Episode 8

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Mathilda n’en revenait pas. Devant ses yeux, un dossier des services sociaux au nom de Logan Milford, orphelin, ayant perdu sa mère dans un accident de voiture et son père lors d’un incendie. Logan, Chase… Elle était absolument confuse. Plus Mathilda feuilletait le rapport et plus elle tremblait à l’idée de l’adolescence terrible que ce gamin avait subie. Elle commençait à ressentir de la pitié, surtout quand elle découvrit les photos de la ferme carbonisée, accompagnée de quelques éléments de l’enquête. L’incendie était accidentel et avait surement été causé par un mégot oublié. Son père n’avait pas survécu, malgré les tentatives de sauvetage de son fils qui s’était jeté dans les flammes, d’après son témoignage. Elle retint un sanglot face à l’héroïsme de cet enfant ayant été impuissant face à la mort de ses deux géniteurs. Le dossier comprenait aussi un compte-rendu psychologique qu’elle s’empressa de lire en diagonale. Toute la sympathie qu’elle avait ressentie à l’égard du garçon s’envola aussitôt. « Adolescent perturbé », « manque total d’empathie », « comportements destructifs », « tendance à la pyromanie ». Ses mains se crispèrent et son intuition tira la sonnette d’alarme. Elle prit délicatement la dernière feuille, soudain anxieuse de ce qu’elle allait pouvoir découvrir. Il s’agissait du témoignage de la famille d’accueil dans laquelle Logan avait passé quelque mois. Elle dut relire plusieurs fois avant que les pièces du puzzle ne s’assemblent : « Je l’ai trouvé au fond du jardin, les mains couvertes de sang, le pantalon baissé. Devant lui se trouvait le cadavre d’un chat, découpé en morceau, les orbites vides. Le lendemain il avait fugué et nous ne l’avons jamais revu. ».

De retour dans sa voiture, elle tenta de reprendre sa respiration mais le choc était trop violent. Comment avait-il pu les berner ainsi ? Bien sûr, elle soupçonnait Chase de cacher quelques secrets mais elle était loin d’imaginer les horreurs qu’elle venait de lire. Elle regarda encore une fois le dossier négligemment posé sur le siège passager. La photo de Chase, alias Logan Milford, dépassait de la chemise. Le visage était le même, quoique les traits plus jeunes. En revanche, l’expression du garçon était totalement différente de l’attitude joviale du jeune policier qui était devenu son ami. Sur la photo, le regard était inexpressif, comme s’il s’agissait d’une coquille vide, d’un robot tentant vainement d’imiter une expression humaine.

Comme à son habitude elle débarqua à l’improviste chez David. Elle sonna mais aucune réponse. Son cœur commença à battre à lui en faire vibrer la cage thoracique. Ce n’était pas normal… David prenait toujours du temps à venir ouvrir mais elle avait un mauvais pressentiment. Elle regarda sa montre et décida de passer par derrière. Juste au cas où, pensa-t-elle. Juste au cas où ? Mais bon dieu, juste au cas où quoi ? Juste au cas où Chase aurait décidé de kidnapper David, de le torturer et le démembrer ? C’était ridicule… Les cibles du Marionnettiste étaient des femmes, pas du tout le profil de David. Malgré ces pensées rassurantes, la standardiste ne put s’empêcher de pousser discrètement le portail de bois qui donnait accès à l’arrière-cours. Elle stoppa sa respiration quand les gons grincèrent, attentive aux moindres mouvements suspects. La maison resta silencieuse, ainsi, pénétra-t-elle à pas de loup dans le jardin. Elle s’approcha de la terrasse et observa par la fenêtre. Personne. Elle aperçut toutefois une feuille au milieu du plan de travail, bien en évidence. Sans plus attendre, elle sortit le trousseau de clefs qui lui échappa des mains sous l’effet du stress. Mais calme toi bon sang ! Elle se pencha avec difficultés pour ramasser l’objet et réussit enfin à ouvrir la porte-fenêtre. L’odeur familière de tabac froid la gifla de plein fouet sans qu’elle s’en plaigne. Toujours sur ses gardes, elle fonça directement vers la page abandonnée.

« Chase a eu la bonne idée de m’emmener pêcher pour mon anniversaire. Ne t’inquiète pas, je serais de retour pour notre diner habituel demain. Je t’embrasse, David. »

Mathilda laissa tomber le mot avant de s’affaler sur le sol. David, Chase, ensemble, seuls… La tête lui tourna et des scénarii macabres défilèrent devant ses yeux pleins de larmes. Elle n’arrivait plus à trouver d’éléments rassurants dans cette histoire et se laissa abattre par le désespoir de ne jamais revoir son Sherif. Elle resta ainsi, à même le carrelage pendant de longues minutes, le cerveau incapable d’imaginer un plan d’attaque. Quand elle se rendit compte que ce n’était pas en s’apitoyant sur son sort qu’elle sauverait David, elle se releva d’un bon, essuya le mascara sur ses joues et courut lourdement jusqu’à son véhicule. Elle savait quoi faire. Elle alluma le contact, faisant toussoter son moteur. D’un coup d’accélérateur, elle quitta le lotissement en trombe, laissant derrière elle de larges traces de noires sur la chaussée. Le bolide rose bonbon roulait bien au deçà des limitations de vitesse, mais elle n’en avait cure. L’idée d’arriver trop tard lui tordait les boyaux et elle mit le pied au plancher, grillant un feu rouge au passage. Elle ne fit guerre attention aux coups de klaxons et continua sa route. Elle avait encore un long chemin à faire et elle espérait ne pas s’être tromper. Elle s’engagea sur l’autoroute dans un crissement de pneus, à côté d’elle, le dossier de Logan Milford ouvert sur la photo de la ferme en cendre, l’adresse de la bâtisse bien en évidence.

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