Chapitre 5 (septième partie)

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Mercredi 16 août 2006

Ce mercredi, le temps étant couvert, Ingrid ne put emmener Léony à la plage. Mummy proposa de la garder et Ingrid conduisit Maureen en ville, pour acheter quelques affaires pour le bébé. Elles avaient dressé l'inventaire de ce que Véra avait apporté, ainsi que de la layette donnée par une voisine d'Ingrid. Maureen allait pouvoir compléter le trousseau du bébé. Ingrid l'emmena dans une petite boutique spécialisée qui était tenue par une des petites-filles de Mary, une des jeunes sœurs de Steven et belle-sœur de Mummy. Jane était enchantée de revoir Ingrid et de faire la connaissance de Maureen.

- Ainsi, Mickaël revient à Fort William ? Définitivement ? demanda la jeune femme en les accompagnant dans le magasin.

- Hé oui ! dit Ingrid. Ce n'est pas surprenant... Ce qui l'est plus, c'est que cela arrive maintenant !

- Ma grand-mère me l'a raconté. Il a une belle opportunité, avec le restaurant sur le port. Et je suis certaine qu'on y mangera mieux qu'avant ! dit la jeune femme avec enthousiasme.

- Ce n'était pas si mal... fit remarquer Ingrid.

- Ces derniers temps, ça avait quand même baissé. Disons que le vieux Ron ne se fatiguait plus beaucoup pour faire original. Ca tournait tranquille, ça lui suffisait. Mais bon, quand on n'a pas beaucoup de choix dans les alentours, manger toujours la même chose quand on sortait... soupira-t-elle.

- Je pense, en toute modestie car je parle quand même de mon fils, qu'en effet, sur ce plan-là, ça va changer, sourit Ingrid.

- Et c'est tant mieux. Micky ne devrait avoir aucun mal à se faire une clientèle. Mais rassure-moi, Ingrid, il refait la déco au moins ?

- Oui, Jane ! rit Ingrid. Il ne change pas que la carte... Ils sont en plein dans les travaux, d'ailleurs. Nous y passerons tout à l'heure, pour leur faire un petit coucou, que Maureen puisse voir un peu l'avancée du chantier. Et moi aussi, par la même occasion !

- Tu ne vas pas aider ? demanda la jeune femme.

- Sauf si, un jour, ils avaient besoin, mais non. Ce n'est pas prévu. Du moins, je n'aide pas sur le chantier lui-même. J'aide ma mère à la cuisine... car il y a de sacrés estomacs à contenter, le soir !

Maureen écoutait avec plaisir la discussion, souriant d'entendre l'enthousiasme d'Ingrid. Elle s'était spontanément sentie à l'aise avec Jane. Elle savait, car Mummy le lui avait raconté, combien la vieille dame avait été proche de ses deux belles-sœurs, Mary et Kathleen. Toutes deux étaient encore vivantes et elle avait déjà fait connaissance avec la grand-mère de Jane, Mary, qui était aussi celle de Jenn. Kathleen, elle, vivait toujours à Edimbourg. Elle venait rarement maintenant, à Fort William, ne s'était déplacée que pour l'enterrement d'Helen.

Elles poursuivirent leur choix, en discutant tranquillement. Elles repartirent avec un bon petit paquet de vêtements de premier âge, Jane assurant Maureen qu'elle reprendrait ceux qui ne seraient pas portés, si jamais ils étaient trop petits. Elle lui avait dit, tout en la conseillant :

- Tu vas faire un beau bébé. Il ne sera pas maigrichon. Si ça se trouve, il ne portera même pas du premier âge ! Mais il vaut mieux prévoir... En cas de besoin, je pourrai toujours t'en apporter à l'hôpital.

- Merci, c'est très gentil, répondit Maureen en souriant.

- Ah, c'est un plaisir de voir la famille s'agrandir ! fit Jane avec simplicité.

- C'est pourtant déjà une grande famille, mais j'avoue que je m'y perds un peu... dit Maureen. Enfin, maintenant que je commence à rencontrer les personnes, c'est plus facile aussi.

- C'est certain ! Mes arrières-grands-parents ont quand même eu 5 enfants ! Ca fait une belle descendance...

- Nous sommes la branche la plus petite, dit Ingrid avec douceur. Ma mère n'a que deux arrière- petits-enfants, alors que chez ta grand-mère, on a déjà du mal à les compter !

