Imprévu

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Contrairement à ce qu'il avait prévu, le rônin se montra extrêmement endurant. Mais grâce à la préparation qu'il avait effectuée, la douleur fut bien moins intense que la première fois.

Cependant, un incident d'un autre type contraria vivement Kairii.

Après l'avoir pris une première fois, Sakabe resta allongé dans le lit avec son partenaire, essayant de le faire parler. Kairii se montrait d'autant moins bavard que Koharu était encore avec eux, ayant remplacé la flûte par le shamisen.

— Tout à l'heure, tu as dit que le Kikuya refusait toutes les offres d'achat qu'on lui faisait pour toi, quel que soit leur montant... J'ai du mal à le croire. Même le grand acteur Kotonojô Chûya a été racheté, alors que son danna était complètement fou de lui.

Kairii se rappelait de cette sinistre affaire. Le dénommé Chûya, un superbe éphèbe de dix-sept ans qui brisait les cœurs au théâtre, avait été pris sur le fait avec son amant, un obscur porteur de palanquin sans le sou. Furieux, son patron, un bandit notoire, l'avait fait battre et violer par cinq hommes, avant de rechercher le porteur de palanquin pour l'assassiner. Ce dernier avait réussi à s'en tirer en quittant Edo. Pour protéger l'acteur qu'il aimait, un autre admirateur de Chûya l'avait racheté pour une somme astronomique, l'une des plus hautes jamais atteintes pour un prostitué à Yushima.

— Ma situation est différente, lui apprit Kairii dans un murmure. En fait, je n'appartiens pas au Kikuya.

Sakabe le regarda.

— Tu n'as pas de contrat ?

Kairii secoua la tête.

— Pourquoi tu restes là, alors ? demanda-t-il. Pour l'argent ?

Le jeune homme lui jeta un regard noir.

— Non... Je m'en fiche, de l'argent. Je peux survivre sans.

— Alors ? insista Sakabe, de plus en plus impatient.

— Je vous l'ai dit la dernière fois... J'ai été placé là par un daimyô.

— Tu es le favori d'un daimyô ? s'écria Sakabe. Qui ?

Kairii le regarda rapidement.

— Je peux pas vous le dire. Si je révèle son identité ou que je tente de m'échapper, cet homme tuera mon frère de sang, qu'il a pris en otage.

Sakabe se laissa retomber sur le matelas.

— Je vois. C'est pour ça que tu connais les manières des samurai... Tu as été le compagnon d'oreiller d'un daimyô.

Kairii fronça les sourcils. Si Sakabe avait voulu l'insulter, il n'aurait pas pu trouver mieux.

— Cet homme n'a de samurai que le nom, répliqua-t-il. Et je n'ai pas été son « compagnon d'oreiller » : je l'ai refusé jusqu'au bout. C'est pour me punir qu'il m'a envoyé là... Je connais les manières des bushi parce que j'en suis un moi-même, je vous l'ai déjà dit.

Le rônin se tourna vers lui.

— Arrête de mentir ! Jamais un daimyô ne vendrait un jeune de sa classe à un bordel : ce serait une grave offense au code des guerriers et une source de déshonneur, qui le conduirait au seppuku si ça se savait.

— C'est bien pour ça qu'il ne veut pas que ça se sache, répliqua Kairii, le visage fermé.

Il se retourna, déterminé à ne plus dire un mot. Sakabe était un imbécile qui était persuadé d'avoir toujours raison. C'était vain de vouloir discuter avec lui.

Mais le rônin vint enrouler ses bras autour de lui.

— Écoute... J'admire ta loyauté envers ton danna, et encore plus la façon dont tu t'imprègnes complètement du bushidô, quitte à préserver l'honneur et l'identité de ton seigneur et maître. Mais si tu me dis qui il est, je te promets de ne le dévoiler à quiconque, et de n'utiliser cette information que pour pouvoir te racheter. Tu seras heureux avec moi, je t'assure. Je ne laisserai personne d'autre te toucher, et tu n'auras plus à faire ce métier dégradant. Je te choierai comme mon bien le plus précieux, Yuki.

Un bien... Une fois de plus, on le traitait comme un objet, un pantin disposable à volonté.

— Vous n'y êtes pas. Je me fiche de l'honneur de cet homme. Pour moi, il n'en a pas. Je ne le fais que pour préserver la vie de mon ami. C'est tout.

— Ton ami ? Tu veux dire, ton amant ? lâcha Sakabe vivement.

Kairii put sentir qu'il s'était redressé.

— On peut dire ça comme ça, oui, répondit-il de façon sibylline.

Sakabe le poussa rageusement sur le ventre.

— Je te ferais oublier ce garçon ! grogna-t-il en soulevant son kimono.

Il poussa à nouveau son sexe en lui, sans préalable et encore plus brutalement que la dernière fois. Kairii n'eut pas le temps de se concentrer : la douleur lui coupa le souffle, et à sa grande honte, il laissa échapper un léger halètement.

— Ah ! Tu vois ! Je t'ai fait crier ! exulta l'homme.

Il redoubla d'ardeur. Kairii mordit l'oreiller, enfouissant sa tête dedans. Il essayait de s'évader en esprit, comme il le faisait toujours, mais les violents coups de reins du rônin ne cessaient de la ramener à terre, comme de vilaines mains boueuses se saisissant d'un oiseau affolé. Au moment où il se croyait enfin ailleurs, une prise sur son sexe lui fit ouvrir grand les yeux : Sakabe lui avait saisi le pénis. Il était en train de le masturber.

— Lâchez-moi ! protesta Kairii d'une voix ferme en sentant son sexe durcir.

Son anus se resserra par réflexe, ce qui arracha au samurai un soupir de plaisir. La douleur était difficilement supportable, mais en même temps, le plaisir grandissait dans son membre. Kairii avait l'impression qu'un organe, à l'intérieur de son bas-ventre, n'allait pas tarder à exploser. Soudain très inquiet, il se débattit, essayant de se soustraire à la prise du rônin. Mais ce dernier le tenait fermement.

— Suffit, susurra-t-il dans son oreille, une main enserrant son sexe et l'autre sur sa cuisse. Tu vas te montrer bien gentil !

Il accéléra le rythme, augmentant la pression sur les organes internes de son partenaire. Résolu à ne pas crier, le tayû se mordit la lèvre jusqu'au sang. Et l'explosion redoutée arriva. Un jet de fluide blanc et épais fut projeté contre le paravent, suivi d'un autre, moins vigoureux, qui vint tacher le matelas et le ventre de Kairii. Le rônin le lâcha.

— C'est ta semence, remarqua-t-il, les yeux agrandis par la surprise.

Laissant ses longs cheveux venir s'étaler sur son visage, Kairii garda le silence.

Il était mort de honte.

— Tu as joui ! continua le samurai, comme si la situation avait besoin de plus de précisions.

— Vous avez appuyé là où il fallait, c'est tout, murmura le tayû.

Mais Sakabe n'allait pas le laisser s'en tirer à si bon compte.

— C'est la première fois que je vois la semence d'un kagema... Et il se trouve que c'est la tienne. Je suis très honoré, Yuki... C'était bon ? demanda le samurai en se penchant sur son partenaire pour l'embrasser.

Celui-ci resta silencieux.

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