2-Ashton

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Voilà déjà trois heures que je nettoie, range, nettoie encore, pousse des tonnes de fumier pour en faire un tas gigantesque à l’extérieur des écuries. Trois heures où je sue comme un dingue sous un soleil de plomb. Franchement, ma sentence ne m’a jamais paru aussi intenable. Comparé à ce que j’endure depuis une semaine sous ce foutu cagnard, les six mois en taule étaient presque de la gnognote à côté. J’admets, ça n’a pas toujours été simple. Pour m’en sortir, j’ai dû me ranger du côté du plus fort. Ce que j’ai fait, non pas sans mal. Toutefois, après quelques bagarres qui m’ont plus d’une fois conduit au trou, ils ont fini par m’accepter dans leur rang. Plus personne n’a cherché à m’emmerder par la suite et j’ai purgé ces six mois ferme sans plus d’encombre. J’ai continué à m’y instruire en poursuivant mon cursus en ligne. Un coup de bol que le conseiller pénitentiaire soit un gars super sympa, il a réussi à convaincre l’université de me laisser une chance. 

Au moment où j’entends le bruit d’un moteur entrer sur la propriété, je sors me griller une clope. Avant mon incarcération, je n’avais jamais touché à cette merde qui vous bousille les poumons. Pour paraître cool, j’ai accepté ce qu’on me tendait. La première fois, j’ai trouvé ça écœurant, mais comme tout, on s’y habitue et depuis j’ai du mal à m’en passer. Je suis loin d’être con et je sais que je ferais mieux d’arrêter si je veux reprendre mes entraînements. Ouais, enfin, ça, ce serait dans une vie idéale. 

Le bruit caractéristique d’une portière qui s’ouvre m’empêche de m’enfoncer plus loin dans mes pensées. 

Amanda quitte sa caisse la première. Pour son âge, cette femme est plutôt bien conservée et si j’avais été l’un de mes potes de l’université, je ne me serais pas gêné pour lui faire du rentre-dedans. Sauf que je ne suis pas eux et que je préfère la garder à l’état de fantasme. J’admets qu’il m’arrive quelquefois de me branler en l’imaginant me faire tout un tas de trucs pas très catholique. Heureusement que Harper, ma copine, ne se doute pas des pensées qui me traversent le crâne quand je suis seul le soir. Je crois qu’elle me truciderait sur la place publique si elle en avait la moindre idée. Rien qu’à cette pensée, je m’étrangle avec la fumée de ma clope en me marrant comme un con.

Une seconde femme, tout aussi bien roulée que la première, sort de la bagnole. Avec un peu de chance, ça doit être sa frangine. En voilà une de plus qui risque de se glisser dans mes rêves les plus torrides. Et dire que Stacey ne me fait ni chaud ni froid alors qu’elle leur ressemble beaucoup, je dois être trop con, un truc du genre. À moins que le fait qu’elle soit la meilleure amie de Harper m’empêche de vouloir autre chose avec elle, j’en sais foutrement rien. En tout cas, tout ce que je sais, c’est que je commence vraiment à en avoir ma claque d’attendre que ma copine se décide à passer aux choses sérieuses. En quatre mois de relation, on n’a jamais été plus loin qu’un flirt poussé. Parfois, je me demande ce qu’on fout réellement ensemble.

T’évites de sombrer, ducon.

Ce n’est pas tout à fait faux, sans elle, ça fait longtemps que j’aurais dégagé d’ici et que je me serais retrouvé derrière les barreaux. Putain de bracelet qui m’empêche de me casser à plus de vingt bornes sans que les flics me tombent dessus.