- C'est vrai ! rit Jane. Des fois, j'imagine mémé Fine revenant parmi nous...

- Elle serait certainement très heureuse de faire connaissance avec tout ce monde ! dit Ingrid en songeant avec tendresse à sa grand-mère.

- Tu as connu ton arrière-grand-mère, Jane ? demanda Maureen.

- Un peu, oui. J'ai juste un an de plus que Mickaël ! Avec grand-mère, nous allions souvent la voir chez tantine et oncle Steven.

- C'est mignon comment tu appelles Mummy.

- C'est elle qui l'avait suggéré, je me souviens bien... Ca sonnait "français", en plus. Je crois qu'elle aime bien qu'on l'appelle comme ça, fit Jane.

- Je crois aussi, sourit Ingrid.

- J'essayerai de passer la saluer avant ton accouchement, Maureen, ajouta Jane. Mais peut-être en septembre seulement, quand ce sera plus calme, là-haut.

Maureen comprit qu'elle faisait allusion à toute la famille rassemblée chez Mummy en cette période estivale.

- Elle sera enchantée de la visite, Jane, intervint Ingrid. Mais préviens-la avant...

- Oui, qu'elle puisse me faire une tarte aux pommes ! Sinon, elle serait terriblement déçue que je passe à l'improviste ! rit la jeune femme.

- C'est exactement cela, dit Ingrid. Bon, nous n'allons pas trop nous attarder, Jane. Merci de ton aide et de tes conseils. Mais il ne faut pas que Maureen reste debout trop longtemps et si nous voulons passer voir le chantier...

- Pas de soucis, c'est moi qui vous remercie de la visite.

- Embrasse tes deux petits et ton homme pour nous.

- Je n'y manquerai pas !

Maureen la salua et la remercia également, puis elle suivit Ingrid jusqu'à la voiture, garée un peu plus bas dans la rue.

- Jane a déjà deux enfants ? demanda-t-elle en chemin.

- Oui. C'est pour cela aussi que du côté de ma tante, Mary, la descendance est déjà nombreuse... expliqua Ingrid. Tous les petits-enfants ont un conjoint ou une conjointe et presque tous ont au moins un enfant. Jane est une des plus jeunes.

- Hum, je comprends, répondit Maureen. Cela fait vraiment du monde, mais ça me rappelle un peu ma famille. Le jour où tous mes frères et sœurs auront eux aussi des enfants, cela fera une sacrée descendance à mes parents.

- Tu as informé tes parents de ta grossesse, Maureen ? demanda doucement Ingrid en prenant place au volant.

Elle n'avait pas encore osé poser la question à la jeune femme, et quand elle l'avait demandé à Mickaël, celui-ci avait simplement répondu que oui, mais qu'elle n'avait pas reçu de réponse. Lui-même avait rappelé brièvement Kenneth, comme il s'y était engagé, pour lui faire savoir que Maureen avait écrit à leurs parents.

- Oui, dit-elle avant de poursuivre d'un ton un peu sombre. Je leur ai donné mon adresse, aussi, ici. Mais je n'ai eu aucune nouvelle. Je sais que mon frère essaye de parler avec eux, de leur faire comprendre mes choix, mais...

- Je ne voulais pas te causer de tristesse en te posant cette question, Maureen, dit Ingrid avec douceur.

- Je sais. Ce n'est pas grave. C'est bête, c'est tout. Même s'ils sont encore en colère après moi, j'avais pensé qu'ils seraient heureux d'apprendre que j'allais avoir un bébé, que j'avais refait ma vie et que j'étais heureuse. Pour l'heure, j'ignore ce qu'ils en pensent réellement.

Ingrid hocha la tête et n'ajouta rien. Elle ne fut pas mécontente d'arriver rapidement devant le restaurant, afin de changer les idées de la future jeune maman.

**

Deux camionnettes d'artisans étaient garées devant le restaurant. Avant d'entrer, elles virent déjà deux ouvriers aller et venir. Elles s'approchèrent avec prudence. L'extérieur n'avait pas encore changé, le peintre interviendrait en dernier. A l'intérieur de la grande salle, un électricien s'activait. Le plombier avait presque terminé de refaire les sanitaires.

Véra, toute ébouriffée, sortait de la cuisine alors qu'elles arrivaient. Elle s'exclama :

- Ah, maman ! Maureen ! Vous venez nous aider ?

