32. Réveil des malentendus

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Alken

Je me réveille et peine à me rappeler de l’endroit où je suis. Je ne reconnais pas les murs couleur crème, les grands rideaux qui ont été mal fermés et qui font que les rayons du soleil de ce matin viennent directement se poser sur mes paupières qui ne savent pas bien si elles veulent s’ouvrir ou rester fermées. J’ai l’impression que j’ai une barre qui vient frapper à l’intérieur de mon front, passant d’un côté à l’autre sans relâche. Je soulève la couette et constate que je suis vêtu seulement de mon boxer. Je ne me souviens pas comment j’ai fait pour me retrouver là, ni comment je me suis déshabillé. De vagues souvenirs de la soirée de la veille me reviennent tandis que je comprends que je suis dans ma chambre d’hôtel. Seul, malheureusement. Alors que je me souviens bien avoir invité Joy à venir avec moi. Mais c’est Théo qui a juste rigolé en disant que j’étais complètement bourré. C’est lui d’ailleurs qui m’a ramené à ma chambre, maintenant que j’y pense ! Et c’est lui qui a dû me déshabiller alors. Quelle honte ! Me mettre dans un état pareil devant un élève…

A ma décharge, la fin de soirée n’a pas été à la hauteur de son démarrage. Moi qui pensais fêter dignement la victoire avec Joy, je me suis retrouvé à devoir gérer sa jalousie mal placée. J’ai tenté de calmer un peu sa mère et Joy m’a accusé d’essayer de la draguer. Pareil quand les deux poufs de la boîte sont venues s’installer près de moi. Je ne les avais pratiquement pas vues et elle est venue faire son cinéma d’escort girl pour les faire fuir avant d’aller finir la nuit en dansant avec mon fils et son colocataire. Et quelles danses ! Je me suis même demandé à un moment si elle allait réussir à se décoller d’eux, tellement ils la serraient fort. Et Elle. Elle… Que dire de plus. Quand une femme magnifique se laisse aller à danser sans retenue avec sensibilité et sensualité, c’est le spectacle rêvé. Ou cauchemardesque quand on n’est pas celui avec lequel elle se livre à ces arabesques magiques. Et pour oublier le cauchemar, j’ai bu. Plus que de raison. Jusqu’à l’oblivion.

Voilà comment je me retrouve dans ce lit avec la gueule de bois et en ayant presque oublié mon nom. Voilà comment tout ce plaisir vécu la nuit dernière est déjà passé aux oubliettes. C’est fou comme les choses se sont refroidies rapidement. Je me lève péniblement et me dirige vers la salle de bain où je me rafraichis un peu. Il est encore tôt, même pas huit heures du matin, et je suis sûr que sans ce soleil, je serais encore dans les bras de Morphée à défaut d’être dans ceux de Joy.

En sortant, je me demande si je vais retourner me coucher ou si je vais commander un petit-déjeuner pour me faire passer ce mal de tête lancinant qui ne veut pas quitter mon crâne. Je me dirige vers ma chambre quand j’entends un petit grognement qui m’inquiète. Je me demande comment un tel son peut sortir du corps de Joy. Je sais bien que je n’ai pas beaucoup passé de temps avec elle la nuit, mais jamais je n’ai entendu un son aussi grave. Un ronflement ? Pas possible à ce point-là. J’espère qu’elle n’est pas malade, la pauvre. Je me dirige vers sa chambre, avec la pensée, je l’avoue, de la réveiller de telle façon qu’elle oublie tout le reste. J’ouvre sa porte et reste coi devant le spectacle qui m’est offert. Je comprends d’où est venu le son : Théo est là, dans le lit, la bouche ouverte, nu comme un ver. Et il n’est pas seul. Mon fils est aussi présent dans ce grand lit qui a connu nos ébats hier soir. Et le sacripan est lui aussi nu comme un ver. Mais, ces jeunes n’ont-ils aucune décence ? La seule qui porte encore une culotte, au moins, c’est Joy. Elle est allongée entre les deux danseurs. J’ai l’impression que tous leurs membres sont entremêlés, le noir ébène de la peau de Théo contrastant avec celui de mon fils et de ma partenaire de salsa.

Mais qu’ont fait ces jeunes ? Joy a couché avec les deux à la fois ? Ce n’est pas possible, elle ne ferait pas ça, quand même ? Surtout avec mon fils. Et pourtant, les doigts de Kenzo sont bien refermés sur un des seins de la jolie brune. Cela me rappelle ce qu’il faisait quand il était plus jeune, avec son doudou en forme de gorille. Et pourtant, les lèvres de Théo sont bien posées dans le cou de la femme de mes fantasmes les plus fous. Quel con je fais ! Ces fantasmes, elle ne se contente pas de les rêver, elle les vit et les réalise aussi. Purée, je savais que je n’aurais pas dû lui faire confiance. Bien sûr qu’elle préfère les jeunes comme elle ! Je n’ai plus qu’une envie, aller chercher un seau d’eau froide et leur balancer. Je me contente de taper sur la porte, un peu brusquement, ce qui a le mérite de les faire sursauter, tous en chœur. La chorégraphie est parfaitement exécutée !

— Bonjour les jeunes ! Après, on dit que c’est Papy qui ne tient pas le choc ?

Ils clignent tous les trois des yeux et commencent à bouger dans un désordre presque artistique. Théo est le premier à se rendre compte qu’il est nu et il essaie de remonter la couette qui est coincée sous les fesses de sa voisine.

