Chapitre 4 (dixième partie)

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Mercredi 12 juillet 2006

Dès le lendemain qui suivit le départ de Mickaël, Maureen et Mummy reprirent le train de vie qu'elles avaient déjà instauré depuis que la jeune femme résidait désormais à Fort William. Pour ce jour d'anniversaire de Maureen, Mummy avait préparé un petit repas amélioré. Même s'ils avaient fêté son vingt-cinquième anniversaire avec Mickaël deux jours plus tôt, la vieille dame entendait quand même marquer l'événement. Elles n'étaient que toutes les deux et l'attention de Mummy toucha beaucoup Maureen.

L'après-midi, après sa sieste, comme il n'était pas prévu qu'elles reçoivent de visites, Maureen s'installa pour lire au jardin pendant que Mummy faisait du tricot. Elle avait repris ses aiguilles et préparait de la layette. Maureen avait été très émue en la voyant réaliser une première paire de petits chaussons pour le bébé.

- T'avais-je raconté que j'avais tricoté des chaussettes pour mon Steven pendant l'hiver 44 ? commença Mummy sans lever les yeux de ses aiguilles.

- Non... Non, Mummy, dit Maureen en abandonnant son livre un instant. Vous m'aviez dit qu'il était reparti faire la campagne de Belgique, mais pas que vous lui aviez tricoté des chaussettes !

- J'avais tellement peur qu'il ait froid ! expliqua la vieille dame. Il avait beau m'écrire qu'il était habitué à l'hiver rigoureux des Highlands, qu'il lui était arrivé de cavaler dans la neige après un mouton qui s'était échappé, j'avais quand même peur qu'il ne revienne avec des pieds gelés...

- Vous pouviez lui écrire facilement ? s'enquit la jeune femme avec intérêt.

- Oui, assez, répondit Mummy. Enfin, sauf en février... En février 45. Là, c'était dur. Je n'ai pas reçu de lettres pendant plusieurs semaines. J'avais très peur. J'en devenais inconsolable... Puis, enfin, une lettre est arrivée... Elle était le signe aussi que cette maudite guerre allait s'achever. J'ai gardé toute notre correspondance, et lui aussi. Cela prenait un peu de place dans ma valise, quand je suis partie de France, mais pour rien au monde, je n'aurais abandonné ces lettres derrière moi.

Maureen sourit doucement. Elle regrettait de ne pas avoir connu Steven de son vivant, mais elle pouvait bien l'imaginer, présent ici, s'occupant des moutons, parlant avec Mummy, lui faisant découvrir les Highlands avec un enthousiasme similaire à celui de Mickaël, comment il se comportait avec ses deux petits-enfants et sa fierté quand Mickaël était né.

- Vous aviez été courageuse d'entamer un tel voyage, après votre mariage ! dit encore Maureen qui aimait beaucoup écouter Mummy raconter les épisodes marquants de sa vie.

- Sans doute autant que tu en as eu à quitter l'Irlande… lui répondit la vieille dame.

- Je ne sais pas... Je voulais recommencer ma vie... Je n'avais pas le choix.

- Moi non plus ! rit Mummy. Je voulais me marier et Steven devait rentrer en Ecosse. Et puis, l'amour fait faire quelques folies parfois. Alors, je l'ai suivi, tout naturellement. Les choses sont peut-être plus complexes aujourd'hui. Mais c'est bien aussi de ne pas dépendre de son mari.

- Je ne sais pas si je recommencerai à travailler après la naissance du bébé, fit Maureen. C'était important pour moi de ne plus dépendre de Brian… de montrer aussi à ma famille que je pouvais me débrouiller seule, m'en sortir seule. Je ne voulais plus dépendre de personne, ni vivre aux crochets de personne, comme Lawra qui m'avait aidée.

- Est-ce que les choses sont différentes pour toi aujourd'hui ? Sur cette question-là, bien entendu, demanda Mummy.

Maureen ne répondit pas tout de suite. Elle réfléchissait :

- Ce qui est différent, ce sont les sentiments qui existent entre Mickaël et moi et qui n'ont rien à voir avec ce qui se passait avec mon ex-mari. Mais je crois que la question financière est différente aussi. S'il rencontre des difficultés avec le restaurant, ici, ce serait bien que j'aie un travail de mon côté.

- Tu pourras toujours chercher tranquillement, après la naissance, fit remarquer la vieille dame.

- Oui, il n'y a pas d'urgence.

Les mains de Mummy bougeaient toutes seules sur les aiguilles, le tricot prenait forme. C'était un petit pull.

- Il faudra que j'appelle Ingrid ce soir ou demain, dit la vieille dame pour parler un peu d'autre chose. Je ne sais pas quand elle va venir. J'aimerais bien voir la pitchoune.

- Cela me plairait aussi, dit Maureen. Je suis certaine qu'elle sera sage !

- Nous verrons cela, alors.

Jeudi 13 juillet 2006

Dans l'après-midi, elles reçurent la visite de Mary, venue s'enquérir de leurs besoins, du fait que Jenn n'était pas là pour faire les courses. Cette dernière et John avaient annoncé leur retour à Fort William et s'arrêtèrent d'abord voir Mummy et Maureen. Jenn fut heureusement surprise de trouver là sa propre grand-mère.

Le récit des préparatifs du déménagement de Sam les fit tous bien rire.

- Rien que les cartons de bouteilles... Je ne crois pas que Mickaël en ait autant ! soupira Jenn.

- Par contre, il peut peut-être rivaliser avec les boîtes de thé, suggéra Maureen, amusée.

- C'est certain ! Et puis, ça a un avantage : le thé, c'est moins lourd à transporter... Mais j'avais intérêt à être présente, car papa était prêt à goûter à certaines bouteilles... et pour peu que Sam soit par là, je vous laisse imaginer le tableau ! Moi faisant les cartons et eux deux s'octroyant une séance de dégustation !

- Oh que de vilenies, ma fille ! dit John avec amusement. Comme si j'allais abandonner mon poste à la première occasion venue...

- Quel poste, John ? demanda Mary. Celui d'aider Jenn ou celui de partager un verre avec Sam...

- Ah, mais, je vois bien de qui ma fille tient parfois sa langue de vipère...

Il avait dit cela d'un ton si comique que toutes éclatèrent de rire. D'autant que Mary n'était vraiment pas du genre à être une langue de vipère, Maureen l'avait déjà bien constaté. Elle avait aussi pu mesurer l'entente entre Mummy et sa belle-sœur, leur profonde connivence. Elle était heureuse pour Mummy que celle-ci ait pu bénéficier d'un accueil aussi chaleureux dans la famille de Steven, alors qu'elle avait tout laissé derrière elle en l'épousant, et surtout ses parents et son frère auxquels elle était très attachée. Mais l'avenir l'avait attendue ici... Et Maureen se dit que l'accueil dont elle avait elle-même bénéficié dans la famille de Mickaël n'avait finalement rien de surprenant : c'était le même que Mummy avait connu en 1945.

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