Reliques mortuaires

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Otsuki Sadamaro, qui avait des espions partout, apprit quasi immédiatement ce qu'il était advenu de Kairii. Il était hors de question pour le seigneur vindicatif de laisser sa proie lui échapper aussi facilement : le dernier descendant des « Neuf Démons », ce clan honni, devait connaître la déchéance la plus totale avant de mourir. Usant de persuasion et de menace, faisant jouer appuis et influences, il avait à la fois persuadé la police du quartier réservé de fermer les yeux sur cette affaire, et les gérants du Fujiya de reprendre Kairii pour le remettre sur le marché. Une fois de plus, le jeune homme fut drogué, attaché et soigné. Il se réveilla dans un futon chaud, mais pieds et poings liés. Face à lui se trouvait le gérant du Fujiya qui le regardait sévèrement, les bras croisés. Derrière l'homme, agenouillée à sa gauche, sa femme lui jetait de petits regards anxieux.

— La police du quartier de Tenjin ne te suffisait donc pas, il te fallait aussi te faire ramoner le goulot par la garnison des prisons d'Edo ! tonna le maquereau. Heureusement que ces derniers t'ont à la bonne. Visiblement, ils ont fort apprécié tes services ! Je ne peux pas garder un putain aussi vicieux et méchant que toi. Il y va de ma réputation en tant qu'établissement sérieux. Mais d'un autre côté, les orgies répétées dont tu as été l'objet et ton horrible caractère ont terni le peu de crédit que tu possédais : aucune maison digne de ce nom ne voudra de toi, désormais. Tu as ruiné tes chances, Kirii ! Comme quoi, la beauté ne fait pas tout. Si tu avais eu de la jugeote, tu aurais pu devenir le plus grand courtisan d'Edo, et faire de moi un homme riche et reconnaissant ! Une maison de thé du bas quartier a accepté de te racheter à bas prix. Tu y officieras, en sachant que la première incartade te vaudra de finir tes jours entravé comme un vieux mulet, avec tous les parias du coin pour remplir cette bouche brûlante et avide que tu as entre les jambes.

Ayant fini son discours, l'homme jeta à Kairii un regard méprisant.

— Ah, et on a apporté cela pour toi, ajouta-t-il en poussant une boîte à l'aspect désormais familier devant lui.

Elle fut ouverte sous ses yeux par un commis, dévoilant une phalange et une mèche de cheveux grisonnants.

Le patron du Fujiya la regarda pensivement, un coin de sa lèvre retroussé de dégoût.

— J'ignore à qui appartiennent ces reliques, fit-il avec une goutte de pitié dans la voix. Mais tu ferais mieux de suivre mon conseil et te montrer enfin raisonnable, Kirii. La vie de cette personne, qui qu'elle puisse être, vaut plus que ta fierté de jeune coq. Tu es un putain, désormais : tu as été vendu comme tel. Résigne-toi !

Pour la première fois, Kairii baissa les yeux.

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