Chapitre 8 (troisième partie)

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Mars 2007

Cette année-là, l'hiver s'étira loin au cœur du mois de mars. La douceur tardait à venir et il arrivait fréquemment à Mickaël et Sam de pester en pleine nuit quand ils rentraient, car il leur fallait gratter le givre déposé sur leur pare-brise.

Tout le monde attendait le printemps avec impatience, signe de renouveau, de plus longues journées et de douceur, même s'il s'accompagnait souvent de pluies abondantes. Il tardait à Maureen de pouvoir faire profiter du jardin au petit Killian, à Mummy de s'occuper de ses plantes et à toutes les deux de faire de grandes promenades, vers la montagne ou le long des rives du Loch Linnhe. Elles avaient bien envie de s'offrir quelques sorties de ce genre, à la journée.

Killian était un beau petit bébé, il tenait désormais bien assis, ne se déplaçait pas encore, tout juste commençait-il à ramper. Maureen l'allaitait toujours.

Le restaurant avait plutôt bien tourné durant l'hiver : la saison touristique avait été bonne, les amateurs de ski étaient venus assez nombreux. Quant aux habitants de Fort William et des alentours, ils appréciaient de sortir le week-end, même si les conditions météorologiques n'étaient pas très bonnes. En hiver, les gens aimaient se retrouver au pub ou au restaurant, sortir au cinéma, parfois plus qu'en été où ils profitaient des longues soirées pour être au grand air. Mickaël et Sam pouvaient donc afficher un optimisme prudent au vu de la fréquentation de leur établissement pour les premiers mois d'exploitation. Les comptes atteignaient l'équilibre et ils pouvaient espérer s'offrir un salaire pour les mois à venir, surtout si la saison touristique estivale marchait bien.

L'hiver était passé sans dommages pour Mummy. La présence de Mickaël et Maureen semblait l'avoir ragaillardie. Quant à Killian, il était son petit bonheur quotidien. Elle passait du temps à s'en occuper, à jouer avec lui. Elle passait aussi ses soirées et certains après-midis à tricoter. Killian ne manquait pas de petits pulls, ni même de chaussettes et de petits chaussons. Les pronostics quant à la couleur de ses yeux allaient bon train. Petit à petit, ils s'éclaircissaient. Secrètement, Maureen espérait que Killian aurait les yeux de Mickaël. Une petite discussion, un après-midi, avec Mummy la conforta dans cette envie.

Elles étaient toutes les deux installées dans le salon, Killian faisait sa sieste. Il dormait encore longtemps l'après-midi, pas loin de trois heures, et les deux femmes appréciaient ce moment de calme, juste pour elles deux. Souvent, Maureen faisait aussi une petite sieste, car ses nuits étaient encore écourtées : elle donnait une dernière tétée le soir vers 11h, et la première du matin arrivait souvent avant 7h. Et même si Mickaël était discret quand il rentrait, il arrivait souvent qu'elle se réveillât légèrement à ce moment-là. Puis, de temps en temps, quand il commença à faire de bonnes soirées, Mickaël dormit dans la chambre de sa sœur pour ne pas réveiller Maureen en rentrant et pour ne pas être réveillé par Killian trop tôt le matin.

Mummy tricotait et Maureen lisait. Du vent assez fort soufflait depuis trois jours, amenant de la pluie. La neige commençait à fondre enfin sur le versant ouest du Ben Nevis, mais son sommet était encore bien blanc.

- Ca va finir par se lever, soupira Mummy en jetant un œil vers le dehors. Le vent va nous amener le soleil, aussi…

- Je me souviens que j'avais l'impression que le printemps mettait toujours beaucoup de temps à arriver, même à Dublin. Il faisait plus doux qu'ici, cependant, c'était long, dit Maureen.

- On va commencer à avoir de belles lumières, ajouta Mummy.

- Nous en avions eu de très belles quand nous étions venus la première fois vous voir.

- C'était plus tard dans la saison. Ah, ces lumières… Elles m'ont vraiment impressionnée, quand je suis arrivée ici. Elles soulignent tant les couleurs des paysages, dit la vieille dame d'un ton un peu rêveur.

- C'est vrai. Quand j'ai rencontré Mickaël, Mummy, vous savez, j'ai pensé qu'il avait bien les yeux de son pays… une couleur en harmonie avec les couleurs que je pouvais admirer, confia Maureen en souriant doucement.

Mummy sourit en retour :

- Quand j'ai fait la connaissance de Steven et que nous avons parlé un peu tous les deux, je lui ai demandé si tous les Ecossais avaient les yeux comme les siens. Cela l'avait beaucoup fait rire.

- Vous croyez que Killian aura les yeux de Mickaël ? demanda Maureen avec une pointe d'espérance.

- Il est encore un peu tôt pour le dire, mais ils ont tendance à changer. Il se pourrait bien qu'ils deviennent verts.

- J'aimerais bien, dit Maureen. Ainsi, tous les garçons de votre descendance auraient les yeux de votre mari.

- Ce serait un fameux hasard ! Ah, des fois, tu sais, les petites fées font de ces petites choses…

A cette remarque, Maureen rit franchement.

