Une rondelle de tako*

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L'adolescent se plia au rituel habituel la mort dans l'âme. Après le dernier passage du rônin, il avait eu mal aux fesses pendant au moins une semaine. Sans compter les autres blessures.

Si je ne me détends pas immédiatement, il va forcer comme une brute et me blesser, réalisa Kairii dans la baignoire. Je n'ai pas le choix... Il faut que je prenne les devants.

Au moment où Harumi lui nettoyait le fondement, Kairii lui murmura d'une voix à peine audible :

— Je veux que tu m'aides cette fois... Et que tu laisses le truc dans mon corps.

L'habilleur acquiesça rapidement.

Kairii se mit à quatre pattes sur le plancher, le visage caché dans ses bras croisés. Il laissa Harumi lui badigeonner les fesses d'huile, avant de lui masser l'anus, longuement, avec le baume de funori. Puis l'homme introduisit son pouce dans son corps, le travaillant doucement pour le détendre. L'index, le majeur... Et finalement, le bôyaku généreusement lubrifié. Kairii expira en silence lorsque les sept centimètres de bois pénétrèrent son orifice, étirant le muscle.

Lorsqu'il se releva, la douleur se fit sentir immédiatement. Heureusement, il allait vite retirer cet objet. Il comptait s'en débarrasser discrètement juste avant que Sakabe ne soulève son kimono, histoire d'être complètement ouvert au moment de la pénétration.

Sauf que cette fois, le rônin, de très bonne humeur et déterminé à conquérir le tayû, lui demanda de danser pour lui.

— Je veux que tu me montres ces danses au sabre dont tout le monde parle, fit-il en tendant son katana à Kairii.

Kairii le regarda.

— Vous êtes sûr ?

— Mais oui, insista le rônin en se méprenant sur sa réserve. Si c'est toi, tu peux toucher mon katana... Juste toi.

Kairii le prit en silence. Il le passa dans sa ceinture, puis vint ouvrir la cloison.

— Appelez-moi Koharu. J'ai besoin qu'il vienne jouer du yokobue.

Le jeune homme accourut immédiatement. Il écouta Kairii lui jouer l'air avec sa propre flûte, puis se positionna pour commencer. Assis en tailleur, le rônin attendait en buvant du saké, le regard brûlant.

Kairii dégaina le sabre et commença à danser. Cette danse au sabre, issue de la pièce Mitsu no mai du kagura d'Ise tel que sa troupe la dansait, était une danse violente et rapide, où le danseur, tenant un sabre avec lequel il effectuait des mouvements nécessitant une grande dextérité, passait son temps à bondir, tourner et virevolter. Il devait en outre s'accroupir très souvent, avant de repartir et sauter de plus belle. Inutile de dire qu'avec le bôyaku dans son corps, Kairii souffrait le martyre.

— Cela aurait été mieux si je ne portais pas ce kimono ridicule, conclut Kairii après la danse, mais un véritable costume de kagura.

Il tendit son sabre au rônin, qui le prit respectueusement.

— Non, tu étais magnifique... Comme toujours, murmura-t-il avec admiration, lui faisant signe de s'asseoir à ses côtés.

Kairii s'exécuta, et il lui servit du saké. Sakabe but en le regardant pensivement, avant d'écarter du bout des doigts le col de son kimono.

— Comment tu vas, Yuki ? Est-ce que ta blessure te fait encore mal ? murmura-t-il en passant sa main sur la cicatrice.

— Ça va, marmonna Kairii en réponse. C'est complètement guéri.

— Bien, bien, fit le rônin en hochant la tête. J'ai très envie de toi, ce soir. Je ne vais pas te faire mal, mais j'ai besoin que tu sois en forme. Je compte te faire l'amour toute la nuit !

D'un discret coup d'œil, Kairii fit signe à Koharu de se retirer. Mais Sakabe, en voyant le jeune homme se lever pour partir, le somma de rester derrière le paravent.

— J'aime cette musique. Je veux que tu joues cet air tout le temps où j'embrasserais mon amant.

Je ne suis pas ton amant, eut envie de répliquer Kairii. Le rônin, même s'il s'y prenait mal, faisait des efforts évidents.

— Si tu détestes ce kimono tant que ça, murmura-t-il dans le cou de Kairii, je vais t'en débarrasser !

— Il fait froid.

— Je te réchaufferai avec mon corps. Cela fait un mois que je n'ai touché ni garçon ni femme... Pas depuis la dernière fois avec toi. Le feu qui me dévore est immense : je vais te prendre jusqu'au matin. Tu n'auras pas le temps d'avoir froid.

