Chapitre 3 (dixième partie)

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Vendredi 9 juin 2006

Compte tenu de l'état de fatigue de Maureen, la médecin avait avancé l'échographie de contrôle de deux semaines. La jeune femme avait choisi ce matin-là, pour que Mickaël puisse l'accompagner. S'il dissimulait le mieux possible son inquiétude, Maureen la percevait cependant. Elle aussi était inquiète et se demandait si le fait d'arrêter de travailler serait suffisant. Le rendez-vous était fixé à 9h30. La médecin les fit entrer sans attendre et commença par lire les résultats de la dernière prise de sang que Maureen avait faite le mardi précédent.

- Bien, dit-elle. Vos analyses sont bonnes. De ce côté, tout va bien. C'est déjà rassurant. Est-ce que vous vous êtes bien reposée ces derniers jours ?

- Oui, répondit Maureen. Comme je vous l'avais dit, je n'ai honoré que les commandes que j'avais enregistrées, j'en ai même refusé... Et la maman de Mickaël est venue m'aider samedi dernier. J'ai encore une commande importante pour samedi prochain, pour un mariage et deux bouquets.

- Très bien. Venez, préparez-vous, on va faire l'échographie. Je vais cependant vous poser la question rituelle à ce stade avant de commencer. Car même si nous faisons cet examen pour contrôler que tout va bien par rapport à votre fatigue, il y a aussi d'autres points à vérifier, comme pour chaque deuxième échographie. Et je vous demande donc si vous souhaitez connaître le sexe de l'enfant ou pas.

- Non, répondit Maureen. Nous aimerions avoir la surprise pour la naissance...

- Tout à fait, renchérit Mickaël qui se sentait un peu rassuré par les propos de la médecin depuis le début de leur entretien.

- Très bien, répondit-elle. Cependant, il se peut qu'on voie très bien et là, je ne pourrais rien faire...

- Oui, bien sûr, sourit le jeune homme.

Maureen s'allongea sur la table d'examen, Mickaël prit place sur le siège à ses côtés. Il la sentait nerveuse, rien qu'à lui tenir la main et la serra avec douceur pour la rassurer. Ils échangèrent un regard avant que l'examen commence.

- Bien, tout d'abord, le bébé est toujours bien placé et bien vivace, commença la médecin. Il n'est pas trop bas et c'était ma principale préoccupation, je vous l'avoue. Donc, déjà, sur ce point, nous pouvons être rassurés.

Mickaël ne put retenir son soupir de soulagement. Les doigts de Maureen s'agrippèrent aux siens et il lui rendit sa pression. La médecin poursuivit :

- Il se forme bien, la tête, là, ses membres... Je contrôle la taille de la colonne vertébrale... Bien, dans la moyenne, le rachis aussi... On va écouter le cœur à nouveau.

Les petits battements s'entendirent bien nettement et Maureen se sentit alors tout à fait rassurée.

- Et hop, une pirouette !

Ils virent nettement le bébé se retourner.

- L'avez-vous senti ? demanda la médecin.

- Oui, répondit Maureen avec un peu d'émotion. Et depuis quelques jours... Avant, cela ne me faisait comme des petites bulles, je n'étais pas sûre...

- C'est une bonne nouvelle. Vous devriez le sentir maintenant de plus en plus et au quotidien. Ne vous alarmez pas si, pendant quelques heures, il ne bouge pas, c'est qu'il dort.

Maureen lui sourit en retour. Puis la médecin fit descendre un peu l'appareil pour contrôler le col de Maureen.

- Là aussi, tout va bien. Mais ce n'est pas parce que l'examen est rassurant qu'il faut repartir sur les chapeaux de roues, n'est-ce pas ?

- Compris, docteur, dit Mickaël.

- Oui, bien sûr, ajouta Maureen.

- Je vous laisse vous rhabiller... On va parler de tout cela.

Ils reprirent place peu après au bureau. La médecin tapait son compte-rendu et observait encore les clichés de l'échographie.

