Chapitre 5

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 La nuit avait été exténuante. Le somnifère ne lui apporta pas le repos escompté. Comme à chaque fois qu'il dormait, avec ou sans médicament, des cauchemars peuplaient son sommeil. Il rêva de sa femme. Dans son imagination, elle semblait marquée par les épreuves de la vie, de petites rides barraient son front et elle paraissait triste et fatiguée. Elle continuait à être très active, peignait, donnait des cours d'informatique aux enfants du quartier, mais se cachait souvent dans ses rêves pour pleurer. Pourquoi pleurait-elle ? Il ne parvenait jamais à aller suffisamment loin dans son rêve pour le savoir. Par contre, il ne rêvait pas de leur couple. Son cerveau refusait d'imaginer une situation où il partageait un moment avec Mary. À chaque fois, elle lui apparaissait dans des scènes de la vie de tous les jours, entourée d'amis qu'il connaissait et d'inconnus, mais jamais il ne se voyait à ses côtés. Il la sentait profondément malheureuse. Même si cette tristesse était fictive, elle l'atteignait tout autant que si tout cela existait vraiment.

Sans sortir de son lit, il tendit le bras et attrapa son téléphone portable. Il avait maintenu actif l'abonnement téléphonique de sa femme et aimait appeler le numéro. Avant son décès, le numéro de Mary était programmé sur la touche un. Il n'avait qu'à presser longuement pour que son téléphone l'appelle automatiquement. Dorénavant, il le composait à chaque fois. Il était surpris de pouvoir s'en souvenir. Lui qui aujourd'hui encore ne connaissait pas son propre numéro d'assuré social. Il appuya en fermant les yeux sur la touche appel.

— Bonjour, vous êtes sur le répondeur de Mary Sanders, je dois être en train de dormir, de programmer ou de câliner mon mari, alors laissez-moi un message, votre numéro et peut-être que je vous rappellerai. Bye.

Il composa le numéro une dizaine de fois avant de se lever. Jamais il n'avait laissé de message. Il aurait eu l'impression d'outrepasser quelque chose, de traverser une ligne rouge qu'il devait respecter.

C'est Casper et son appétit insatiable qui l'obligea à lâcher son téléphone.

— J'arrive Monsieur Glouton, soupira-t-il en rejetant la couette.

Visiblement, il avait dormi toute la journée. Derrière la baie vitrée, le soleil se couchait à l'horizon. Il regarda distraitement l'horloge. Elle indiquait 18 h. Pas sûr qu'elle fonctionne encore se dit-il. Il sortit les croquettes de son chat et remplit le distributeur automatique qui sonnait pour indiquer qu'il fallait rajouter de la nourriture. Sans cette merveille impossible que Casper le laisse dormir toute la journée. Le chat n'attendit pas que son maître lui cède la place pour plonger le museau dans sa gamelle. Le petit écran LCD indiquait que le prochain repas serait servi le lendemain à 5 h. Il n'était donc pas 18 h, mais au moins 21 heures. Tom avait programm trois repas par jour espacés de huit heures chacun. Le premier à 5 h. Mais pourquoi faisait-il encore clair à l'extérieur alors que nous étions en février ? Intrigué, il retourna devant la baie vitrée. La nuit était bien là. Le soleil ne pouvait pas s'être couché si vite. Soit l'axe de la terre avait bougé, soit Tom devait changer les piles de son horloge murale. Il renonça à essayer de comprendre, se promit d'acheter des piles puis alluma son ordinateur pour travailler sur une commande.

Un site partenaire au sien lui avait commandé une série d'articles sur la ménopause. Ce n'était pas sa spécialité, lui était neurochirurgien. Il devait donc se renseigner. Il se connecta à PubMed et rechercha les dernières découvertes sur le sujet. Une longue liste de travaux s'afficha sur son écran.

— Je comprends pourquoi on me demande de vulgariser le sujet, je vais en avoir pour des heures, peut-être même quelques jours... Il cliqua sur le premier résultat lorsqu'on frappa à sa porte. Il soupira, haussa les épaules et se mit à lire les premières lignes, persuadé que s'il ne bougeait pas l'inopportun s'en irait. Mais on frappa une seconde fois. Après toutes ces années d'isolement, il ne savait plus trop comment se comporter avec les autres et craignait ses propres réactions. Il lui arrivait trop souvent d'être un peu expéditif et donc perçu comme un homme froid. Il regarda autour de lui, l'appartement était propre et à peu près en ordre. Rien ne l'empêcher de recevoir de la visite.

— Vous ! grogna-t-il en découvrant le concierge.

Tom sortit aussitôt sur le palier et tira la porte faisant mine d'avoir de la visite.

— Bonsoir Monsieur Sanders.

— Oui, pardon, bonsoir Bartholomé. J'ai de la visite en ce moment et...

— De la visite ? En dehors des résidents, je n'ai vu personne entrer dans l'immeuble.

Tom haussa les sourcils en signe d'agacement et d'impatience.

— Vous me surveillez ?

— Non, je me demande simplement comment cette personne a pu entrer sans que je m'en rende compte. Si une autre entrée existe, je dois être en être informé pour des questions de sécurité, j'entends.

— Vous vouliez quoi ? le coupa Tom.

— Oh, oui bien sûr. Vous rendre ça. Il tendit le flacon de désinfectant. Vous l'aviez laissé chez moi hier soir. Vous remercierez votre mamie de ma part.

Le concierge ne bougea pas d'un pouce.

— Je n'y manquerai pas. Autre chose ?

— Vous voulez dire que vous n'êtes pas au courant ?

— Au courant de quoi, demanda Tom en se demandant quelle excuse Bartholomé allait trouver pour l'empêcher de travailler.

— On a découvert le corps d'une femme deux pâtés de maison plus loin.

— Un cadavre ! Dans le quartier ?

— Comme je vous le dis. J'ai lu qu'ils n'ont pas encore réussi à l'identifier. Elle n'avait pas de papier sur elle. Une femme sans sac à main c'est presque impossible, non ?

Tom blêmit.

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