— Vu ton état cette nuit, je ne me permettrais pas ce genre de remarque à ta place, marmonne Joy en se soulevant pour laisser Théo les couvrir.

— Vous savez qu’il restait un lit dans ma chambre ? Vous n’auriez pas dû vous serrer comme ça, ce n’est pas raisonnable, grondé-je doucement.

— On ne voulait pas te réveiller, P’pa.

— Crois-moi, partenaire, y a pire que de dormir à plusieurs dans un lit, ajoute Joy avec un sourire en coin.

— Dormir ? Vraiment ? dis-je, agacé. Plus on est de fous, plus on rit, c’est ça ? Heureusement que je ne vais pas vous dénoncer à l’école, pas sûr que ce soit autorisé dans les protocoles, ça.

— On transgresse tous ces foutues règles, non ? continue-t-elle avec aplomb. Parce que tu es blanc comme neige toi, peut-être ?

— Oui, Papa, ajoute mon fourbe de fils, pas sûr que dans le protocole des élèves aient le droit d’aider leur prof à se mettre au lit comme Théo l’a fait hier. Tu devrais nous remercier au lieu de nous engueuler.

— Ton fils a raison, Papy, sourit Joy en se levant l’air de rien, les seins à l’air avant de se diriger vers moi en enfilant un tee-shirt. Il n’imagine même pas à quel point, d’ailleurs, n’est-ce pas ?

— Comment ça, à quel point ? demandé-je plus agacé qu’en colère.

— J’ai quelques souvenirs de tes transgressions, mon cher, et pas qu’avec moi, me murmure-t-elle en se glissant entre la porte et moi pour aller à la salle de bain.

— Papa, arrête de faire la gueule, on peut faire monter le petit-déjeuner en chambre s’il te plait ? Théo, commande-le, tu sais bien faire ça, toi, ajoute Kenzo alors qu’il s’est rapproché de son ami sous la couette.

— Allez, c’est parti pour un petit-déj’ gargantuesque, mon Chou ! s’emballe-t-il en se levant.

— Mon Chou ? Mais c’est quoi ce bordel ici ? Vous pouvez pas vous tenir un peu ? Je vais vous attendre dans le salon, ça vaudra mieux pour moi, je crois.

Je fais demi-tour et m’installe sur le petit canapé. L’intérêt de ce positionnement, c’est que Joy n’a pas totalement fermé la porte et que la vue que j’ai est agréable. Elle est en train de se frotter les seins sous la douche et j’aperçois ses courbes voluptueuses par l'entrebâillement de la porte. Je suis cependant vite rejoint par les deux garçons qui s’installent à mes côtés alors que le room service débarque déjà. Une jeune femme vêtue de la tenue de l’hôtel dépose les pâtisseries et Kenzo se jette dessus avec gourmandise.

— Je vois que la nuit t’a donné faim, Kenzo. Tu n’as pas eu assez pour te rassasier ?

— Danser, ça donne la dalle, rit-il innocemment. Je me souviens quand tu rentrais de tes spectacles et que tu te jetais sur le frigo, je comprends mieux maintenant.

Danser, hein ? Il me prend pour un abruti, non ? Qui c’est qui a dansé ici ? Lui ? Il s’est trémoussé en boîte. Ce n’était pas de la danse, ça.

— Il va falloir vous dépêcher, votre train est prévu en fin de matinée à la Gare du Nord. Moi, j’ai repoussé le départ, je ne me souviens plus si je vous l’avais dit. La mère de Joy m’invite à déjeuner. Vous saurez rentrer par vos propres moyens ?

— Tu peux rentrer avec eux, bougonne Joy en sortant de la salle de bain enroulée dans une serviette. Aucune envie d’aller chez mes parents, j’ai trop bu pour être alerte.

Elle n’a vraiment aucune pudeur. Faut dire qu’elle a couché avec tous les mecs présents. Quand j’imagine ce corps merveilleux souillé par les mains des deux autres hommes dans la pièce, je grimace.

— On ne peut pas faire ça, on a promis à ta mère. Et puis, il y a le comité d’organisation qui a des papiers à nous faire signer dans l’après-midi pour valider la remise du prix. Autant aller faire plaisir à ta mère, non ?

— Faire plaisir à sa mère ? s’esclaffe Théo. Elle est bien bonne, celle-là. Cette dingue ne mérite pas tant.

— Ça va, Théo, c’est bon… Faisons plaisir à Maman. Et au prof, s’il peut tirer son coup au passage, il sera sans doute de meilleure humeur après ça.

— Mais je n’ai pas envie de tirer mon coup avec ta mère, Joy ! En plus, il y aura ton père ! Tu te fais de ces idées, c’est fou !

— Dit le prof qui pense que parce qu’on a dormi dans ce lit ensemble, on a fait plus que ça, ricane-t-elle en claquant la porte de sa chambre.

— Eh bien, vous êtes trop sur les nerfs, tous les deux. Si danser ensemble fait cet effet, je crois que je préfère ne pas danser avec Joy, intervient Kenzo.

— Ouais, et en plus, ils ont gagné, ajoute Théo. Tu imagines s’ils avaient perdu ?

C’est vrai que nous avons gagné, mais à quel prix ? Fini le temps des répétitions caliente, des heures passées ensemble à travailler la chorégraphie. Vu comment ça se passe entre nous, j’ai l’impression que c’est terminé aussi les folles nuits de sexe et de passion. A quoi bon gagner un concours si c’est pour perdre tout le reste ?

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