Chapitre 6

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Tom se précipita dans son appartement. Les yeux écarquillés, il éplucha les actualités sur le web. Il précisa sa recherche en saisissant le nom de sa rue, nnnnn.

— Vous allez bien, monsieur Sanders ? Le concierge était entré et contemplait Tom affolé. Vous devriez vous calmer.

— Me calmer ? Ce cadavre, la femme qu’on a découverte, je crois la connaître.

— Comment pouvez-vous dire ça puisqu’on pas donné son identité ? Il s’approcha de Tom.

— Je le sens... je... je ne peux pas vous expliquer. Il jeta un coup d’œil rapide à la console où était posé le sac à main. Pouvait-il faire confiance à Bartholomé et lui expliquer qu’il avait en sa possession le seul objet qui pouvait identifier la victime ? Mais comment expliquer que le sac à main était là ? Trop de questions, pas assez de réponses, se répéta-t-il pour se concentrer sur ce qu’il lisait.

— Je ne comprends pas, je ne trouve rien sur cette femme. Aucune dépêche, rien !

— Ce n’est pas encore officiel. Allez sur la page Facebook du quartier. Elle est alimentée par les habitants.

Tom le regarda médusé. Le quartier avait une page Facebook ? Bartholomé venait d’arriver et il en savait bien plus que lui sur cet endroit où il vivait pourtant depuis presque dix ans maintenant. Il ouvrit Facebook et rechercha la page.

— Vous voyez c’est là.

Tom parcourut les quelques posts le cœur battant. Il lisait et relisait chaque mot pour y déceler le moindre indice. Il lui semblait que le sac à main grossissait à vue d’œil et que la console n’allait pas tarder à rompre sous son poids. Bartholomé n’avait pas l’air de se rendre compte de quoi que ce soit, il continuait à fixer l’écran et à parler sans que Tom ne comprenne le moindre mot. Ses oreilles bourdonnaient et bientôt sa respiration se mit à devenir rauque. Crise d’asthme, réussit-il à murmurer.

— Pardon… ? Je n’ai pas compris, dit Bartholomé en se penchant. Tom avait les yeux révulsés et ne parvenait presque plus à respirer. Le concierge le saisit par les épaules. Monsieur Sanders ?

— Crise d’asthme, murmura Tom. Ventoline... salle de bain. Devant ses yeux des étoiles scintillaient. Il allait perdre connaissance.

Bartholomé souleva Tom aussi facilement qu’il l’aurait fait avec un enfant et le déposa sur le canapé. Il se précipita dans la salle de bain et revient presque aussitôt. Il tenait dans la main le vaporisateur de ventoline. Il aida Tom à prendre deux bouffées.

— Respirer doucement. Oui, comme ça.

Après quelques minutes Tom reprit le contrôle de sa respiration et put s’asseoir.

— Merci, dit-il en buvant un peu d’eau que Bartholomé lui avait apportée.

— Je vais vous laisser vous reposer. Il se leva et mit l’ordinateur en veille. Une bonne nuit de sommeil, voilà ce qu’il vous faut. Tom acquiesça et lui sourit du bout des lèvres.

À peine le concierge fut sorti que Tom s’élança pour prendre le sac à main. Il le fouilla, renversa son contenu. Le trousseau de clés et les dizaines de pochettes s’éparpillèrent sur le meuble et sur le sol. La carte d’assuré sociale était noyée sous cet amas. Il la prit et fixa la photo de Josepha. Se pouvait-il qu’il l’ait tué et qu’il ne s’en souvienne pas ? La question surgit dans son esprit avec la brutalité d’une accusation. Il se laissa glisser au sol et prit son visage dans les mains. Casper vint se blottir contre lui. Tom le prit dans ses bras. Il n’aurait jamais fait ça, non jamais ! Comme pour lui donner raison, Casper lui lécha le visage et le fixa de ses grands yeux couleur menthe à l’eau avant de poser sa patte sur le visage crispé de son maître.

— Qu’est-ce que j’ai fait mon vieux ? Est-ce que c’est moi qui ai fait ça ? Casper le fixa plus intensément encore et poussa un miaulement rauque qui signifiait non quand Tom voulait le mettre dans sa cage pour aller chez le vétérinaire. C’était bien la première fois que Tom ressentait du plaisir à entendre son chat s’opposer à lui.

Il se releva et s’assit devant son ordinateur. De nouveaux posts arrivaient qui commentaient l’affaire. Tous étaient d’accord pour dénoncer ce crime odieux et s’inquiétaient qu’on puisse assassiner une jeune femme dans un quartier si animé sans que personne ne s’en rende compte. C’était un crime lâche et odieux, si tant est qu’un crime puisse être autre chose se répéta Tom. Alors qu’il remontait le fil de la conversation, un pseudonyme attira son attention. La personne qui s’appelait Barth_R, semblait détenir plus d’informations que les autres. Il remonta toute la conversation et comprit que c’était ce Barth_R qui était à l’origine de la nouvelle. Il cliqua sur la photo pour ouvrir le profil. Aucun portrait dans la galerie de photos, juste une série de proverbes et de citations de personnalités. Mary aussi raffolait de ces petites phrases qu’elle répétait comme des mantras. Toute une collection ornait son bureau, leur frigo et même leur chambre à coucher. Elle disait que ces phrases lui donnaient de la force. Elle puisait dans ces expressions devenues des aphorismes, un surplus de vie, d’expérience comme si cette dernière pouvait se transmettre par les mots. « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort… », murmura Tom en cliquant sur-le-champ « à propos » du profil. Dans profession, il était noté concierge depuis une semaine. Tom resta pétrifié, Barth_R n’était autre que Bartholomé Rockwood. Il bondit de son siège, les poings serrés.

