Taito : fausse piste

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Sitôt libre, je quittai Nagoya pour me rendre à l’ancienne capitale. En passant par les chemins de traverse afin d’éviter les contrôles entre fiefs – je n’avais pas de sauf-conduit – le voyage me prit plusieurs semaines. La saison des pluies laissa la place à une chaleur torride, qui abrutissait hommes et bêtes.

À mon arrivée à la capitale impériale, je me mêlai aux saltimbanques et à toute la populace itinérante venue pour assister aux fêtes de Gion : c’est ainsi que j’échappais aux contrôles à la barrière d’Ohara. Une fois sur place, je délaissai les rangs des fêtards pour me faufiler dans la ville harassée de chaleur jusqu’aux murs de pierre du temple Ninna-ji, là où m’avait indiqué que Kairii était retenu prisonnier.

Je restai en embuscade dans les environs des jours entiers, profitant de l’obscurité pour m’introduire dans l’enceinte et tenter de repérer le lieu où était retenu mon seigneur. Mais tout était calme : les moines continuaient leurs activités, sans que rien ne trahisse la présence d’invités. Visiblement, Sadamaro et sa suite n’étaient pas présents. Une grande partie des appartements du pavillon de thé Omuro, dévolus au clan Otsuki en visite, étaient vides. J’arpentai la paille glaciale des tatami, au cours de ces nuits solitaires. La lune, qui dardait ses rayons par l’ouverture circulaire, me rappelait toutes ces soirées où j’avais joué du shakuhachi pour mon seigneur, dans quelque auberge miteuse ou ermitage délabré qui nous servait d’abri momentané, à nous qui n’étions plus que des feuilles balayées par le vent.

Pendant la journée, déguisé en pèlerin, j’errais comme une âme en peine dans l’immense parc du temple, d’un pavillon à un autre, réparant des sandales de paille au pied de la grande pagode pour gagner la soupe de riz qui me permettait de survivre pendant cette recherche. Mais aucun des moines que je parvins à interroger l’air de rien n’avait entendu parler d’un jeune garçon arrivé récemment. L’un d’eux me confirma un jour que Sadamaro n’était pas revenu au Ninna-ji depuis des mois.

Kairii n’était pas là.

On m’avait envoyé sur une fausse piste : j’avais perdu du temps pour rien.

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