Mon mégot me brûle les doigts et me ramène à la réalité. Je jette un coup d’œil, comme un automate vers ma main, avant de reporter les yeux vers la bagnole. Les deux femmes discutent entre elles et Nills, le propriétaire du ranch, va à leur encontre. La gamine qu’on va me fourrer dans les pattes durant les deux prochains mois n’a toujours pas daigné montrer sa tronche. Je ne sais pas à quoi elle ressemble ni même son âge. Le regard de travers que me lance Nills en me voyant traîner m’empêche d’approfondir la question. Cependant, alors que je retourne bosser, je me mets à imaginer une môme tout juste rentrée dans l’adolescence, hyper timide. Ben quoi ? Si c’était une fille sûre d’elle, elle ne serait pas restée planquer dans la caisse de sa tante. Peut-être qu’elle m’a vu et qu’elle a eu honte de se montrer. Peut-être qu’elle est loin d’être aussi canon que sa vieille et celle de Stacey. D’un coup, je me mets à visualiser une ado de quinze piges, petite, avec de l’acné plein la tronche. Une intello de service qui a préféré passer son été en pleine cambrousse pour pouvoir s’enrichir d’une nouvelle expérience plutôt que d’aller faire bronzette sur la plage.

C’est sur ces pensées que je remets de la paille dans le box de Baxter avant d’aller m’occuper de Finger. C’est drôle comme en quelques mois, j’ai réussi à m’attacher à ces équidés. Au départ, je ne pouvais pas les voir. Rien que de m’approcher de cet endroit me débectait tellement ça schlinguait. Harper a fini par m’apprendre à les apprécier et même à les monter. 

Une fois les boxes arrangés, je sors récupérer le seau que j’ai zappé à l’extérieur. Bien malgré moi, mes yeux se portent à nouveau sur la bagnole d’Amanda. Et, là, j’explose de rire. Sérieux, c’est elle qui va venir m’aider ? Elle se prend pour une star de télé-réalité ou quoi ? Franchement, quand je me la suis imaginée, j’étais à mille lieues de cette nana qui se trouve devant moi. La pauvre si elle croit pouvoir me seconder dans cette tenue, elle est super loin du compte. Ici, la tenue de rigueur c’est jeans ou short, certainement pas cette jupe bien trop courte. Et encore moins ses godasses qui, je dois tout de même l’admettre, lui font des jambes de dingue. D’un coup d’œil vers l’enclos de travail, je visualise ce que fait Harper, je n’ai aucune envie de me faire griller par elle en train d’en mater une autre. Je ne suis peut-être pas amoureux, mais me prendre la tête à cause de sa foutue jalousie me ferait bien chier. Surtout que  je ne fais rien de mal. Occupée avec Tornado, un pauvre cheval que nous avons trouvé complètement traumatisé, elle ne me prête aucune attention. Soulagé, je m’adosse au mur et en profite pour reluquer ma future aide sans vergogne. Jambes sublimes, mais ça je l’ai déjà dit. Crinière de feu qui brille sous ce soleil de plomb. Un corps svelte qui me prouve qu’elle doit être une sportive accomplie. Putain, c’est exactement le genre de nana qu’il faut à tout prix que j’évite si je ne veux pas me retrouver piéger. 

Elle a dû finir par sentir mon regard sur elle, puisqu’elle tourne la tête dans ma direction. D’ici, je ne vois pas la couleur de ses yeux, mais je les imagine clairs pour aller avec sa rousseur et sa peau de porcelaine. Son petit nez est à croquer. Quant à ses lèvres ourlées… Ouais, non, il ne vaut mieux pas que je m’aventure sur ce terrain. Surtout que je suis grave en manque et même si ma copine n’est qu’à quelques pas de moi, je serais bien foutu de faire une grosse connerie que je regretterais amèrement ensuite. 

Alors qu’elle me voit la reluquer, elle étire ses lèvres dans un sourire goguenard, genre de dire « cours toujours, mon gars, si tu t’imagines qu’un type de ton genre peut s’approcher de moi. » Du moins, c’est ce que je crois, parce qu’en vrai, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle peut penser.

Pris sur le fait, je repars bosser. Faudrait pas qu’elle s’imagine qu’elle me fait de l’effet. Ce genre de nana, sûre de leur charme et blindée d'oseille, je les connais. Elles sont parfaites pour foutre la merde dans le couple des autres. J’en ai connu sur le campus et j’ai des potes qui ont bien morflé après s’être laissé avoir. Le pire, c’est qu’ils croyaient avoir touché le jackpot en couchant avec l’une d’elles.Tu parles d’un jackpot, c’est surtout des fouteuses de merde, ouais ! 