- Je vous laisse honorer la commande que vous avez pour samedi, à condition d'avoir de l'aide et de vous reposer d'ici là. Vous restez le plus possible allongée, mais vous vous levez à intervalles réguliers, pour une petite marche, même dans la rue, d'une dizaine de minutes environ, pour activer votre circulation. Je ne veux pas vous mettre sous médicaments contre les risques de phlébite pour le moment. Je vous revois la semaine prochaine, pour un contrôle. Si nécessaire, je vous prescrirai des piqûres, mais si vous pouvez alterner ainsi... Cela devrait suffire. Votre tension est encore un peu basse, il faut rester vigilant. Levez-vous lentement pour éviter les étourdissements.

- Bien, docteur, répondit Maureen.

- A la moindre alerte, vous venez aux urgences ici. Saignements, chute soudaine de tension, douleurs comme celles que vous avez ressenties la semaine dernière. Mais je ne pense pas qu'on en arrive là, ajouta-t-elle avec le sourire. Soyez rassurés, l'un comme l'autre. Mais du repos.

Ils hochèrent tous deux la tête. Maureen repartit avec deux nouvelles ordonnances, pour des vitamines et pour une prochaine prise de sang.

**

En sortant de l'hôpital et comme il n'était pas très tard, Mickaël fit une proposition un peu originale à Maureen qu'elle s'empressa d'accepter :

- Ma douce, nous sommes à deux pas du Palais des Thés... Que dirais-tu d'aller y faire un petit tour et ensuite, je te ramène à l'appartement.

- Il faut refaire des provisions ?

- Quelques-unes pour Mummy, oui, répondit Mickaël. J'ai bien vu à notre dernier passage que certaines boîtes étaient presque vides et notamment Zen... Je suis sûr qu'elle en boit presque tous les soirs...

- Oh, alors oui, allons-y... Il ne faudrait pas qu'elle en manque et puis... Ca va me faire du bien d'aller là-bas, reconnut Maureen.

Il l'entoura de ses bras et dit :

- La médecin a été rassurante, ma douce. Aie confiance. Je suis certain qu'avec du repos, tout va rentrer dans l'ordre. Elle aurait pu te demander de renoncer à ta commande de samedi, elle n'en a rien fait. Pour moi, c'est bon signe. Ca veut dire qu'elle a bien compris que nous serions sérieux, que tu te reposais effectivement le mieux possible. Mais que c'était aussi important pour ton moral de pouvoir honorer cette dernière commande.

- Tu as raison, dit Maureen en sentant sa voix flancher. Alors, allons au Palais des thés ! Quelque chose me dit que tu as envie d'une nouvelle création...

Mickaël sourit et dit :

- Tu le devines bien... Tu me devines bien...

**

Quand ils franchirent le seuil de la boutique, ils constatèrent que Daisy et Mark Hornfield étaient tous deux occupés à servir des clients. Mickaël se permit cependant d'interrompre Daisy pour lui demander une chaise pour Maureen, pour qu'elle puisse s'asseoir. Puis ils attendirent tranquillement. Pour Mickaël, attendre ici n'était jamais un souci. Cela lui permettait de se mettre les odeurs en tête, de réfléchir tranquillement à ce qu'il allait faire. La voix de Maureen le tira de ses réflexions :

- Quel thé veux-tu créer ?

- Je veux en créer deux. J'ai eu l'idée en regardant mes boîtes de thé l'autre jour et en me faisant la remarque que je n'en ai aucun à commencer par X. C'est difficile de trouver un adjectif pour cette lettre alors j'ai pensé qu'un XY et XX seraient bienvenus, surtout en ce moment... dit-il en lui souriant.

Elle ne répondit pas sur le champ, sourit en retour. Une émotion lui étreignit le cœur : Mickaël allait créer un thé pour leur bébé. Ou plutôt, deux. Il allait en imaginer un pour un garçon et un pour une fille. Cela la toucha beaucoup, car c'était pour lui le moyen d'exprimer son propre ressenti face à l'arrivée de cet enfant. Elle était aussi très curieuse de le voir faire.

Daisy en avait terminé avec son client et s'avança vers eux.

- Bonjour à nouveau, Maureen, Mickaël. Alors, comment allez-vous ?

