11 Ashton 

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Quand j’ai vu Savannah entrer dans le rond de longe, je n’ai rien capté, mais maintenant que Harper se pointe avec Riper, je suis totalement largué. Elle sait autant que moi que ma rouquine a une frousse bleue des chevaux. Le sourire qui se dessine sur le visage de Harper, à l’instant où elle me voit, ne me dit absolument rien qui vaille. Bien au contraire, j’ai la sale sensation de découvrir un être machiavélique planqué sous les traits de ma copine. À quoi elle joue ? Est-ce qu’elle cherche à se venger de ma froideur de tout à l’heure ? Bordel, j’espère qu’elle ne tient pas Savannah pour responsable. Même si, j’admets, c’est clairement le cas.  Ce qu’il s’est passé entre nous avant de quitter le chalet n’arrêtait pas de tourner en boucle sous mon crâne. Mais, merde, ce n’est pas sa faute si je me retrouve en train de bander comme un puceau chaque fois qu’elle traine près de moi. Je suis le seul putain de fautif dans cette histoire, je refuse que Harper lui en fasse payer les conséquences en la mettant en face du pire cheval de l’écurie. Furax, je laisse échapper un grognement, avant d’aller me placer devant elle pour l’empêcher d’aller jusqu’à son objectif. 

Jamais un sourire ne m’a paru aussi faux que celui qu’elle affiche. Qu’est-ce qu’elle croit ? Qu’elle va pouvoir me charmer en affichant un visage d’ange, alors que ses idées sont celles d’un foutu démon ?

— À quoi tu joues, Harp ? m’emporté-je.

Sa main libre se pose avec délicatesse sur mon torse. Jamais je n’ai ressenti un tel dégoût et dire que je voulais baiser avec elle pour oublier la sublime rouquine qui me vrille les neurones. 

— Mais, je ne joue pas, mon amour. Mon père m’a demandé de l’aider à affronter sa phobie, c’est ce que je vais faire.

Sa voix mielleuse me fout un haut-le-cœur. 

— Avec lui ? 

Elle s’avance vers moi et se hisse sur la pointe des pieds pour venir me glisser à l’oreille :

— Lui ou un autre, c’est du pareil au même. J’aide les chevaux à se sentir mieux, pas les putains de chaudasses qui n’ont qu’une envie, te foutre dans leur lit.

Putain, mais comment peut-elle me sortir cette connerie ? Même si je crois possible que ma rouquine a autant envie de moi que je la désire, elle n’est pas une chaudasse. Jusqu’à preuve du contraire, c’est moi qui joue avec le feu, pas l’inverse.

Ne reconnaissant plus la fille avec laquelle je sors, je secoue la tête, écœuré.

— Tu me remercieras, mon cœur, quand sa mère viendra la chercher. 

Ça, je n’y crois pas une seule seconde. 

Plutôt que d'ouvrir ma gueule à mauvais escient, je l’affronte du regard tandis que je réfléchis à vive allure sur les différentes possibilités pour sortir Savannah de ce guet-apens, tendu par ma future ex. Je vais peut-être briser le cœur à Harper, mais je n’en ai rien à branler, ce qu’elle s’apprête à faire va au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer venant de sa part. Putain, dire que je la croyais, douce, gentille, presque innocente, j’ai tout faux sur toute la ligne. Elle a bien caché son jeu. Foutue comédienne !

— Conseil d’ami : si tu veux qu’entre toi et moi, ça fonctionne, vaudrait mieux que tu cesses de jouer de suite.

Je n’ai pas élevé la voix, juste parlé sur un ton si bas et si froid qu’il donnerait la chair de poule à un pingouin. Au léger sursaut de ses épaules, je suis bien content de voir que ma menace n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde.

— Si tu veux rompre, ne te gêne pas, chuchote-t-elle tout aussi menaçante que moi. Toutefois, je serais à ta place j’y réfléchirais plutôt deux fois qu’une. À ton avis, que penserait mon père s’il apprenait que tu m’as violée ?

Quoi ? Non, mais elle n’est pas sérieuse ? Putain de traquenard ! Si elle sort un truc pareil à son vieux, c’est retour en prison direct sans passer par la case départ. Il n’acceptera jamais d’entendre ma version, je suis un type dangereux, c’est marqué sur mon dossier qu’il garde précisément dans un tiroir de son bureau. Elle me tient par les couilles, cette conne.