Quelques jours plus tard...

Mickaël et Sam fermèrent le restaurant quelques jours, dans le courant du mois de mars. C'était un peu le creux de la saison, les jours rallongeaient, les habitants sortaient moins en ville le soir, profitant de plus longues soirées pour s'activer au-dehors, préparer les jardins pour l'été à venir, s'occuper à quelques menus travaux en extérieur. Ils rouvrirent cependant dès le vendredi, pour le week-end, mais ces quelques jours leur permirent de souffler et de refaire les stocks. Mickaël profita également d'un après-midi pour retourner voir Meg, reprendre deux cartons de bouteilles de whisky. Il croisa Al avec plaisir et ils discutèrent un moment. Le vieux monsieur était bien content d'avoir ainsi quelques nouvelles de Mummy et de Maureen. Ce jour-là, Mickaël fit aussi le point en détails avec Maureen concernant le budget, les commandes à passer. Les comptes étaient positifs, avec un léger bénéfice, auquel il ne s'était pas attendu si tôt, car la période n'était pas forcément très favorable : il avait imaginé réaliser leurs premiers bénéfices seulement durant l'été à venir. Il devait bien reconnaître aussi que Sam et lui avaient bien géré les choses, en simplifiant la carte en semaine, ce qui leur limitait les pertes. Les surplus n'étaient pas jetés, car l'un et l'autre ramenaient de temps en temps des restes à la maison.

Au cours de cette semaine, les deux jeunes hommes s'offrirent aussi une soirée un rien mouvementée. Ils estimaient avoir à fêter plusieurs choses : d'abord, des débuts réussis pour leur installation, ensuite, la naissance de Killian qui avait quand même fêté ses cinq mois peu auparavant et, enfin, la venue des jumeaux chez Sam. A l'air un rien malicieux de Mickaël, Maureen comprit que ce soir-là, elle n'allait pas revoir son homme de si tôt. Après le dîner qu'il avait apprécié de prendre avec sa grand-mère et sa compagne, il descendit en ville rejoindre Sam dans un pub où ils avaient leurs habitudes. Prudent, il laissa sa voiture devant chez Jenn. Un coin de canapé lui irait très bien pour finir la nuit, avant d'être capable de retourner chez lui.

Sam l'attendait au pub, avec une pinte de bière devant lui. Mickaël passa sa commande et rejoignit son ami qui l'apostropha d'emblée :

- Alors, elles t'ont laissé partir ? Je me demandais si Mummy n'allait pas te sermonner tant et plus que tu n'allais pas oser venir.

- T'inquiète. J'ai fait le bon fils bien sérieux, j'ai couché mon loulou et j'ai filé. Ca va ? demanda Mickaël en lui rendant un regard complice.

- Ouaip. T'as vu Meg, alors ? fit son ami avec intérêt.

- Meg et Al, oui, hier après-midi. Et on a fait les comptes avec Maureen. On est bon, pour l'heure, annonça Mickaël avec le sourire.

- Cool. Du bénéf' ?

- Petit, oui. Donc si tu as besoin...

- Ca va, dit Sam. On n'a pas encore trop de dépenses... pas de loyer, peu de courses à faire... faudra juste prévoir tout en double pour la descendance.

Mickaël prit son verre et dit :

- Bon, alors, on trinque à quoi pour commencer ? Le resto ? Ta descendance justement ? Ou la mienne ?

- Le resto. Les mioches, on va les arroser au whisky, je pense qu'ils mériteront bien cela... fit le grand jeune homme maigre en prenant son verre.

- Ca marche.

Tous deux levèrent leurs verres et trinquèrent, avant d'en avaler une grande lampée.

Dans le pub, des musiciens s'étaient installés un peu avant que Sam n'arrive et jouaient. Très vite, l'ambiance monta, les verres s'enchaînèrent. Quelques connaissances vinrent les saluer, dont deux amis qu'ils appréciaient toujours de retrouver quand, enfants, ils venaient passer leurs vacances d'été à Fort William. Mickaël paya sa tournée, Sam ne voulut pas être en reste... et ce fut déjà bien gais qu'ils quittèrent le pub et se dirigèrent à pied jusque chez John.

En y arrivant, Mickaël ouvrit sa voiture pour y prendre quelque chose et Sam lança un joyeux sifflement en voyant la bouteille que tenait son ami :

- Hé hé... Je savais bien que tu n'allais pas revenir les mains vides de chez Meg...

- C'est du lourd, Sam. Un sacrément bon qu'elle m'a fait goûter. Elle a du talent. Al a trouvé avec elle une sacrée repreneuse... précisa Mickaël.

- Pas étonnant. Elle savait déjà nous rabattre le caquet, et pas qu'une fois, quand on y allait, rappela Sam.

- Tout à fait. Ca fait vraiment plaisir qu'elle prenne la suite.

- Yep. Je suis d'accord avec toi... On va peut-être bien lever not'verre aussi à sa santé...

Mickaël sourit et suivit son ami jusqu'au seuil de la maison de John, d'un pas un peu hésitant.

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