- Vous voyez... dit la jeune femme en écartant un peu les pans de sa veste. Il ou elle commence à profiter...

- C'est une belle nouvelle que ce bébé ! sourit Daisy. Je me demandais pourquoi vous aviez besoin de vous asseoir. Mais pas de soucis, ne bougez pas. Voulez-vous un thé ?

- Oui, merci, volontiers, répondit Maureen. Je veux bien un Darjeeling, s'il vous plaît.

- Et toi, Mickaël ?

- Hum... Un Pu'erh, Daisy, merci.

- Nous en avons reçu un nouveau. Veux-tu l'essayer ?

- Volontiers !

Daisy se glissa dans la petite pièce attenante, prépara le thé, puis revint quelques minutes plus tard avec deux tasses. Avant de goûter à la sienne, Mickaël se pencha au-dessus de celle de Maureen pour s'imprégner du parfum du Darjeeling. Il dit simplement :

- Celui-là, c'est féminin.

- Et le tien, le masculin ? dit doucement Maureen.

- Cela peut, oui. La base. Après...

Il se redressa, son regard se perdit dans l'alignement des boîtes de thés. Puis il murmura, plus pour lui-même :

- Tant de possibilités... Mais quelques idées...

Maureen sourit. Elle l'observait, à la fois avec curiosité et amour. Les volutes de son thé montaient jusqu'à ses narines et elle apprécia le petit réconfort, l'ambiance feutrée de la boutique. Mark terminait de servir le client, mais une autre dame venait d'entrer. Daisy attendait tranquillement que Mickaël lui précise ses premiers éléments.

- Bon, on va commencer par la fille... décida-t-il soudain. Darjeeling comme base, j'y tiens.

Daisy sourit et reprit la boîte dans laquelle elle avait puisé quelques grammes de thé pour préparer la tasse de Maureen. Mickaël s'appuya au comptoir, regarda encore les boîtes.

- Un fruit. Je veux mettre un fruit. Doux, sucré... Fille et femme à la fois. Pour le futur. Un soupçon d'espièglerie, de la douceur. De la volonté, aussi. Hum... Framboise, c'est Léony. Je ne vais pas choisir ce fruit-là. Pas de poire ou de pomme, qui conviennent mieux pour des adultes. Non... Myrtille. Que penses-tu de myrtille, ma douce ? fit-il en se retournant vers Maureen.

- Pourquoi pas...

Mais sa voix était un peu dubitative et Mickaël la fixa alors. Daisy se permit d'intervenir :

- Tu as déjà marié la myrtille avec le thé rouge, pour Velouté.

- Oui, c'est vrai. Et ils allaient bien ensemble. Avec le Darjeeling...

Il fixait toujours Maureen et eut un mince sourire :

- Darjeeling et cerise, Daisy. Juste ces deux-là. Et j'ajouterai une épice en plus... pour le petit grain de folie.

Daisy prépara le mélange, Mickaël le sentit, puis dit :

- Cela me donne vraiment envie d'ajouter une toute petite pointe de gingembre, mais... Non, quelque chose de moins prononcé. Hum... J'aime beaucoup la cannelle, mais elle n'ira pas bien avec la cerise.

Il se replongea dans ses réflexions, puis il ajouta :

- L'hibiscus, Daisy, ça... Oui, ce serait sympa à envisager.

Daisy ajouta une petite pointe, fit sentir le mélange à Mickaël, qui passa ensuite la tasse à Maureen.

- C'est doux, dit-elle. Cela me plaît ainsi.

- Ok, on va le goûter alors.

Daisy prépara l'eau, la versa sur la tasse. Les parfums se développèrent tranquillement. Maureen quitta sa chaise un instant, pour découvrir ce premier mélange. La couleur du thé était jolie dans la tasse, d'un rose tirant sur le rouge.

- J'aime beaucoup la couleur, dit-elle. Elle me rappelle celle d'Harmonieux...

- Alors, c'est une raison de plus de garder la cerise, sourit Mickaël. Et ce serait un lien intéressant avec Harmonieux, effectivement.