- Non, juste faire l'inspection ! répondit sa mère. On voulait voir où vous en étiez...

- On avance, répondit sa fille. Mais Sam et Micky sont en train de se disputer sur la place du frigo... L'électricien est en train de s'arracher les cheveux avec les exigences de Micky...

- A ce point ?

- Presque. Parce qu'il est déjà chauve.

Maureen et Ingrid éclatèrent de rire et suivirent Véra jusqu'à la cuisine. Adossé contre un mur, Jimmy buvait une bière, visiblement bien méritée, car son front dégoulinait de sueur. Henry écoutait avec attention son fils, Sam et un monsieur d'une bonne cinquantaine d'années, en tenue de travail.

- Vous le voulez, là, le frigo ? demandait l'artisan.

- Oui, répondit Mickaël.

- Non, dit Sam. Je te dis que ce sera plus pratique sur le mur, à la place de Jimmy. D'ailleurs, regarde, il simule déjà très bien le frigo avec sa bière. Donne m'en donc une, d'ailleurs, s'il te plaît, j'ai soif !

- Seulement quand on aura pris une décision, Sam. Je te dis que c'est mieux là... le coupa Mickaël.

L'électricien attendait, stoïque. On entendit alors un long soupir et toutes les têtes se tournèrent vers la porte pour assister à l'entrée d'Ingrid et de Maureen. Le visage de Mickaël s'éclaira aussitôt d'un grand sourire et son regard se fit plus doux en voyant sa compagne.

- Bonjour à tous, bonjour, Monsieur, dit Ingrid en tendant la main vers l'électricien.

Elle ressentit une certaine compassion pour lui, se disant qu'il était peut-être bon qu'elles arrivent pour démêler la situation. Se battre pour un réfrigérateur n'en valait vraiment pas la peine.

- Bonjour, Madame. Miss... ajouta-t-il en saluant Maureen à son tour.

- Quel est le problème ? demanda Ingrid en jetant un regard à son mari.

- Micky veut mettre le frigo là, et moi, là, dit Sam en poussant un soupir exaspéré. Je dis qu'il prendra moins de place dans le coin, là où est Jimmy.

- Et moi je te dis que ce sera galère pour ouvrir la porte. Elle va taper contre le mur, on n'aura pas d'amplitude pour le charger ou pour en sortir les affaires, répondit Mickaël avançant ses arguments avec force. Il faut le décaler.

- Hum...

Ingrid réfléchissait. Elle devinait qu'Henry avait déjà tenté de discuter des plans avec les deux jeunes gens.

- Elle est trop petite, la cuisine, Micky, soupira Sam en allant s'appuyer contre le mur à côté de Jimmy et en attrapant la bière du jeune homme pour en boire une gorgée sous le regard ahuri de ce dernier. Désolé, j'avais soif, ajouta-t-il avec un clin d'œil.

Maureen observait les lieux. Mickaël s'approcha d'elle et lui passa un doigt sur la joue, demandant doucement :

- Ca va ?

- Oui, oui. On a fait des emplettes et on voulait voir où vous en étiez, répondit-elle avec un sourire.

- On coince, grimaça-t-il.

- J'avais compris, sourit Maureen. On peut voir les plans ?

L'électricien lui tendit une grande feuille de papier, accrochant son regard, et Maureen lui sourit avec confiance. L'homme sembla retrouver un peu d'optimisme. Ingrid prit un des côtés de la feuille, Mickaël, l'autre, bras tendus, et tous les trois purent regarder plus précisément le projet d'aménagement de la cuisine.

- Là... c'est tout le plan de travail, n'est-ce pas ? demanda Maureen qui connaissait bien la réponse mais voulait se faire préciser les choses.

- Oui, répondit Mickaël. L'évier est dans le fond. Pas forcément le plus pratique, mais c'était le plus simple par rapport aux raccordements. On a juste un peu de marge pour le déplacer légèrement vers la droite.

- Ok. L'îlot central, absolument nécessaire ? demanda-t-elle encore.

- Oui. Pour la cuisson, précisa-t-il. Sécurité oblige, et on est plus à l'aise pour passer du poste de cuisson au poste de préparation. Non, ce qui coince vraiment, c'est ce foutu frigo. On va quand même pas le mettre en plein milieu de tout !