Le seau en main, je retourne dans l’écurie et entreprends de nourrir les chevaux. Lorsque je ressors, la fille qui ressemble à un beau bonbon rose se trouve toujours là, en pleine discussion cette fois avec sa cousine. À les voir l’une à côté de l’autre, rien ne pourrait laisser sous-entendre qu’elles sont de la même famille. Elles sont aussi différentes que le jour et la nuit. J’espère qu’au moins leurs caractères sont semblables. Je viens de trouver pour quelles raisons Stacey ne m’a jamais attiré. C’est simple, cette fille est super sympa et tout et tout, mais elle est d’un ennui mortel. Si je la voulais, elle aurait atterri direct dans mon lit. Aucun challenge. Ouais, bon, d’accord, Harper est un peu comme ça aussi, toutefois je n’oublie pas que c’est une passionnée et j’aime ce côté de sa personnalité.

— Ash ! me hèle Stacey.

Je me tourne vers elle, un sourcil arqué en signe d’interrogation, afin de savoir ce qu’elle me veut. Elle me fait de grands signes avec la main pour m’inviter à me rapprocher d’elle.

— Viens, je vais te présenter ma cousine.

Je pourrais me dérober, lui dire que je n’ai pas le temps, que je dois absolument avancer, sauf que le regard de Harper sur moi m’empêche de mettre mes pensées en pratique. Je ne veux pas qu’elle me voit comme un connard qui manque de savoir-vivre. 

Du coup, contraint et forcé, je rejoins le duo en traînant un peu de la patte. À présent près de miss bonbon rose, je peux distinguer la couleur de ses yeux. Un putain de vert qui me retourne direct le cerveau tandis que son regard perçant me vrille quelques neurones en supplément. Ouais, cette nana est vraiment une bombe. Une bombe qui pourrait tout détruire sur son passage et me foutre K.O. en un seul round. 

— Sav, je te présente Ashton, notre palefrenier. Ash, voici ma cousine Savannah, c’est elle qui va t’aider durant l’été.

Si son sublime regard se délectait de mon corps quelques secondes plus tôt, au moment où sa cousine prononce sa dernière phrase, elle tourne rapidement la tête dans sa direction. Quelque chose me dit que cette idée lui déplaît au plus haut point. J’en ai très vite confirmation quand elle lance en désignant les écuries d’un signe de la main : 

— Tu déconnes, j’espère ? Je n’irai certainement pas me salir les mains à ses côtés !

J’ignore comment prendre cette dernière partie. Est-ce une attaque envers moi ou bien est-ce de mettre la main dans la merde qui la rebute ? 

— Aurais-tu peur de te casser un ongle ?

Mon arrogance la fait tiquer et elle me foudroie à présent de son sublime regard.

— Tu me prends pour une princesse ou quoi ?

Mes lèvres esquissent un sourire sardonique alors que je laisse glisser mes yeux le long de son corps. Je m’attarde un peu trop longtemps sur son décolleté lorsque je relève la tête. Putain, ses seins feraient se damner n’importe quel mec ! Quand elle croise les bras pour les camoufler, je me reprends. Faudrait pas que je me fasse griller.

— En tout cas, tu m’en as bien l’air ! lancé-je en plantant mon regard dans le sien.

Dépitée, elle secoue sa sublime chevelure rousse. 

— Tu devrais cesser de rêver les yeux ouverts au risque de tomber de haut, je suis très loin d’être une princesse !

— Dans ce cas, prouve-moi l’inverse, princesse.

Les yeux dans les yeux, on s’affronte en silence, sans qu’aucun de nous n'ait envie de lâcher l’affaire.

— Désolée de ne pas être venue à ta rencontre plus tôt, mais j’étais en train de faire travailler Tornado. Je suis Harper, la fille de Nills. Je suis sûre que tu vas beaucoup te plaire ici, entends-je avant que ma copine se blottisse contre moi, comme si elle cherchait à prouver que je suis déjà un territoire conquis.

— J’y crois pas une seule seconde, mais puisque tu le dis, on verra bien. En tout cas, ne t’inquiète pas pour ton mec, j’ai déjà ce qu’il me faut sous la main. D’ailleurs, ajoute la jolie rouquine en portant son regard vers moi, tu ne serais pas de la famille de Liam Davis ? Je trouve que tu lui ressembles beaucoup.

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