Episode 9

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David se réveilla groggy. Sa tête pesait une tonne et il avait l’impression qu’un marteau frappait lourdement sur ses tempes. Sa bouche était pâteuse, comme le lendemain d’une cuite mais pourtant, aucun souvenir d’avoir enfiler autant d’alcool pour justifier son état. Ses yeux papillonnèrent sous la lumière de cette fin d’après-midi. Sa vision était trouble et il mit quelques minutes à pouvoir enfin découvrir où il se trouvait. Il était au milieu d’une pièce qui aurait dû être un salon avant qu’un incendie la détruise. A ses pieds des bris de verres, des restes de meubles pourris par le feu, l’eau et le temps et surtout, une photo. David resta figé. Les yeux bleus de Lucie avaient été percés, deux épingles remplaçant désormais son regard doux, fixant la photo dans une petite flaque de sang et d’un autre fluide laiteux. Rien n’avait de sens. Il essaya de bouger mais découvrit avec horreur qu’il était attaché à une chaise. Ses poignets et chevilles étaient enchainés, restreignant ses mouvements et le bloquant dans une position plus qu’inconfortable. Son visage le gratta et l’engourdissement qu’il ressentit au niveau du nez l’alerta sur la probable fracture et l’origine de la flaque rouge. En revanche, tout le reste de la situation était toujours un mystère.

« Alors, Papa, qu’est ce que ça fait de ne pas avoir d’alcool pour échapper à la réalité ? »

David tenta de se retourner en entendant la voix familière. Chase ? Impossible !

« Tu sais, j’ai attendu ce jour avec impatience. Planifiant chacun de mes mouvements. Je t’ai tué une fois et je m’apprête à recommencer. Mais cette fois, je vais prendre mon temps comme j’ai pris le temps de te briser en tuant ta femme et toutes les autres putes. »

David était sous le choc. La voix de Chase était terrifiante, comme dénuée d’émotion, d’humanité. Il ne pouvait pas croire que son équipier disait, pourtant, celui-ci apparu enfin dans son champ de vision, le sourire aux lèvres.

« Sherif, David, j’aimerais pouvoir vous dire que je regrette pour Lucie, mais je ne mens qu’en de rares occasions ! Vous vous demandez surement pourquoi ? Pourquoi vous, pourquoi elle, pourquoi moi ? Mais voyez-vous Sherif, votre vaine quête de réponses n’est autre que ce qui vous a empêché de m’attraper. Il était si facile de jouer avec vous, de vous mener par le bout du nez, comme un petit pantin. Comment auriez-vous pu faire le lien entre tous ces meurtres, je suis certain que vous ne vous souvenez même pas de moi ! »

David sentit les larmes rouler le long de ses joues. C’était un cauchemar.

« Surprise ! Je ne m’appelle même pas Chase ! Je suis Logan, Logan Milford, et vous êtes l’officier qui était le premier arrivé sur les lieux de l’accident de voiture dans lequel ma mère est morte. Je vois dans vos petits yeux effrayés que ça ne vous dit rien… Pas de problème, moi non plus je ne me souvenais pas de vous jusqu’au jour où je vous ai vus, vous et votre femme. Les souvenirs sont revenus, la douleur, la tristesse, le gout délicieux du sang de ma mère lorsque son crâne s’est explosé contre le parebrise, l’hémoglobine giclant par saccade sur ma bouche, chaude et visqueuse. Erotique n’est-ce pas ? Mais revenons à vous, vous et moi, notre lien. Voir votre Lucie si belle, si jeune, si semblable à ma mère, j’ai eu envie la tuer. J’avais envie de la détruire consciemment et pas dans un stupide accident… Je voulais éprouver ce plaisir intense qu’on a quand on est dieu et qu’on supprime une vie. Vous imaginez ma surprise quand je me suis rendu compte que tuer votre femme allait être tellement plus jouissif que prévu ? J’allais pouvoir vous briser, vous, qui avait été plus attentionné que mon propre père quand j’étais à l’hôpital ; vous, qui m’avez regardé avec tendresse alors que mon géniteur n’était capable que de haine. J’allais faire d’une pierre deux coups. Mais vous ne vous êtes pas brisé tout de suite… et puis j’avoue avoir pris plus de plaisir que prévu à découper le corps si sensuel de votre femme. Je vais répondre à l’une de vos questions, qui je suis sûr brûle vos lèvres : je leur arrache un œil d’abord et je le pose face à elles, comme ça, elles sont témoins de leur propre mort, de mon œuvre. Puis je découpe les membres. Le sang dessine de jolies arabesques sur le sol avant de devenir une flaque informe, c’est beau. Certaines d’entres elles s’évanouissent dès la première amputation mais j’ai ma petite astuce ! Une petite piqûre d’adrénaline, et hop ! ça repart comme en quarante ! Lucie était magnifique, la bouche grande ouverte dans un cri sans son. Je lui ai arraché le deuxième œil avec délectation. »

Le cœur de David s’était tout simplement stoppé. Chase était le Marionnettiste. Chase était l’homme qui avait détruit sa vie et son futur. Chase, le gentil Chase, un monstre. Il continuait à proférer ses ignominies, tel un serpent sadique injectant son venin dans sa proie pourtant déjà paralysée.

