Chapitre 2

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Je fixe mon poignet, pour être sûre qu'il s'agisse bien de mon numéro. Aucun doute possible, ma brûlure -suintant- me le confirme. Je m'avance donc jusqu'à la sortie sans prendre la peine de regarder mon partenaire. Arrivée devant la porte de ma chambre, j'y entre et m'installe sur le lit. Le garçon 497 entre à son tour, mes yeux se décident à se poser sur lui. C'est un Afro-Européen et plutôt mon genre d'homme en général. Mais là n'est pas la question. Il s'approche de moi avec assurance et s'installe à mes côtés.

_Flippant non ? Dit-il.

_Carrément, je réponds.

Nous restons quelques instants sans se parler, ne sachant pas quoi se dire ni même daigner se regarder.

_As-tu lu le livret ? Demandé-je finalement.

_Ouais, c'est du grand n'importe quoi je trouve.

_Tu... tu crois que l'on va vraiment devoir...

Cette fois-ci, il tourne la tête pour me regarder et nos yeux se rencontrent pour la première fois. Mes doigts miment l'action en même temps que les mots sortent de ma bouche. Ce qui ne manque pas de lui valoir un petit rictus. 

_On ne va pas avoir le choix, répond-il avec un air désolé.

_Et il se passerait quoi si on décide de ne rien faire ? Comment vont-ils le découvrir ?

_Tu n'as pas lu le règlement entièrement, je me trompe ?

Je secoue la tête négativement. Il se lève et me tend le livret afin de poursuivre ma lecture. Lorsque je l'ouvre, je passe directement à la partie règlement et ce que je lis me consterne. Un frisson me parcours l'échine.

_C-comment ça « de force » ?

_Le viol.

Je me mets à trembler de peur et continue la lecture à voix haute cette fois-ci.

« Toute personne cherchant à s'enfuir sera punie par la torture »

C'est une blague, j'espère ? Nous sommes arrachés à nos familles et en plus, on doit leur obéir au doigt et à l'œil ? Où est la liberté, où sont les droits de l'Hommes ? Bien évidemment, cela ne leur fait ni chaud ni froid tant que les résultats sont là.

Je referme le livret, ne supportant plus de lire toutes ces infamies et me lève d'un bond. Je dois partir d'ici et retrouver ma vie d'avant, quitte à ne jamais être mère. Je fonce vers la porte, prête à enfoncer toutes les sorties de secours que je vais croiser sur ma route.

497 me bloque la porte, comme s'il avait lu dans mes pensées.

_C'est une très mauvaise idée de faire ça.

_Laisse-moi partir s'il-te-plaît, lui demandé-je fermement.

_Je ne veux pas que tu te fasses prendre, tu n'as pas compris ce qu'ils comptent faire ? Il commence à s'énerver.

_Bien sûr que si, je réponds. Mais ne compte pas sur moi pour rester les bras croisés à attendre que l'on m'engrosse contre ma volonté !

Je lui cloue le bec. Il est vrai que je ne contrôle pas mon langage dans ces circonstances, et je m'en fiche. J'ai toujours eu mon sale caractère, et bien que je sois totalement apeurée, je ne me laisserai pas faire. Je souhaite avant tout garder ma liberté et mon libre-arbitre, quitte à en mourir.

_Comment tu t'appelles ? Demande-t-il pour apaiser la situation.

_501, je réponds machinalement.

_Ton vrai prénom.

_Ilana, je souffle. Et toi ?

_Junior, enchanté.

Il se rapproche de moi et me tend la main que j'empoigne avec méfiance.

_Bien, maintenant que les présentations sont faites, tu vas devoir apprendre à me faire confiance, dit-il.

Il se réinstalle à mes côtés et reprend.

_Dans ce centre, ils cherchent par tous les moyens à sauver notre humanité de l'extinction. Peu importe par quel chemin il faut passer, ils iront au bout de leur idée.

_Es-tu pour ces pratiques ?

_Non bien sûr que non ! Leur idée est bonne, mais ils font ça n'importe comment, dit-il.

Un frappement à la porte coupe notre conversation. Junior se lève et ouvre la porte pour laisser entrer un garde, bien loin d'être sympathique.

_Veuillez me suivre.

_Pourquoi faire ? Questionné-je en colère.

Il s'approche de moi, n'appréciant pas le ton de ma voix. Arrivé à ma hauteur, je constate qu'il fait une tête de plus que moi, ce qui le rend d'autant plus intimidant. Ma tête contre son torse, il n'hésite pas à montrer qui détient le pouvoir ici. Et ce n'est certainement pas une jeune femme de 20 ans.

_Ne pose pas de questions et tout ira bien pour toi 501, dit-il d'un ton glacial.

Je hoche la tête puis il s'éloigne, me laissant de nouveau respirer sereinement. A contre-coeur je me résigne à le suivre, suivie de près par Junior.

Dans les couloirs, je constate que nous ne sommes pas les seuls à nous diriger au même endroit. Le garde s'arrête finalement à quelques mètres de notre chambre et exige que l'on attende.

_Quelqu'un viendra vous chercher, finit-il.

Puis il s'en va, nous délaissant devant une petite porte en compagnie d'autres recrues. Je reporte mon regard sur Junior qui a l'air parfaitement à l'aise en vue des circonstances. Il se baisse pour être à ma taille et murmure au creux de mon oreille :

_Au cas où tu aurais oublié, nous allons effectuer des tests sanguins. C'était écrit dans le livret.

