Chapitre 6 (1ère partie) : Et l'automne s'avance sur les Highlands

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Mardi 5 septembre 2006

- Et bien, je vous propose de lever nos verres à la réussite de ce nouvel établissement.

Quelques applaudissements retenus se firent entendre. Henry s'était levé et tenait à la main une coupe de champagne. Face à lui, debout, Mickaël souriait. Ses parents, Mummy, Maureen, John et Jenn, mais aussi sa grand-tante Mary, son grand-oncle Douglas, les parents de Sam ainsi que quelques autres personnes étaient présentes pour la soirée d'ouverture du restaurant. Tout était prêt, même s'il avait bien cru, jusqu'au dernier moment, que Sam et lui n'y arriveraient pas.

- Merci de votre aide à tous, et de votre confiance ! répondit-il à son père.

Sam et lui trinquèrent, avant de faire le tour des convives. Mickaël trinqua en dernier avec Maureen, Sam se tenait déjà près de Jenn. Le grand et maigre jeune homme prit alors la parole et dit :

- Hem... Je pense que tout le monde sera d'accord pour reconnaître que sans nos deux princesses, nous n'y serions pas arrivés. Cela fait des mois qu'elles n'entendent parler que de ce projet, de chantier, d'emprunts, de livraisons. Le pire, c'est qu'elles n'entendent même pas parler de cuisine ! Enfin, je crois que Maureen entend un peu parler d'autre chose, si vous voyez ce que je veux dire... En tout cas, ce n'est pas ce projet qui l'a empêchée de cultiver son arrondissement, bien au contraire... Alors, je lève mon verre pour elles deux, pour nous avoir supportés, soutenus et... compris.

Et il déposa un rapide baiser sur les lèvres de Jenn, alors que Mickaël resserrait son étreinte autour des épaules de Maureen.

- Merci pour tout, ma douce, lui murmura-t-il à l'oreille. Et pour y croire... encore plus que moi !

Elle sourit et lui rendit son regard, plein d'amour. Les convives applaudirent à nouveau, puis Mickaël reposa son verre et dit :

- Et maintenant, Sam, aux fourneaux !

Et ils retournèrent en cuisine, alors que chacun reprenait place et dégustait l'apéritif déjà servi par Shirley.

Durant tout l'après-midi, alors qu'ils préparaient la soirée, Mickaël s'était senti tendu. Sam ne valait guère mieux, mais une fois lancés, ils retrouvèrent rapidement leurs marques, leur coordination. Avant même que la soirée ne s'achève, l'un et l'autre savaient qu'ils avaient fait le bon choix, qu'ils étaient capables de tenir la distance. Certes, ils avaient bien calculé leur coup : le restaurant était plus petit que celui d'Harris, il offrait moins de couverts : c'était aussi à l'échelle de la ville, de la clientèle potentielle. De même pour la carte. En semaine, ils ne proposeraient que deux plats de viande ou de poisson, selon les arrivages. Pas la peine de perdre de la nourriture. Les vendredis et samedis, en revanche, la carte serait plus étoffée. Ils la feraient évoluer au fil des mois, selon les possibilités qui s'offriraient à eux, autant pour les approvisionnements qu'en fonction des goûts des clients.

Même s'ils étaient stressés l'un et l'autre par cette première soirée, ce premier service, Mickaël n'en avait pas oublié qui se trouvait dans la salle du restaurant, et en particulier Maureen. Il lui avait réservé une petite surprise pour son dessert. Elle n'avait pas varié : elle avait commandé Pomme Normande, le fameux dessert à la pomme et au caramel. Mais, cette fois, il le lui décora avec un bouton de rose rouge et un petit angelot semblable à celui qui avait orné, au printemps, le gâteau d'anniversaire de sa mère et qui avait permis à Ingrid d'apprendre qu'elle allait être grand-mère pour la deuxième fois.

Shirley eut un petit sourire en déposant l'assiette devant la jeune femme. Maureen eut du mal à contenir une larme d'émotion perlant à sa paupière. Même si elle s'était bien reposée et allongée une partie de la journée, la soirée lui paraissait un peu longue. Il était temps, elle le savait, qu'elle s'allonge à nouveau. Ingrid veillait à ce que le repas se déroule normalement, sans traîner pour autant. Ils seraient parmi les premiers clients à partir, pour permettre à la jeune femme de se reposer.

- Ca va, Maureen ? demanda doucement Ingrid.

- Oui... voulut-elle répondre, mais elle bafouilla. Excusez-moi.

Mummy fronça un peu les sourcils, elle venait de remarquer l'ombre sombre sous les yeux de la jeune femme. Elle se tourna vers Henry.

- Nous ne traînerons pas, Henry. Tu pourras prendre un petit whisky à la maison, si tu veux.

Le père de Mickaël hocha la tête. Il avait compris. Il adressa un signe discret à Shirley pour lui demander l'addition et précisa :

- Vous mettrez sur ma note les bouteilles de champagne de l'apéritif de tous les convives, Miss.