« J’ai vu en toi une opportunité, une chance de finir ce que j’ai bâclé par le passé. Tu vois cette ferme ? C’est moi qui l’ai brûlée. J’ai attendu que mon père soit saoul sur le canapé pour mettre le feu au tapis. Je l’ai regardé prendre feu mais je n’ai pas pu jouir de ses derniers instants. Mais grâce à toi, grâce à ton affection et cette relation que je nous ai construite de toutes pièces, je vais pouvoir enfin achever ma libération. Alors, Papa, qu’est-ce que ça fait d’échouer face à ton fils ? De prendre conscience ça devrait être lui qui te regarde avec dégout face à tant de faiblesse, et non l’inverse ? Était-ce si compliqué de m’aimer ? Maman y est arrivé elle ! Elle en est morte, certes, mais elle m’aimait ! »

David regardait avec pitié l’être en souffrance qui déblatérait ces folies, les yeux révulsés par la haine. Il voulait que cela cesse. Les larmes avaient séché sur ses joues et il reprit une respiration calme malgré la situation.

« Tue-moi donc, fils, c’est tout ce que je désire. Laisse-moi rejoindre la femme que tu m’as volée.»


***


Logan s’arrêta net. Il n’était pas certain d’avoir bien entendu. Son père avait-il demandé qu’il le tue ? Avait-il osé ? Avait-il vraiment osé prendre le contrôle de la situation, encore une fois, le privant de son pouvoir ?

« Alors, qu’attends-tu ? »

Logan était perplexe. Il avait tellement fantasmé ce moment. Il ne comprendrait pas la réaction de son père. Il était frustré. Il voulait voir des larmes, des cris, de la souffrance et en face de lui l’homme était prêt à mourir, pire encore, il n’avait pas peur de mourir. Logan ne savait pas comment réagir, ce n’était pas ce qui était prévu ! Il n’était plus le maitre de la situation, son rituel était brisé. Peu à peu, David retrouvait ses traits, totalement différents de ceux de son père, la magie avait disparue. Logan se mit alors à tourner en rond, la tête dans ses mains, comme pris au piège dans son propre jeu dans lequel il se croyait le maître. Il éclata alors en sanglot, comme un enfant.

« Tout ce que je voulais c’était que tu m’aimes… »


***


Mathilda avait garé sa voiture trop voyante non loin des ruines de la ferme. Cela faisait vingt minutes qu’elle essayait de se convaincre qu’elle était parano. Pourtant, le 4x4 était bien là, ils ne devaient donc pas être très loin. Elle avait troqué ses habituels vêtements flashy pour une tenue plus discrète. Tout de gris vêtue, seuls ses ongles bleus ressortaient dans la lumière déclinante de l’après-midi. Elle s’approcha le plus silencieusement possible de la bâtisse, espérant ne pas se faire repérer. Elle entendait une voix, sans savoir ce qu’elle disait. Elle enjamba les restes de la porte principale et à pas légers se dirigea en direction de cette voix, qui n’était autre que celle de Chase. Son cœur battait la chamade au point de ne toujours pas être capable de comprendre ce qu’il racontait. Lorsqu’elle entendit la voix de David, elle fut soulagée de le savoir en vie. Elle serra la batte de baseball qu’elle avait emprunté à son voisin. La sueur rendait ses paumes glissantes mais les années de pratique de ce sport au lycée, lui permis de reprendre son calme et d’affirmer sa prise. Elle fit encore quelques pas, dos contre le mur, se préparant mentalement. Arrivée au niveau du chambranle, elle jeta un coup d’œil dans l’ancien salon. David était attaché à une chaise et Chase lui faisait dos. En quelques enjambées elle pourrait l’atteindre. Elle s’apprêtait à débouler dans la pièce lorsque Chase éclata en sanglot. Prise de court elle hésita un instant, celui nécessaire au tueur pour se retourner et remarquer sa présence. Dans un cri de fureur elle courut en sa direction, l’effet de surprise lui assurant encore un minime avantage. Mais Chase plus preste, l’évita avec aisance et dégaina un couteau de chasse. Mathilda était en eaux, la batte de baseball menaçante brandie devant son visage joufflu. Elle se remémora la position adéquate et attendit que son assaillant l’attaque. Campée sur ses appuis, elle pivota juste à temps pour venir frapper les côtes de Chase dans un brut d’os brisés répugnant. Déséquilibré, le blessé tituba en arrière et glissa sur un reste de bouteille. Chase chuta et sa nuque heurta une des briques qui jonchaient le sol. Sans un cri, les vertèbres du tueur se sectionnèrent dans un crac sonore. Mathilda et David regardèrent sans voix le corps inerte avant que la standardiste reprenne ses esprits et appelle des renforts.

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