Chapitre 5 (huitième partie)

6 minutes de lecture

Mardi 22 août 2006

Chère Tara,

Je t'écris en cette fin d'après-midi alors qu'Ingrid a emmené Léony à la plage. J'espère que tu vas bien, ainsi que Philip et Brendan. Granny a dû être très heureuse de vous voir ces derniers jours, j'attends ta prochaine lettre avec impatience pour avoir de ses nouvelles. Elle m'a réécrit une fois depuis mon arrivée à Fort William, mais je sais bien qu'elle n'entretiendra pas une correspondance soutenue, elle n'a jamais été très à l'aise pour nous écrire. Donne-moi donc de ses nouvelles dès que tu le pourras.

Les travaux du restaurant avancent bien. Tout le monde a aidé du mieux qu'il pouvait et les artisans sont en train de terminer l'aménagement de la cuisine et le carreleur de faire le sol de la salle. Mickaël et Sam avaient très vite décidé de faire remplacer l'ancien revêtement, très usé, par un carrelage. Ce sera aussi plus facile d'entretien. Celui qu'ils ont choisi est très joli. Il est dans des tons assez clairs, avec de grands carreaux. Et se mariera bien avec le jaune qui a été peint sur les murs par de nombreuses petites mains...

Avec Ingrid, nous avons fait une visite de chantier la semaine passée ; depuis, les choses ont encore changé. Je n'y vais pas tous les jours, tu t'en doutes... Je reste bien tranquillement avec Mummy. Nous passons du temps au jardin, profitons des beaux moments que nous offre cet été écossais. Son jardin est vraiment agréable et très fleuri. Et le potager donne bien. Il faut dire qu'elle avait prévu aussi et planté plus que les années précédentes, m'a dit Mickaël.

Je profite donc de bons moments et le bébé aussi. Je suis vraiment bien ronde désormais... Et je fais rire un peu tout le monde avec ma démarche en canard. Tu aurais certainement bien ri toi aussi à voir l'autre jour, Léony essayer de m'imiter... Du coup, Sam s'y est mis aussi, puis Jimmy et même Véra. Il paraît que c'était elle qui m'imitait le mieux, d'après Mummy, mais il faut dire qu'elle avait connu cela aussi...

Aujourd'hui, le temps est plus changeant, avec un petit vent frais qui nous descend de la vallée du Great Glenn. C'est aussi pour cela que j'ai préféré ne pas me rendre à la plage et en profiter pour t'écrire.

Je vous embrasse bien fort tous les trois.

Maureen

Vendredi 25 août 2006

Il y eut d'autres petits aléas sur le chantier, mais rien qui en retarda le déroulement. Une fois le mur abattu, puis remonté, la nouvelle porte en place, l'électricien passa deux jours dans la cuisine. Un menuisier vint ensuite compléter la décoration. Pour l'extérieur, Mickaël avait jugé plus sage de faire appel à un peintre en bâtiment. Une fois poncé et lavé, le mur se révéla plutôt joli et ils limitèrent la peinture à quelques touches soulignant les joints des briques, ainsi que l'entourage des fenêtres et la porte. Ces dernières furent changées. La livraison du mobilier allait suivre, et même si Jimmy et Véra étaient rentrés sur Glasgow le dimanche précédent pour y reprendre le travail, l'aide d'Henry et des parents de Sam ne fut pas négligeable. Et John, le père de Jenn, n'avait pas été le dernier à donner le coup de main. Il était assez costaud et porter quelques charges ne lui avait pas fait peur.

Maureen revint voir le chantier une fois que les peintures furent terminées, puis, ensuite, seulement quand le mobilier fut disposé. Elle découvrit alors la nouvelle salle de restaurant, plus lumineuse que l'ancienne. Lors de cette visite, Mummy les avait accompagnées. Elle aussi voulait voir ce que cela donnait et maintenant qu'elle n'avait plus à s'occuper de Léony, la vieille dame était bien contente de pouvoir mettre son petit grain de sel dans ce qui occupait tant son petit-fils depuis plusieurs semaines. Elle les félicita tous des travaux, trouva la salle très agréable, avec une touche de sobriété qui n'était pas sans rappeler celle du restaurant d'Harris.

Quand elles arrivèrent, Mickaël et Sam discutaient avec une jeune femme brune, au teint pâle, aux grands yeux bleus. C'était Shirley, la future serveuse. Ils lui avaient demandé de venir, pour avoir son avis sur la disposition des tables. Après tout, ce serait elle qui aurait à circuler dans la salle, autant qu'elle s'y sente à l'aise. Le menuisier avait également terminé le bar, qui formait comme un petit comptoir. Les bouteilles d'alcool fort seraient rangées sur des étagères placées contre le mur de la cuisine, la caisse et l'agenda des réservations se trouveraient là aussi.