Et il a raison, ça m'était complètement sorti de l'esprit. Mais avec tout ce que j'ai lu et vu, mes pensées se tournent vers l'élaboration d'un plan de fuite. J'essaye au mieux de repérer les portes, les couloirs et bien d'autres signes distinctifs. J'ai même compté nos pas sur le trajet : 54. Cette information me sera éventuellement utile plus tard, ou non.

 Nous attendons sagement devant la fameuse porte, prêts à subir leurs tests. Les autres recrues ne parlent pas, c'est plutôt silencieux. Une jeune femme sanglote tout en fixant son poignet où "504" est inscrit au fer rouge. Il m'a l'air bien plus rouge et suintant que le mien, j'espère qu'ils ne la laisseront pas comme ça. Se sentant épiée, elle reporte son regard sur moi. Un regard qui en dit long. J'ai sans doute le même à l'heure qu'il est... J'arrive tout de même à esquisser un sourire pour lui montrer qu'elle n'est pas seule.

Soudain, la porte s'ouvre brusquement, provocant un énième sursaut. Une femme habillée d'une blouse blanche apparaît dans l'encadrement. Carnet en main, elle le scrute avant d'appeler la première personne à passer sur sa table.

_497, veuillez me suivre.

Je regarde mon partenaire prendre sa direction, légèrement inquiète. Junior se fige, se retourne vers moi et me lance le fameux regard "tout ira bien". 

...

Après une quinzaine de minutes, Junior réapparaît avec un pansement sur le bras. Tout à l'air normal pour le moment.

-501, veuillez me suivre.

Je souffle un bon coup pour me donner du courage, n'étant pas friande des piqûres. Et c'est d'un pas non-assuré que je la suis.

A l'intérieur, rien n'est finalement surprenant. Il s'agit d'un cabinet de médecin tout à fait basique, ce qui me rassure. La médecin m'invite à m'installer sur un petit lit puis commence à m'ausculter. Elle vérifie le strict nécessaire : ma tension, mon poids, ma taille, les battements de mon cœur etcétéra.

_Bien, tout semble en règle. Maintenant vous allez devoir répondre à quelques questions personnelles qui ne seront pas divulguées. Voyez ça comme un simple rendez-vous chez le médecin et tout se passera bien.

J'acquiesce, jusque-là tout se passe comme une consultation normale. D'autant plus qu'elle m'inspire confiance, elle est diamétralement opposée aux autres "employés" de ce centre. 

_Êtes-vous déjà tombée enceinte ?

_Non, je réponds.

_Avez-vous déjà eu des rapports sexuels ? Si oui, précisez le dernier en date.

_Non plus, dis-je en rougissant.

_Êtes-vous régulière dans vos menstruations ? Continue-t-elle.

Je réponds à cette question par l'affirmative puis s'ensuit d'autres questions toutes aussi personnelles les unes que les autres. Une fois le questionnaire terminé, celle-ci me prend le bras et tapote dessus pour examiner mes veines. Elle plisse les yeux avant de déballer une seringue de son emballage. Je trésaille à la vue de l'aiguille.

_Craintive ? Demande-t-elle en installant le garot.

_Un peu...

Elle insère finalement l'aiguille dans mon bras après avoir désinfecté ma peau à l'antiséptique. J'ose à peine regarder le prélèvement, ne supportant pas la vue d'une aiguille dans ma veine. Après quelques secondes, l'objet de torture est retiré et remplacé par une boule de coton. C'est enfin terminé. Alors que la médecin recouvre le trou d'un pansement, mes yeux se posent sur les trois flacons  étiquettés. 

_Vous pouvez retourner dans votre chambre, nous allons examiner votre sang pour vérifier que tout est en conformité. Repassez dans deux semaines pour un nouveau test.

_B-bien, dis-je. Mais que voulez-vous dire par conformité ?

_Oh, nous allons juste vérifier que vous êtes en bonne santé ! Il est important de prescrire un traitement rapidement en cas de mauvais résultats. 

_D'accord... Merci d'avoir répondu à mes questions madame.

_Vous pouvez m'appeler infirmière Dubois, on sera souvent amenées à se rencontrer.

Je me relève puis sors de la pièce avec soulagement. Ce n'était finalement pas si dramatique et je n'ai rien vu d'étrange. A l'extérieur, mon partenaire m'attend avec le même garde qu'auparavant. Junior et moi suivons ce dernier jusqu'à notre chambre. Toujours 54 pas.

Dans notre chambre, une petite horloge me saute aux yeux : il est onze heures du matin. J'ai perdu la notion du temps depuis mon réveil ici. A tel point que l'heure m'ait semblé dérisoire.

_Tu es là depuis combien de temps ? Demandé-je pour briser la glace.

_Ce matin, comme toutes les nouvelles recrues je suppose.

_Ils « recrutent » tous les combien tu penses ?

Il hausse un sourcil l'air de dire « j'ai une tête à savoir ? ». Je m'excuse puis décide d'explorer la chambre plus intelligemment. Je m'avance vers la grande fenêtre qui illumine la pièce et un vertige me prend. Nous sommes à un étage très haut, l'herbe me semble si éloignée. C'est là que ça me saute aux yeux : tout n'est que vert autour du bâtiment.

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