Pardon, princesse, mais je ne vais pas pouvoir t’aider plus. Je n’ai pas envie de rajouter un viol à mon casier.

La haine au ventre, je flingue Harper du regard, avant de retourner vers les écuries. Je croise Kyle sur ma route qui doit sentir la tension extrême qui m’habite.

— Ça va, mec ?

Je continue à avancer en l’ignorant. Pour le moment, je n’ai pas envie de causer, j’ai juste besoin de réfléchir à ce que je peux faire. Pourtant, ce serait mal connaître mon pote qui n’est pas du genre à lâcher l’affaire à la moindre difficulté, un peu comme Chayton. 

— Vous vous êtes pris la tête avec Harper ? lance-t-il en me rattrapant.

Visage fermé, yeux assassins, je lui ordonne silencieusement de se la boucler.

— À moins que ce soit à cause de Sav…

Depuis quand sont-ils aussi proches pour l’appeler par son surnom ? En tout cas, ça m’arrête net dans ma lancée. Je me tourne vers lui et le toise.

— Y a quoi entre toi et la jolie rouquine ? 

Son putain d’interrogatoire commence à me soûler !

— Rien, grincé-je. 

Cette enflure explose de rire. C’est quoi son foutu délire ?

— Dis-moi, mec, elle t’a piqué à quel point la meuf de ton frangin ? Vu ton attitude, j’ai bien l’impression que t’es grave mordu.

N’importe quoi ! Sidéré d’entendre de telles balivernes, je lève les yeux. Ce n’est pas parce que j’ai en permanence envie de me la taper que je suis dingue d’elle. Je suis certain que si je la foutais dans mon lit, je pourrais passer à autre chose. C’est tout ce que je ressens pour elle, un simple foutu désir. En même temps, on n’a pas idée d’être aussi belle. 

— Ouais, je vois, t’es sacrément dans la merde, mec !

Mais, bordel, qu’est-ce qui lui prend ? Je n’ai absolument rien dit. C’est bon, son petit jeu commence vraiment à me foutre les nerfs, il est temps que j’y mette un terme avant qu’il continue dans son délire.

— Harper m’a énervé. Elle sait que Savannah a la trouille des chevaux, mais elle a quand même décidé de la confronter à Riper pour l’aider à affronter sa phobie.

— Quoi ? Non, mais t’es malade, mec, de la laisser faire ! Riper est quasiment incontrôlable !

Merci de me le rappeler, sauf que je suis complètement impuissant. Comme un enfoiré, je hausse simplement les épaules.

— J’ai du travail, conclus-je.

— Si t’as pas les couilles de t’interposer devant ta nana, moi je vais pas me gêner pour aller la refoutre à sa place ! 

Il m’observe quelques secondes, s’attendant à je ne sais quelle réaction de ma part, avant d’ajouter : 

— Quelque chose me dit que la jolie rouquine saura ensuite très bien s’y prendre pour me remercier.

Mon sang ne fait qu’un tour dans mes veines alors que j’imagine ma rouquine, nue, en train de le chevaucher. S’il a le malheur de la toucher, je lui explose la tronche. Et comme si mes mains voulaient mettre mes pensées en pratique, j’empoigne son t-shirt. Ses yeux naviguent plusieurs secondes entre les miens et mes doigts, avant qu’il explose de rire.

— Qu’est-ce que t’as à te marrer, ducon ?

— T’as même pas réagi quand j’ai dit que j’allais refoutre ta copine à sa place, mais tu pars au quart de tour quand j’te parle de Sav. T’es accro, mec.

Ahuri, j’en laisse tomber mes bras. Impossible, pas en si peu de temps. Les coups de foudre, ça n’existe que dans ces romans de gonzesses, pas dans la vraie vie. Je ne peux pas être tombé amoureux, pas en un claquement de doigts. J’admets, elle me plait plus que n’importe quelle fille que j’ai croisée jusqu’à maintenant, mais ce n’est pas pour autant que j’ai pu en devenir dingue à ce point. Non, ce que j’éprouve pour elle n’est que physique. 

