Vendredi 17 février 2006

Main dans la main, Mickaël et Maureen remontaient lentement la rue. Le magasin n'était plus très loin et ils avançaient avec prudence sur les trottoirs pourtant déneigés. Par endroit, il y avait quelques plaques glissantes et le jeune homme voulait absolument éviter toute chute ou entorse à sa compagne. C'était la fin de matinée et ils sortaient tout juste de chez le médecin. Celui-ci avait ausculté Maureen, pris sa tension, posé quelques questions et regardé avec attention les résultats de son analyse de sang. Il lui avait prescrit une première échographie, à faire d'ici un mois, pour s'assurer que tout allait bien, et des vitamines.

Elle avait fermé son magasin plus tôt, le livreur ayant pu lui apporter les fleurs avant la fermeture. Mais elle n'avait pas eu le temps de les ranger, aussi Mickaël l'aida-t-il avant d'aller préparer leur repas. Ils s'octroyèrent une petite sieste câline avant qu'elle ne rouvre la boutique et qu'il ne parte pour le restaurant.

Alors qu'elle se rhabillait, il l'enlaça étroitement et lui dit :

- A ce soir, ma douce. Ne te fatigue pas trop.

- Ne te soucie pas, sourit-elle en réponse. Je vais alterner soigneusement les moments où je serai assise et debout. Le rangement est fait. J'ai préparé quelques bouquets ronds, je pense en avoir assez pour aujourd'hui. Je peux être assise pour préparer les petites compositions, celles avec des supports. Et je me lèverai seulement si j'ai des clients.

Il la serra un peu plus contre lui :

- D'accord. Tu m'appelles si besoin...

Elle éclata de rire :

- Je vais très bien, je te rassure... Ce n'est pas parce qu'on a été voir le médecin qu'il faut s'inquiéter ! Il a dit que tout allait bien...

- Oui, je l'ai entendu, mais... Bon, je ne panique pas, hein, mais...

Elle le regarda tendrement, passa ses mains dans ses cheveux :

- Mais... tu ne peux pas t'empêcher... Hum, tu sais que tu vas devoir tenir jusqu'à la fin septembre - début octobre ?

- Tu te moques... protesta-t-il d'un ton faussement outré.

- Non, même pas... renchérit-elle. Allez, vas-y. Ne te mets pas en retard, sinon, Sam va se moquer de toi. Et Harris va s'inquiéter. A ce soir...

Et pour éviter toute autre remarque, elle l'embrassa longuement.

**

Malgré la neige, Mickaël allait quand même travailler en vélo. Il en avait l'habitude, les rues étaient bien dégagées, du moins les rues passantes. Ce n'était que dans la ruelle, au restaurant, ou en arrivant chez lui qu'il lui fallait faire un bout de trajet à pied. Il prévoyait toujours un temps de déplacement plus long qu'à la belle saison ou à l'automne et il quittait donc Maureen un peu plus tôt dans l'après-midi. Rares étaient les nuits où il laissait son vélo au restaurant et rentrait avec un taxi, cela n'arrivait que si les chutes de neige étaient importantes dans la soirée.

Tout en pédalant, il repensait à ce qu'avait dit le médecin, les quelques conseils de bon sens qu'il avait donnés à Maureen. Et à lui aussi : il devrait veiller à bien cuire les aliments, à bien laver aussi les légumes et les fruits. Et elle devait éviter de piétiner, ce qui n'était pas toujours facile en boutique, surtout en fin de semaine, quand elle avait beaucoup plus de clients. Il s'interrogeait d'ailleurs sur l'opportunité de voir un autre arrangement avec Harris, afin de ne pas être de criée le samedi, pour pouvoir seconder Maureen au moins pour la matinée. Il était incapable de composer un bouquet, mais il pourrait l'aider pour regarnir les vases, porter les plantes en pot, et même emballer les bouquets. Cela n'était pas bien difficile. Il lui faudrait cependant attendre un peu avant de suggérer cet arrangement : il tenait à informer sa famille de la grossesse de Maureen avant d'en parler au travail.

Il arriva par la ruelle, rangea son vélo et gagna le vestiaire. Tony qui serait lui aussi papa d'ici peu - la naissance du bébé de Julia était attendue pour avril - était déjà arrivé ainsi que Vincent et Dan. Sam et Harry commençaient un peu plus tard ce jour-là. Il se changea rapidement et prit son poste. Harris avait rapporté quelques beaux poissons et surtout des coquillages. Il y avait de la lotte et il s'employa alors à préparer une sauce pour l'accompagner.

En ce début d'après-midi, l'ambiance était encore calme. Vincent secondait Tony, Dan avait commencé à préparer les légumes, lavage, épluchage. Ils échangèrent tous les quatre, les menus commençaient à s'élaborer dans leurs têtes. Mickaël fit quelques suggestions, puis Timothy arriva et s'enquit de ce que le patron avait rapporté : il pouvait ainsi préparer ses vins, mettre un certains nombres de blancs au frais et sortir aussi quelques rouges pour les mettre à la bonne température, même si les bouteilles ne seraient bien sûr ouvertes qu'à la demande.

L'arrivée de Sam sortit toute l'équipe de ce rythme calme des préparatifs et, bien vite, tout le monde fut dans le bain. La pause ne s'éternisa pas, le froid ramenait vite cuisiniers et patron à l'abri. Puis ce furent les serveuses qui arrivèrent, peu après Lisbeth, et s'employèrent à nettoyer la salle, dresser les tables. Lisbeth se permit juste d'interrompre Mickaël durant deux minutes, le temps de s'assurer que Maureen pourrait bien lui préparer un bouquet pour le lendemain comme convenu. Depuis la réouverture du magasin, en janvier, la jeune femme fournissait en effet désormais un bouquet pour décorer le comptoir du restaurant chaque samedi. Lisbeth avait décidé de toujours confier les petites décorations de table à son fleuriste habituel, mais elle avait tant apprécié ce que Maureen avait fait pour les fêtes qu'elle avait convenu avec elle de lui prendre un bouquet hebdomadaire.

Juste avant le début du service, Mickaël se permit une petite sortie au-dehors pour appeler Maureen et savoir comment elle allait : il faisait ainsi depuis mardi. C'était l'heure idéale : elle était de retour à l'appartement, soit chez elle, soit chez lui, et lui n'avait pas encore commencé à travailler. Il s'assurait ainsi que tout allait bien pour elle, avant de pouvoir la retrouver dans la nuit.