- Si on résume bien les choses, intervint Ingrid, s'il est contre le mur, ça coince pour l'ouvrir, s'il est trop au milieu, il prendra trop de place par rapport au plan de travail, c'est ça ?

- Oui, maman, c'est ça. Et je connais mon Sam, il a beau dire que le frigo sera mieux dans le coin, dès qu'il voudra ouvrir la porte, elle cognera contre le mur et ça l'énervera. Je n'ai pas besoin qu'il s'énerve à propos d'une porte, il aura suffisamment de raisons de s'énerver après autre chose... sourit Mickaël en regardant son ami d'un air taquin.

Pour toute réponse, Sam se pencha vers la glacière et prit résolument une bière. Si les femmes commençaient à s'en mêler, la discussion allait durer encore plus longtemps. Et sa soif deviendrait insupportable.

- Et si vous le mettiez dans l'autre sens ? demanda Maureen.

- Comment ça, dans l'autre sens, Princesse ? fit Sam d'un ton intéressé.

- Et bien... au lieu que la porte soit face à nous, là, si elle était de côté ? expliqua la jeune femme.

- Y'a la porte du cellier qui va coincer... dit Sam.

- Si vous inversiez la porte du cellier et le frigo ? suggéra Ingrid. Le frigo serait au milieu, il ne gênerait pas. Vous pourriez l'ouvrir facilement. Et la porte du cellier, ma foi... Vous pourriez même y gagner de la place, à l'arrière, en faisant un pan de mur plus large.

- C'est ce que j'avais soumis, intervint Henry qui n'avait pas encore dit le moindre mot.

- Ca fait de la démolition. Deux jours de chantier de plus, maman, répondit Mickaël.

- Et alors ? Vous avez pris tant de retard que ça ? demanda Ingrid.

- Pas du tout, répondit l'électricien. Pour l'heure, nous sommes dans les temps. Ce n'est pas très long de casser un pan de mur, une demi-journée tout au plus, avec l'évacuation des gravats. En plus, vous avez de la main d'œuvre.

- Oui, mais ça veut dire qu'il faut trouver un maçon pour remonter un pan de mur, soupira Mickaël.

- Je peux le faire, dit Jimmy. Faut juste qu'on achète du ciment et quelques parpaings. Et une porte. Mais c'est jouable sur deux jours.

- C'est sûr que ce serait pratique pour le cellier, renchérit Sam. Une porte en plein milieu, ça peut gêner pour ranger les stocks. On a deux grands murs pleins, là, ça en ferait un troisième d'une bonne largeur... C'est pas con, comme idée.

- Merci de me faire remarquer que mes idées ne sont pas toutes stupides, Sam, dit Henry en repoussant un peu ses lunettes sur son nez.

Un petit sourire s'affichait sur ses lèvres.

- Je veux surtout pas déprécier les idées de la Princesse et de la môman, dit Sam.

- Et bien, on va faire comme ça, alors, soupira Mickaël. Si Jimmy se sent de faire le maçon...

- C'est dans mes cordes. J'en ai fait chez mes parents. Bon, c'était une chape et pas un mur, mais ça le fera, répondit ce dernier en terminant sa bière.

- T'as intérêt à ce que ce soit solide, dit Sam. Si dès qu'on plante un clou pour poser une étagère, ça s'effondre...

- Tu mets en doute les capacités de Jimmy ? demanda Véra d'un ton exaspéré.

Ingrid devina que la discussion avait dû faire bouillir sa fille, habituée à être efficace et détestant perdre du temps en palabres inutiles.

- J'oserais pas ! D'ailleurs, pour aucune de ses capacités ! s'écria le grand jeune homme maigre.

- Sam ! fit Véra en roulant des yeux.

- Quoi ? fit-il en écartant les bras.

Mais la plaisanterie détendit l'atmosphère. L'électricien était visiblement soulagé. A ce moment, Maureen demanda :

- Où est Jenn ?

- Partie au ravitaillement, dit Sam. Elle ne devrait pas tarder.

- Elle a fait la seule chose intelligente : vous abandonner, répondit Véra. J'aurais dû aller avec elle.

Maureen sourit. Mickaël lui passa la main dans le dos, elle s'appuya aussitôt un peu contre lui. Ingrid avait remarqué le geste et dit :

- On va vous laisser. Mummy et Léony nous attendent pour le goûter.

- J'irai bien avec vous, moi, dit Sam. D'autant que Jenn tarde vraiment à ramener de quoi...

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