Chapitre 20

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Velel avait réussi. Vespef était remarquable par sa beauté et le vendeur en avait demandé un prix très élevé. Forcément, cela s’était su. Il avait suffi de deux jours pour que le contact de notre nouvel ami pût nous donner un nom. Deux jours que Meton et Lassa passèrent à s’envoyer en l’air, imités en cela par Dinlirsle et son compagnon. Et moi, je tentais en vain de compenser ma déception avec Amonen en attirant un des beaux mâles qui nous accompagnaient dans mes filets. Sans succès. Soit j’avais perdu la main, soit je n’étais pas aussi bien rétablie que je le pensais. En tout cas, ils préféraient me vénérer plutôt que de m’honorer. Bref, je passais deux jours à m’ennuyer et à dormir.

Dès que le renseignement fut connu, nous nous mîmes en route. L’acheteur de Vespef vivait en Yrian, au sud de la province. La région était suffisamment éloignée de la capitale pour que nous pussions agir avec une relative sécurité. Quoique, la première mission que j’avais menée dans les parages ne s’était pas si bien déroulée que ça. Les deux grandes villes du plateau : Elmin et Miles, hébergeaient une garnison. Et la seconde ne se situait pas si loin que cela.

Notre troupe réduite se mit en route dès le lendemain. Les défections n’étaient pas suffisantes pour que nous pussions nous passer d’une calèche. Mais les hommes furent plus à l’aise. Je remarquais qu’aucune femme ne nous avait quittés. Il était vrai que la plupart étaient Helariaseny et les étrangères étaient peu nombreuses. Mais aucune ne désirait retrouver leurs foyers ? J’émis l’hypothèse que c’était parce qu’elles ne savaient tout simplement pas où aller.

Le trajet fut long. Pour descendre vers le sud, nous devions passer d’une vallée à l’autre. Et même si les routes étaient larges et bien entretenues, les pentes étaient raides, et le voyage lent. Finalement, nous atteignîmes le plateau d’Yrian. À son sommet, la progression s’accéléra. Nous traversions un paysage où les champs de céréales alternaient avec des forêts épaisses. En arrière-plan, nous bénéficions de la somptuosité des lointains pics de la chaîne de la licorne.

Notre plan était simple. Nous avions pensé dans un premier temps racheter Vespef. Velel qui avait l’expérience nécessaire s’occuperait des négociations. Si cela échouait, nous envisagerions une action plus musclée. Nous installâmes le camp à deux longes de notre destination. Puis, nous nous préparâmes. Velel se vêtit tel un marchand prospère avec une tenue riche. Quant à moi, j’hésitais : belle ou dangereuse. Mais Velel décida pour moi. Il me fit habiller de façon élégante, mais stricte. Un petit chemisier blanc au corsage en dentelles, une jupe droite noire qui descendait à mi-cuisse, des bas noirs brodés sur le côté et des escarpins noirs verni. Il s’occupa même de ma coiffure, ramenant mes cheveux blonds en un chignon. Comme bijou, en plus de ceux que je portais habituellement, je plaçais la gemme de Vespef bien en évidence sur ma poitrine. J’avais exactement l’air de l’assistante décorative que se devait d’exhiber un marchand important. Pour finaliser le portrait, il me confia une mallette en cuir, vide bien sûr.

Puis nous nous mîmes en route. C’était le milieu de l’après-midi quand je grimpais dans sa voiture à ses côtés. Débarrassés de nos compagnons, nous progressions vite. Il ne nous suffit que de quelques calsihons pour atteindre le domaine. Tout de suite, quelque chose me surprit. Le maître des lieux était censé être un grand propriétaire terrien, possédant la plupart des prés alentour. Les allées et venues auraient dû être nombreuses. On aurait dû voir des dizaines de serfs dans les champs à les entretenir. Mais là, je ne voyais personne. Enfin, au détour d’un chemin, la maison apparut.

Je regardais ce qui se tenait devant mes yeux sans comprendre. Je m’attendais à découvrir une demeure grandiose et je n’avais face à moi qu’une ruine calcinée. Velel avait immobilisé la voiture, il ne savait que faire.

— Avancez jusqu’à l’escalier, dis-je.

Il me fit confiance et lança le hofec qui nous tracta jusqu’au porche de la propriété. Je descendis et commençais à examiner les lieux. L’incendie datait de quelques douzains, trop récent pour que l’information ait pu arriver à la capitale, mais assez lointain pour que les serfs aient déserté. J’entrais dans la maison. Autrefois, un escalier monumental donnait accès à l’étage, mais il s’était effondré. Je me concentrai sur les traces au sol.

— Vous croyez que quelqu’un a survécu ? demanda Velel.

De la main, je lui intimais le silence. Dans un coin, j’avais repéré quelque chose. Un corps. Je me dirigeais vers lui pour l’examiner.

— C’est votre reine ?

— Non, répondis-je.

Mais c’était plus un espoir que la vérité. Le cadavre était méconnaissable, le feu avait totalement détruit ses traits. Mais il était celui d’une femme, grande et peu vêtue. Autant de caractéristiques qui pouvaient s’appliquer à Vespef. Je remarquais des choses bizarres sur le sol, je soufflais sur la cendre, ce qui mit à jour une multitude de petites perles toutes différentes par la forme et la couleur.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Velel.

Pour toute réponse, je lui montrais mon poignet, et le bracelet d’identité. Il comprit.

— Elle vient de votre pays, c’est cela ?

Je hochais la tête.

Cette femme était morte d’une façon atroce. Mais elle avait tout le temps devant elle maintenant. Je m’occuperai d’elle après. Pris d’une impulsion subite, Velel détacha sa cape et en recouvrit le corps.

— Merci, lui dis-je.

Je me levais et continuais mes investigations. Je ne tardais pas à atteindre la porte du jardin.

— Des gens se sont enfuis par là, dis-je.

Je suivis les traces au sol. Au bout d’un moment, je compris qu’elles se dirigeaient vers la forêt qui bordait la propriété, à moins qu’elle en fît partie aussi. Je me mis à courir. À l’orée, je vérifiais que les empreintes étaient toujours là. C’était le cas. Je m’engageais sous les frondaisons. Velel marchait derrière moi. J’explorai le sous-bois, mais je ne trouvais rien. Si des gens étaient passés par ces lieux, ils étaient partis depuis longtemps.

— Saalyn, j’ai un problème, dit soudain Velel.

Sa voix me parut bizarre, mais je n’avais pas le temps de m’occuper de lui je réfléchissais. J’étais si concentrée que je ne sentis que trop tard une pointe de lance s’enfoncer dans ma chute de rein et une autre dans mon cou. Effectivement, nous avions un problème.

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