Tu parles, pensa Kairii. Si vraiment tu n'as pas fourré ta bite dans un trou depuis tout ce temps, les choses iront très vite. Ce n'était pas pour lui déplaire, et il comprenait maintenant pourquoi les kagema exigeaient de leurs habitués amoureux une telle discipline.

Heureusement, concernant le kimono du moins, Sakabe ne mit pas sa menace à exécution. Il se contenta de retrousser le vêtement. Kairii vint embrasser son client de sa propre initiative, passionnément, en profitant pour retirer le bôyaku, qu'il cacha sous le matelas.

— Je te trouve bien ardent, ce soir, observa le rônin. Aurais-tu envie de moi, par hasard ?

— Ne rêvez pas, lui répondit Kairii, là où un autre kagema aurait saisi l'occasion pour mentir et satisfaire le client.

— Alors pourquoi es-tu comme ça ? D'habitude, tu restes froid comme le marbre lorsque je t'embrasse. Enfin... Je te trouve vraiment désirable, aujourd'hui.

— Si vous n'avez pas connu de partenaire depuis tout ce temps, c'est normal.

Sakabe s'arrêta de l'embrasser un moment pour le regarder.

— J'aimerais que tu ne te donnes qu'à moi, Yuki, fit-il en le regardant. C'est mon rêve le plus cher.

— Je suis un putain, lui rappela tranquillement Kairii. Je couche avec une bonne dizaine de personnes par semaine.

Ce chiffre était largement exagéré. Mais Sakabe n'avait pas besoin de le savoir.

— C'est de l'or donné aux cochons... Je vais te racheter, Yuki. Je vais te racheter, et te garder toujours près de moi.

— Le Kikuya ne me vendra jamais. Plus d'un patron a essayé, et ils étaient tous plus riches que vous.

Incapable de se contenir plus longtemps, le rônin poussa Kairii sur le lit. Passant son bras sous son genou, il lui écarta les jambes.

— Quel organe bien formé tu as... Au début, ça me rebutait, mais maintenant, je trouve ça très excitant.

— À la bonne heure, murmura Kairii d'un air blasé, songeant qu'un tel organe n'était à Sakabe d'aucune utilité.

Il grimaça lorsque le rônin le lui caressa, provoquant, avec un début de gonflement, la fermeture progressive de son anus. Lui prenant le poignet, il dirigea sa main vers ce dernier. Qu'on en finisse, et vite.

— Mais tu es impatient ! observa l'homme, ravi. Très bien, je vais te satisfaire.

Kairii fit mine de rouler sur le côté, sa position préférée avec les clients de sexe masculin. Non seulement elle lui évitait de voir le visage – souvent très laid et défiguré par le plaisir – de ceux-ci, mais elle lui permettait de s'occuper l'esprit en fumant ou en rêvassant. Sans compter que c'était assurément là que la pénétration était la moins douloureuse... Avec quelques clients à moitié aveugles et gâteux, il arrivait même à l'éviter, faisant glisser leur sexe entre ses cuisses. La technique dite « sumata », ou « cuisses crues », qu'une prostituée de Yoshiwara lui avait apprise.

Malheureusement, Sakabe n'était pas si facile à rouler. Il voulait regarder le visage de son « amant » pendant l'amour... Kairii dut donc rester sur le dos, ce qui était cette fois la position qu'il détestait le plus.

— Tu es réellement excité, ce soir, s'émerveilla Sakabe en regardant l'orifice de son partenaire, dilaté sans qu'il eût à le toucher. Ton oeillet est ouvert et humide... On dirait une fleur qui s'éveille, toute couverte de rosée.

Kairii lui jeta un regard dangereux. Comment cet homme pouvait-il croire que l'excitation masculine provoquait la dilatation et la lubrification de l'anus ? N'était-il pas un mâle lui-même ?

Il ne put s'empêcher de le lui faire remarquer.

— On se fait enfiler par là toute la journée, lui rappela-t-il. À force, ça reste un peu ouvert. Et arrêtez de comparer mon anus à une fleur... On sait tous les deux à quoi ça ressemble en réalité : une rondelle de tako frite dans l'huile de sésame. Même l'odeur est semblable.

Loin de le dégoûter, cette comparaison incongrue fit rire le rônin.

— Je vois, sourit-il en glissant son pénis dans l'anneau du tako. Cette rosée est donc de l'huile de sésame !

Kairii ne répondit pas. Toute sa concentration était dirigée vers la gestion de la douleur, alors que l'homme enfonçait son phallus en lui.

— C'est le plus délicieux tako que je n'ai jamais mangé ! plaisanta Sakabe en venant embrasser Kairii.


* tako : poulpe

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