Je me répète ces mots en boucle comme s’il s’agissait de la vérité absolue pendant que je me dirige, comme un robot, vers les écuries. 

— Putain, Harper, qu’est-ce que tu fous ?

La voix de mon pote dans mon dos m’alarme. Je me retourne aussi sec et ce que je découvre me met dans une rage noire. Harper a pété une durite, elle ne retient même pas Riper qui se cabre et hennit. Ma rouquine semble complètement affolée. Rageur, je me précipite vers le rond de longe au pas de course alors que Kyle tente de maîtriser le cheval.

— T’es complètement barrée, Harper ! tonné-je une fois près d’eux.

Je jette un coup d’œil vers Savannah qui a réussi à s’enfuir et qui court à présent à travers champs.

— Cette chienne n’a eu que ce qu’elle méritait. Maintenant, je suis sûre qu’elle va demander à sa mère de venir la chercher.

Je serre mes poings pour éviter de lui coller un uppercut, pourtant elle le mériterait. 

— Toi et moi, c’est terminé, Harper !

Son visage se décompose alors qu’elle prend conscience de ce que je viens de lui annoncer. Ses yeux se mettent à briller et des larmes commencent à perler au bord de ses cils. Si elle pense pouvoir m’atteindre avec ses états d’âme, elle a tout faux. Quand elle réalise que ma décision est ferme et définitive, son attitude change du tout au tout. Elle redevient cette nana que je ne connaissais pas jusqu’à ce matin.

— Ce que je t’ai dit ne sont pas des paroles en l’air. Si tu me largues, je vais tout balancer à mon père.

D’un pas déterminé, je m’avance vers elle et m’arrête juste à sa hauteur. Mon regard se fait glacial. 

— Dis ce que tu veux à ton père, je préfère largement me retrouver en taule que continuer avec toi. 

— Tu dis n’importe quoi ! Cette fille t’a retourné la tête, mon cœur. Ouvre les yeux, elle veut juste foutre la merde entre nous. Tu me l’as dit toi-même, tu connais ce genre de nana, elles ne sont là que pour briser les couples.

D’un coup, le doute me saisit. C’est vrai, c’est ce que je me suis dit la première fois que je l’ai vue débarquer dans sa tenue rose bonbon. Je repense à mes potes qui se sont retrouvés le cœur en miettes, doublement peinés après avoir perdu leur copine, puis la fille sur laquelle ils avaient craqué. Est-ce que mon désir pour la rouquine vaut vraiment la peine que je me retrouve derrière les barreaux ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis complètement paumé.

Je frotte mes yeux de mes poings pour tenter d’y voir plus clair, mais c’est toujours l’obscurité la plus totale. Laquelle des deux se joue de moi ? La rousse ou la blonde ? 

Sans vraiment le désirer, je porte mon regard en direction des champs. Au moment où j’aperçois la frêle silhouette de Savannah continuer à courir pour fuir loin d’ici, je trouve ma réponse. Peu importe ce qu’il y aura entre elle et moi, peu importe qu’elle me brise le cœur, même si pour ça il faudrait d’abord que je sois amoureux, je ne peux pas encaisser ce qu’à fait Harper. Certes, je voulais une copine un peu moins docile, un peu moins soumise, quelqu’un qui me ressemble un peu plus, cependant, là, c’est carrément le jour et la nuit. 

— Dis ce que tu veux à ton père. J’ai un témoin pour prouver que t’as mis la vie de Savannah en danger. Toi et moi, c’est terminé.

Du coin de l’œil, j’aperçois Kyle me soutenir d’un signe de tête. 

Sans même jeter un regard à mon ex, je quitte le rond de longe. Elle hurle mon nom, me supplie de l’écouter. Je l’ignore tout en me dirigeant une nouvelle fois vers les écuries. Je suis bien trop déçu et écœuré pour faire marche arrière. 

— Je pensais que tu serais parti retrouver Savannah, entends-je alors que je suis en train de nettoyer le box de Star.

Je me redresse pour porter mon regard vers mon pote.

— Je ne suis pas très sûr qu’elle ait bien envie que je la retrouve.

— Tu préfères que les coyotes se chargent d’elle ?

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