Episode 3

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Le Marionnettiste observait ses proies potentielles, une de ses parties préférées de la chasse. Il avait opté pour un supermarché et guettait les clientes sur le parking, espérant trouver la perle rare. Des blondes, des rousses, des grosses, des fines, aucune ne lui faisait envie. Il commençait à perdre patience. Après deux heures d’attente silencieuse, il repéra cette femme brune, d’une quarantaine d’année, poussant son caddy avec difficultés. Une montagne d’achat lui bloquait la vue et elle avait du mal à diriger son chariot. Une cible facile, il commençait à avoir l’habitude de détecter les faibles. Il détailla les traits de sa future victime et lui trouva une ressemblance grotesque avec ceux de sa mère. Il secoua la tête pour ôter cette vision déplacée et enfila son masque jovial.

« Bonjour, laissez moi vous aider. Vous n'allez pas pousser ça toute seule ! »

En une seule phrase, il avait déjà établi l’ordre de dominance. Il avait prit le chariot des mains et la cliente, surprise, fut contrainte d'accepter.

« C’est bien aimable de votre part, jeune homme. J’achète toujours trop de choses en oubliant que je dois pousser le chariot jusqu’à la voiture ! Haha, que je suis étourdie parfois…

- Pour vous dire la vérité, je fais pareil ! Les promotions de ce magasin sont juste irrésistibles…

- Vous aussi vous êtes de cet avis ? Incroyable ! Je viens ici tous les jeudis et à chaque fois c’est le même cirque… Pourtant ça me rend heureuse d’acheter toutes ces choses. J’ai hâte qu’octobre arrive pour refaire mon stock de décoration d’halloween ! »

Il continua cette conversation vide, notant les moindres petites informations que sa proie lui donnait sans même se méfier. Les humains étaient différents des animaux, il fallait les amadouer, les faire rire, les convaincre de votre inoffensivité. C'était un exercice difficile dans lequel il excellait. Il était passé maître dans l’art de mentir et de jouer la comédie, laissant ses victimes abaisser leur garde, inconscientes du danger. Pour preuve, cette femme en était déjà à lui raconter son quotidien, persuadée qu’il était comme elle. Les humains étaient pitoyables, fragile, répugnants, jamais il ne pourrait être comme eux. Il garda son sourire et après un dernier trait d’esprit prit congé. La chasse avait commencé. Il connaissait sa proie mais il avait encore d’autres choses à régler et l’une d’elles était de s’assurer que le Sherif Cosby soit prêt le moment venu.

***

Mathilda aimait rendre visite à David. Elle ne s’était jamais mariée, n’avait pas d’enfants ni de famille proche. En revanche, elle s’était prise d’affection pour ce jeune officier qui avait pris ses fonctions en même temps qu’elle, il y a des années de ça. Elle l’avait vu se faire sa place au poste de police avec son autorité et charisme naturel. Et ce fameux jour, c’était elle qui lui avait demandé de tenir son poste le temps d’une course. Lorsque le premier colis était arrivé, c’était David qui l’avait réceptionné, et, pris de court, il n’avait pas su appliquer la marche à suivre. Qui pouvait l’en blâmer, ce n’était pas son boulot ! Quand elle était revenue, son fauteuil était vide et elle s’apprêtait à passer un sacré savon à ce David Cosby. Mais avant qu’elle n’ait pu assouvir cette envie, elle apprit la nouvelle. Elle avait été dévastée. Elle adorait Lucie et elle aimait à penser que c’était réciproque, que ce gentil couple l’avait plus ou moins adoptée. Les larmes avaient coulé, laissant sur ses joues ridées des traces de maquillage bon marché. Elle avait ensuite conduit jusqu’à la maison des Cosby, pour y découvrir David, ivre, son Colt dans la main. Elle avait su qu’il était déterminé à mettre fin à ses jours, sans un regard en arrière, sans penser à elle.

Il n’avait pas fermé la porte d’entrée, ainsi ne s’était-il pas étonné de la voir débarquer comme à son habitude : dans un tourbillon de tissus bigarrés. Mais il n’avait pas eu le cœur à lui en faire la remarque. Il avait simplement pris le Colt et ouvert grand la bouche pour placer le canon entre ses lèvres. Mathilda lui avait alors sauté au cou, criant à plein poumons. La perte d'équilibre les avait fait tous les deux tomber au sol et l'arme avait glissé hors de portée. Puis, il étaient restés ainsi de longues minutes, à même le parquet, sans dire un mot. Seuls leurs sanglots résonnaient à l'unisson dans le silence opressant de la maison vide.

« Comment peux-tu être si égoïste David ! Ne m’abandonne pas, pas maintenant. »

Depuis ce jour, Mathilda passait quotidiennement voir David. Cela lui faisait du bien autant qu’à lui, même s’il ne lui avait jamais avoué. Elle avait été là à toutes les étapes infructueuses de l’enquête, était devenue peu à peu le seul pilier stable dans la vie du jeune officier devenu Sherif. Elle avait essayé de l’aider mais il voulait résoudre cette affaire seul. Ces meurtres, c'était une affaire personnelle. Il l'avait pourtant appelée pour lui demander de l’accompagner rencontrer les familles des victimes car il se sentait incapable de le faire seul.

Désormais, Mathilda connaissait les failles mais aussi les forces de son ami. Quand elle avait fait la connaissance de Chase, une lueur d'espoir s'était allumée dans son âme. Elle en était persuadée, le jeune homme ne serait pas simplement la nouvelle recrue, il deviendrait lui aussi un pilier important de la vie du Sherif.

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