- Et bien, c'est très bien, tout ça, dit Mummy en jetant un regard circulaire autour d'elle.

- Cela te plaît, Mummy ? demanda Sam.

- Ah oui, c'est bien. Et la cuisine ?

- Je te fais visiter, dit Mickaël.

Et il les précéda vers l'arrière. La porte à battant n'avait pas encore été installée entre la salle et la cuisine. Les lieux n'avaient plus rien à voir avec ce que Maureen avait découvert dix jours plus tôt.

- Voilà... Il nous reste à ranger la vaisselle. On était en train de le faire, quand Shirley est arrivée. Et d'ici mardi, on recevra les livraisons du non-périssable. Ca promet encore une bonne journée de rangement, expliqua Mickaël.

- Et le vin ? demanda Maureen.

- On a reçu les premiers cartons ce matin, ceux de Loire, précisa-t-il en regardant sa grand-mère avec malice. Le champagne aussi est arrivé. J'ai des factures, d'ailleurs, à te donner... Demain, je dois passer au port dans la matinée, revoir les deux pêcheurs qui sont prêts à travailler avec nous. Et dimanche, j'irai voir Meg... Elle devait me préparer deux cartons de whiskys.

- Deux ? demanda Mummy.

- Oui, répondit Mickaël avec assurance. Il en faut pour la salle, et il m'en faut pour cuisiner. Pour le homard flambé, notamment.

- Tu ne le feras pas à l'Armoricaine ? s'étonna sa grand-mère.

- Si, mais je varierai. L'Armoricaine, ce sera plutôt à la belle saison, quand on aura des bonnes tomates. Il faut aussi que je me débrouille avec un maraîcher pour récupérer des oignons rosés...

Maureen hocha la tête. Elle savait qu'à côté des travaux, Mickaël avait aussi le souci de la matière première, car c'était sur lui que reposait le choix des produits. Il y était habitué, chez Harris, mais uniquement pour les produits frais, viandes, poissons, fruits et légumes. Elle se rappelait très bien de la soirée du dimanche précédent, autour de la table, dans la cuisine de Mummy. Sam et Mickaël étaient assis face à face, elle, Ingrid et Mummy de côté. Ils étaient en train de dresser une liste impressionnante d'ingrédients à acheter. Jenn et Ingrid s'étaient proposées pour s'en occuper, mais Mickaël voulait aussi choisir certaines choses lui-même.

Chaque jour ou presque, Maureen faisait les comptes. Pour l'heure, elle voyait fondre la réserve d'argent qu'ils avaient, entre économies et emprunts à la banque. Elle avait été soulagée quand les dernières factures des artisans avaient été honorées. Il ne restait plus que le solde du menuisier à verser, une fois qu'il aurait terminé la porte de service. Elle avait aussi payé les factures pour le mobilier, la vaisselle. Il restait assez pour une première série de courses, mais elle espérait que les viticulteurs français pourraient attendre une semaine après l'ouverture du restaurant pour être réglés. Mickaël la rassurait : les dépenses étaient certes importantes et, pour l'heure, l'argent ne rentrait pas. Mais il espérait bien terminer l'année, soit quatre mois d'ouverture, en équilibre des comptes. Quitte à ne pas dégager encore de salaire pour Sam et lui-même. Ils pouvaient, l'un comme l'autre (et Sam avec l'aide de Jenn) tenir avec les indemnités versées par Harris, et ce, durant quelques mois. Cela leur donnait un peu de marge.

- Il faudra que tu passes voir John, aussi, dit Mummy tirant ainsi Maureen de ses réflexions. Pour que tu choisisses les deux premières bêtes.

- Oui. J'irai... demain... non, après-demain. Pas au-delà, le temps de les faire abattre.

Si s'occuper des approvisionnements prenait beaucoup de temps, Maureen se rendait compte que Mickaël avait bien organisé les choses : il tirait parti de son expérience et de ses connaissances, notamment pour le vin (il se fournissait chez les mêmes viticulteurs qu'Harris et pour cause, c'étaient lui et Timothy qui les avaient contactés), mais aussi pour les produits locaux : pourquoi demander à un autre éleveur de moutons que le neveu de Mummy ? La viande était excellente et cela simplifiait bien les choses. De même pour une partie des légumes, produits par l'un des fils de John qui venait de s'installer sur quelques hectares de terre. Sven avait le même âge que Mickaël et était enchanté de faire affaire avec lui. Trouver des débouchés réguliers pour ses produits faisait aussi partie des défis du tout jeune agriculteur.

Pendant que Mickaël montrait la cuisine à Maureen et à sa grand-mère, Sam avait vu les derniers détails avec Shirley. La jeune femme viendrait dès le vendredi suivant, veille de l'ouverture, pour les derniers préparatifs. Le compte à rebours était maintenant enclenché.

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