au possible où l'on s'attache aux amants interdits.

L'ambiguïté de ces deux romans entre amour courtois et adultère est forte. Elle sera au cœur de la problématique de nombreuses autres œuvres sur l'ambivalence des sentiments amoureux, sur la passion qui se subit plus encore qu'elle ne se vit.

Avant de quitter le 12e siècle et afin de ne pas oublier une autre figure emblématique de notre patrimoine littéraire, il me faut revenir à Chrétien de Troyes et vous parler de Perceval.

Perceval, c'est un peu le bon gars qui vient après que Lancelot a foiré. Car notre cher amoureux de la reine avait tout pour le voir le Graal, de par sa naissance, mais, l'adultère consommé, on ne pouvait décemment pas lui filer le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière. Ici apparaît Perceval, un personnage que j'affectionne particulièrement, d'où la petite attention qu'on va lui porter.

La table ronde comporte en effet plusieurs figures avec leurs propres quêtes, mais Perceval ouvre la voie d'un des mythes les plus complexes en littérature : celui de la construction de l'homme.

Perceval, c'est aussi l'idiot du village. En réalité, il est né à l'écart de tous, protégé du monde extérieur, il ne sait même pas son nom. De cette éducation particulière naîtra le drame de Perceval : sa naïveté. Quand il plonge dans le monde de la chevalerie, attiré par les armures brillantes et le côté bling-bling, c'est pour aller directement à la cour du roi Arthur. Un vieux chevalier le prend sous son aile et lui enseigne les codes et vertus de la chevalerie. Et là, c'est le drame. Car lors d'une errance, il est accueilli par le Roi Pêcheur et voit apparaître devant lui, et pour la première fois mesdames et messieurs dans un texte écrit : le Graal ! On ne sait toujours pas vraiment ce que c'est, mais il est là, devant nos yeux ébahis et ceux de Perceval. Sauf que, pris dans sa nouvelle éducation et sans le recul nécessaire pour passer au-delà, le couillon ne posera aucune question et le Graal lui passera sous le nez. En prime, le Roi Pêcheur meurt, car saisir le Graal aurait justement pu le sauver. S'ensuivra la quête inlassable de l'âge du capitaine... non du Graal bien sûr. (Je rappelle qu'on ne sait toujours pas si c'est un plat à viande, une coupe ou un caillou, mais ce n'est pas grave, on le cherche tout de même...)

Là où l'œuvre est intéressante, c'est qu'elle s'arrête là, sur une tonne de questions en suspens. D'où vient Perceval, pourquoi erre-t-il ? Qu'est-ce que le Graal ? Quelles questions aurait-il posées ? De cette absence d'interrogation du protagoniste va naître justement des tas d'interrogations des lecteurs et plusieurs auteurs de l'époque s'empareront de l'œuvre pour la terminer.

Le mythe de Perceval est aussi une critique de la chevalerie et de son côté « recherche de la gloriole ». En gros, ici s'opposent le rêve de chevalerie et sa réalité moins idyllique.

Voilà trois œuvres qui ont marqué notre patrimoine littéraire et sur ces chevaliers perdus et ces amours tragiques, je vous propose une petite pause histoire de se remettre un peu de tant d'émotions... et surtout d'attaquer la fin du Moyen-Âge ! Eh oui, il me reste une petite partie encore avant de passer cette époque.

À tout de suite.

K.

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