Ashar

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La descente avait été laborieuse. Ma fille et l’autre pute bornée s’étaient chacune emparées d’une partie du fauteuil mais elles avaient bien failli me rompre le cou. Kashi portait un mini short de coton blanc à petites fleurs rouges et un débardeur assorti. Un pyjama qui ne cachait pas grand-chose de sa jolie poitrine et de la tâche noire sur sa cuisse. La marque baveuse qui s’étirait mollement jusqu’en dessous du genou m’avait arraché un frisson. Je savais parfaitement ce qu’elle signifiait et je ne voulais évidemment pas que ma superbe fille ne meure. Mais rien ne pressait et j’avais encore moins envie que ces deux folles me gardent prisonnier à vie. J’avais déjà donné…

Le salon s’était empli d’une odeur savoureuse et je regardais mon assiette pendant qu’elles me détachaient les mains et me débarrassaient de mon bâillon. Je pensais vaguement à m’enfuir mais mes chevilles étaient si solidement scotchées aux pieds du fauteuil que je n’aurais eu aucune chance. Mali fit le service dans un silence parfait. Un autre que moi aurait pu s’y sentir mal à l’aise mais j’aimais les silences presque autant que la cuisine de Mali. Je ne comprenais pas pourquoi les gens se sentaient toujours obligés de parler, jacasser pour ne rien dire...

L’ombre d’un sourire semblait flotter sur les lèvres de l’adolescente qui finit par éclater d’un rire clair.

"Qu’est ce qui te prend ? demanda sa mère.

  • Qu’est ce qui me prend ? Non mais t’as vu notre table ? On est là, à manger tranquillou alors que mon père mort est attaché à un fauteuil !
  • Je ne suis pas mort, rectifiais-je, en commençant doucement à m’offenser de ce statut.
  • Oh ça peut tout à fait s’arranger, souffla Max.
  • Ta gueule, le rat des saaaaaah !"

La douleur m’arracha un hurlement et je posais un regard incrédule et horrifié sur la fourchette qui clouait ma main à table.

"Tu la traites encore une fois de rat des sables…, menaça Mali, les doigts encore serrés sur le manche. Et toi, fit-elle à l’adresse de sa fille, tu arrêtes de rire et tu manges."

Elle retira la fourchette d’un geste sec et l’essuya soigneusement avec sa serviette bleue. Je repris mon souffle, la douleur me paralysant la main. Je l’enroulais dans ma propre serviette, le front brillant de sueur. Le sang tâcha d’ombres le tissu aux couleurs du FN. Tout le monde regardait bouche bée la maîtresse de maison qui entama son plat.

"Vous ne mangez pas ? Vous n’aimez pas ? demanda-t-elle d’une voix inquiète."

D’un même mouvement, elles prirent leur fourchette. Je fis de même, d’une main tremblante, incapable de réfléchir clairement. Mali m’avait enfoncé sa fourchette dans la main ? Ce n’était pas une information fiable et logique. Cette information n’existait pas dans mon monde.

"Alors, ma chérie ? reprit-elle pour Kashi. Ta journée ? Qu’avez-vous fait pour la Commémoration ?"

Ma fourchette était prise de spasmes incontrôlables. Une nausée avait remplacé mon appétit. Une douleur sourde palpitait au creux de ma paume mais c’était ma rage qui me rendait malade. Des mirages de violence se dessinaient entre les pommes de terre et les poivrons éparses. Kashi balbutiait :

"Des jeux d’équipes…un-un discours, t-tu vois, comme d’hab’…"

Je sentais son regard sur ma main. L’Autre Pute ne disait pas un mot. Elle observait Mali avec intérêt, comme si elle exposait une théorie révolutionnaire sur les énergies renouvelables, touchant à peine à son assiette.

"M’man…qu’est ce qu’on…qu’on va faire ? demanda brusquement Kashi"

Il y eut un long silence et je cru un moment qu’elle allait planter sa fourchette dans l’œil de sa propre fille. Ce fut Max qui prit la parole et sa réponse me glaça le sang :

"Il est déclaré mort, non ? On a qu’à le tuer."

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