Maureen lui sourit en retour. Daisy demanda :

- Pour le dosage, cela te convient, Mickaël ?

- Oui. Sur 100 g de Darjeeling, on va mettre 20 g de cerise et 10, voire 12 d'hibiscus. Cela devrait être pas mal... Et maintenant, XY... Le Pu'erh me plaît bien. Mais il faut l'élément masculin. Et je ne vais pas hésiter longtemps : citron, Daisy. Citron.

Maureen sourit. Mickaël reprenait là des éléments d'Harmonieux, ce qui ne l'étonnait guère. Et déjà, il poursuivait :

- Pour le dernier élément, je choisirai de la menthe. Avec le citron, ça va exploser, les saveurs vont se répondre l'une à l'autre. Un bon cocktail.

Daisy sourit et ajusta les doses selon les souhaits de Mickaël, puis elle leur fit sentir à tous deux le mélange avant de le faire infuser. Mickaël ajusta encore le dosage de la menthe, puis se sentit satisfait. Et d'autant plus que Maureen souriait largement...

**

Sur le chemin du retour, Mickaël sentit que Maureen était bien plus sereine qu'au petit matin, quand ils s'étaient levés. Ses traits s'étaient détendus, un léger sourire était revenu sur ses lèvres. Mais son regard était encore légèrement soucieux.

Il l'obligea à s'allonger pendant qu'il préparait leur repas et quand il entra dans la chambre pour lui dire que c'était prêt, elle était endormie. L'heure tournait, il ne pouvait pas s'attarder trop et décida de commencer à manger sans elle. Elle le rejoignit alors qu'il terminait son plat.

- J'ai beaucoup dormi... fit-elle.

- C'était le mieux à faire. On a eu une matinée bien remplie. Je n'ai pas voulu te réveiller, dit-il pour s'excuser. Mais je dois partir d'ici une demi-heure...

- Oui, je sais. Ce n'est pas un souci... Je vais manger maintenant et puis, j'irai arroser les plantes, préparer mes supports et...

- ... et rien du tout. Tantôt, tu ne descends pas au magasin ou juste pour te dégourdir les jambes. Tu dois te reposer, Maureen.

Elle soupira et il regretta presque son insistance car les larmes lui montaient aux yeux. Il lui caressa doucement le poignet.

- Ca va aller, ma douce. Mais le repos avant tout. Demain matin, je t'aiderai pour la boutique, à arroser les plantes et à préparer ta dernière commande. Penses-tu qu'on aura besoin de maman aussi ?

Elle hésita un peu à répondre, réfléchit, puis dit :

- Oui, ce serait mieux. Même si on la fait se déplacer pour peu de temps. Car c'est vraiment une grosse commande, avec plusieurs gerbes, des petits bouquets pour les enfants, pour les demoiselles d'honneur...

- Cela, ce ne sera pas un problème. Je vais l'appeler tout à l'heure.

- D'accord.

- Mange, maintenant, sinon, je vais devoir réchauffer ton plat et celui-là... Celui-là n'obéit pas à l'adage du "plus c'est réchauffé, meilleur c'est", dit-il en souriant.

Et cela fit revenir un petit sourire sur le visage de Maureen. Puis, alors qu'il rangeait ses affaires et que Maureen prenait son dessert, Mickaël lui demanda :

- Alors, pour ce midi, tu veux XX ou XY ?

- J'ai goûté XX ce matin, puisque c'était avec le Darjeeling, répondit Maureen. Je veux bien XY, du coup.

- D'accord, dit-il. Va pour XY.

- Tu en prends aussi ?

- Oui, j'ai encore un peu de temps.

Ils prirent place dans la chambre, Mickaël fit le service. Maureen s'appuya contre son épaule et il l'entoura de ses bras, la cajola un moment. Ce petit moment de réconfort, juste tous les deux, fit du bien à la jeune femme et quand il repartit travailler, il lui dit simplement :

- Je t'aime. A ce soir.

- Je t'aime aussi. Ca va aller. A ce soir.

Et elle l'entoura encore de ses bras, car elle ressentait le besoin d'une dernière étreinte.

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