- Bien, Monsieur, répondit-elle avec un léger étonnement dans la voix.

Henry savait que son fils lui en ferait la réprimande le lendemain, mais il tenait ainsi à apporter un petit soutien supplémentaire pour cette première soirée. A la table voisine, Mary et son époux, Douglas, avaient entendu la remarque d'Henry, et Mary voulut protester.

- Tttt, Mary, ne dites rien, fit Henry. C'est pour nous. C'est bien le moins que je puisse faire ce soir !

Jenn qui n'avait pas entendu la première remarque, tourna la tête vers Henry et devina bien vite ce qu'il en était. Elle dit :

- Ce soir, peut-être, Henry, mais tu étais habile avec le pinceau les autres jours !

- Ah, ne le dis pas trop fort, sinon Ingrid voudra que je repeigne toutes les pièces de la maison d'ici l'été prochain !

Cela fit rire les deux tablées. Puis Henry, Mummy, Ingrid et Maureen prirent congé. Mary tapota la main de la future maman et lui dit :

- Prends soin de toi, ma petite, les dernières semaines paraissent toujours si longues... et fatigantes. Après, c'est une autre fatigue... mais que du bonheur aussi ! Nous passerons vous voir quand Ingrid et Henry seront repartis à Glasgow, si tu te sens bien, bien entendu.

- Merci. Je vous souhaite une bonne fin de soirée. C'est très gentil à vous d'être venus ce soir, pour Mickaël et Sam.

- Ils le méritaient bien ! Et nous avons très bien dîné. Il n'y a pas à dire, ils sont doués tous les deux et Mado a raison de vanter les mérites de Mickaël pour cuisiner le poisson.

Maureen et Mummy sourirent à la remarque.

**

Dans son sommeil, Maureen sentit deux bras l'enlacer et elle vint se blottir contre Mickaël. Il lui murmura à l'oreille :

- Merci pour ce soir, ma douce. J'étais si heureux que tu aies pu venir ! J'espère que tu n'as pas trop fatigué, à rester longtemps assise. Nous avons fait au plus vite pour le service de votre table.

Elle lui répondit, dans un demi-sommeil :

- Ca va... J'aurais été triste de manquer l'ouverture ! Ca a été pour vous, après ?

- Oui. On va mettre quelques jours à se roder, mais ça va le faire. Le plus dur, ce sont tous les à-côtés, la vaisselle, le ménage... Chez Harris, nous étions nombreux pour le faire, là... nous ne sommes que trois. Allez, rendors-toi. Demain, je pars tôt, encore. Mais je rentrerai demain midi.

Et il déposa un léger baiser sur son front, avant de la rejoindre dans le sommeil.

Vendredi 8 septembre 2006

Les journées suivantes furent comme un tourbillon pour Mickaël et Sam. Ils savaient tous les deux que ces premières étaient importantes : dans une petite ville comme la leur, un changement de propriétaire, l'ouverture d'un nouveau magasin - quelle que soit l'enseigne - se remarquaient vite. La curiosité jouait à plein et satisfaire les premiers clients était essentiel : le bouche à oreille allait fonctionner, ils allaient ainsi se faire connaître. Ils virent passer aussi les derniers touristes estivaux, attirés par les belles couleurs de l'automne et les journées encore douces de septembre. Même s'ils n'étaient plus très nombreux, Mickaël comprit aussi que leur emplacement, sur le port, était un avantage. La devanture, propre, attirait l'œil des badauds, des promeneurs qui arpentaient le quai. Sans omettre le nom du restaurant "Entre terre et mer" qui intriguait aussi le chaland.

C'était Jenn qui avait finalement trouvé le nom du restaurant. Il plaisait beaucoup à Mickaël car il évoquait autant la cuisine de la mer que celle qu'ils pouvaient proposer à partir de produits de la terre. Il rappelait aussi la situation particulière de Fort William, et était bien représentatif des Highlands, ces terres mêlées à l'eau, à la mer.

Pour les deux dernières soirées de la semaine, plusieurs réservations avaient déjà été prises. Quelques tablées accueilleraient des membres plus éloignés de la famille, mais aussi des inconnus, dont des habitants de Fort William curieux de découvrir ce nouvel établissement. Les deux jeunes gens ressentaient une certaine pression, ils s'y étaient préparés, mais il leur fallait quand même l'accepter et la supporter. Sam se fit plus volubile encore que d'habitude et Mickaël soigna particulièrement la présentation des plats. S'il n'avait plus à sa disposition les fleurs que Maureen lui mettait autrefois de côté, elle lui en préparait cependant chaque matin qu'elle cueillait dans le jardin encore bien coloré de Mummy. C'était sa façon à elle, modeste mais présente, de participer à l'aventure, en plus d'assurer la comptabilité qu'elle réalisait au quotidien.

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