— Ouvrez Bartholomé, ouvrez ! criait Tom en tambourinant sur la porte du concierge.

— Voilà, voilà, j’arrive. Pas la peine de casser ma porte, nom d’un chien. Le corps massif du géant semblait deux fois plus grand derrière la vitre ondulée. Tom respira profondément, bien décidé à avoir une explication.

— C’est vous, n’est-ce pas, hurla-t-il au visage de Bartholomé. C’est vous qui le premier en avez parlé sur Facebook. C’est peut-être vous aussi qui avez découvert le corps… Le concierge saisit Tom et l’arracha du sol avant de le reposer délicatement sur son parquet, puis ferma la porte.

— Doucement, voyons. De quoi parlez-vous ?

— Arrêtez de me prendre pour un imbécile. Vous êtes Barth_R sur Facebook, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est moi.

— Comment saviez-vous pour le cadavre ?

— Une fois encore doucement monsieur Sanders. D’autres personnes vivent ici. Il désigna de l’index le plafond.

— Je me fous des voisins, je veux la vérité.

— Peut-être vous, mais pas moi. Que penserait mon employeur si des locataires se plaignaient que je fasse du tapage au milieu de la nuit ? Tom se calma un peu. Merci, lui dit Bartholomé en l’invitant à s’asseoir.

— Je suis trop excité pour rester assis.

— Vous avez raison, je suis bien Barth_R et je suis bien le premier à avoir parlé de la malheureuse. Mais ce n’est pas moi qui l’ai découvert.

— Qui alors ? Tom tremblait de la tête au pied.

— Un locataire.

— Un locataire ? Quel locataire ? Et pourquoi c’est vous qui en parlez ?

— Quand la police est arrivée et qu’ils l’ont interrogé, ils lui ont intimé l’ordre de n’en parler à personne sous risque de poursuites. Il est arrivé ici bouleversé et s’est confié à moi. J’ai pris la décision de publier son récit sur Facebook. La vie des gens est plus importante à mes yeux qu’une menace hypothétique. Et qui sait peut-être qu’un témoin me lira. Tom se laissa tomber sur le fauteuil en face de Bartholomé et passa sa main sur le visage. Il avait besoin de calme pour réfléchir.

— Comment êtes-vous sûr que ce n’est pas lui qui a… Je veux dire qu’est-ce qui vous fait croire qu’il n’est pas l’assassin ?

— La police l’a laissé libre.

— Il arrive qu’ils se trompent.

— La jeune femme a été retrouvée étranglée. Tom détourna le regard. Et la personne dont je vous parle est physiquement incapable de tuer quelqu’un à main nue. Il leva ses deux grosses mains et les tendit vers Tom qui blêmit. Ce monsieur est paralysé du bras gauche depuis qu’il a eu un AVC l’an dernier. Tom ne s’intéressait pas à ses voisins. Il était incapable de situer cet homme.

— Il vous a donné des détails, hésita Tom, conscient que sa question pouvait déranger. Le concierge ne sembla pas s’en émouvoir.

— Non, juste qu’elle est jeune, plutôt jolie. Tom sentit le sol s’ouvrir sous ses pieds. La description correspondait à Josepha. Et blonde, rajouta le concierge.

— Blonde, répéta Tom en relevant la tête. Vous avez dit blonde ?

— Comme un soleil, oui. Du moins selon le témoin.

— Pas brune ? Vous êtes sur ? demanda Tom en souriant.

— Impossible que je me trompe. Je suis un concierge, pas un crétin. Vous pensez pouvoir faire la différence ?

— Désolé Bartholomé. Je ne voulais pas vous insulter. C’est juste que... c’est juste qu’elle est blonde... et que cela change tout.

— Pas pour elle.

— Non, bien sûr. Loin de moi l’idée de me réjouir de la mort d’une femme. J’ai une amie, nous avions rendez-vous et elle n’est jamais venue. Bêtement, j’ai pensé que cette femme qu’on a trouvé morte... mais mon amie est brune... pas blonde. C’est pour ça que j’ai paru me réjouir… J’étais soulagé en fait.

— Il fallait l’appeler.

— Oui, je vais le faire. Tom sourit, mais ne dit rien sur les SMS restés sans réponse. Il se dirigea vers la porte pour rejoindre son appartement.

— Au fait monsieur Sanders.

— Oui, dit Tom en se retournant.

— Vous m’avez menti. Personne n’est venu vous voir ce soir.

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Par avance, merci pour vos avis. Bien sur, je répondrai à chaque post.

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