Chapitre 4 :

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Mon souffle s’accélère lorsque je me détache de lui.

— Désolé… susurre-t-il du bout des lèvres.

— Ça faisait si longtemps, soufflé-je sans relever.

Nos regards s’affrontent. Puissants. Possessifs. Excitants. Sans couper le contact de nos iris brûlants d’un feu ancien, je déboutonne sa chemise, en écarte les pans. Et quand mes doigts se perdent sur ce torse aux teintes animées des chaudes couleurs du foyer, nos deux visages s’aimantent à nouveau. L’attraction supplante tout. Au contact de nos lèvres, un soupir de contentement s’élève dans la pièce, nous porte, nous conforte.

Accroché à ce petit aparté me menant droit à un paradis que je sais éphémère, je me sens si bien. Son odeur musquée m’émoustille, me provoque, m’attise. Tout en poursuivant ce baiser, je l’aide à retirer sa chemise. Débarrassé de son vêtement, ses paumes se posent sur ma tunique. Les sensations que m’apportent ses doigts venant de trouver mon épiderme me volent un frisson.

Pantelante, je me hisse sur ses genoux. Pressée contre lui, les ressentis redoublent. Mes mains se perdent dans sa chevelure épaisse. Un grognement lui échappe. Rauque. Sensuel. Sauvage. Ses paumes parcourent mon dos, effleurent mes fesses à travers la toile de mon pantalon pour me ramener au plus près de lui. Je perçois son désir, son envie de plus, poindre sous le tissu. Toutes les sensations oubliées depuis ma fuite avortée me submergent. C’est si excitant !

À bout de souffle, je me redresse avant de me relever, mettant une distance entre nous. Interdit, il m’observe, la respiration courte. Je ressens toute sa frustration et pour une raison que j’ignore, cela me fait plaisir. D’un geste ample, je retire la tunique difforme qui me recouvre, puis relâche la ceinture retenant mon large pantalon de toile. Son regard se teinte d’un voile. Un sourire carnassier étire ses lèvres.

Je ne me reconnais plus à être tant attirée par un homme dont je ne connais rien. En deux pas, je m’approche à nouveau. Plantée devant lui, une jambe de part et d’autre de ses cuisses, juste vêtue de mes sous-vêtements d’une autre époque, je me plais à évalue ses réactions. D’une main possessive, il agrippe un de mes poignets et le tire à lui pour que je prenne place à califourchon sur lui. À portée de ses doigts, il dévoile ma poitrine dans une caresse voluptueuse.

J’apprécie ce qu’il se dégage de lui, ce qu’il me fait éprouver. Les paumes à présent sur mes hanches, il m’incite à me positionner au plus près. Ses gestes, aussi doux que sauvage éveillent mes plus bas instincts. À l’instant, je me sens hors du temps, hors de cette zone où l’humanité a perdu sa place. Mon visage s’approche pour sceller nos bouches.

— Tu es sûre de toi ? murmure-t-il après s’être reculé, esquivant ma tentative de baiser.

Si je suis sûre ? Aucune idée puisque je ne réfléchis plus. Seul mon instinct parle. Le besoin de le ressentir en moi supplante tout. Primaire. Bestial. Une nécessité de lâcher prise, de ne plus penser, de m’abandonner dans un plaisir depuis trop longtemps oublié. Pourtant, il n’a pas tort. Quelque part, sa question me rassure, bien que ma raison s’est fait la malle avec ma conscience sous le bras. Ses doigts qui caressent ma joue et son regard trouble me coupe le souffle. Nos prunelles se subjuguent. J’en reste bouche bée…

— Nous n’avons rien pour nous protéger des…

Insistant, il a besoin de mon approbation. Ce détail me prouve qu’il est différent. Différent de toutes ses brutes qui auraient pris ce qui leur auraient semblé de droit. Différent de ces animaux peuplant cette contrée destituée.

— Personne ne m’a touchée depuis mon arrivée ici.

Voici la seule chose qui me vient. Tremblante, je ne peux imaginer qu’il me repousse maintenant. La symbiose est instantanée, notre attirance réciproque et, enfin, nous n’avons rien à perdre… Notre vie est déjà un enfer, une petite parenthèse ne nous fera que du bien.

— Moi non plus, termine-t-il sans que je ne le lui demande.

Ici, seule la crainte d’une maladie vénérienne inquiète ceux qui ont encore un peu conscience de leurs actes, puisque nous sommes tous stérilisés à notre arrivée dans cette fichue zone. Un vent de mélancolie me traverse. Aussitôt, je chasse la nostalgie de ma famille, de mon mari, de nos instants si lointains. Demain, je pleurerai sur leur souvenir, mais pas maintenant. À l’instant, je vais penser à moi, et rien qu’à moi. Me laisser une soirée, rien qu’une seule, à me donner l’illusion d’une vie ordinaire, d’un bonheur retrouvé.

— Dis-moi, la belle, comment tu t’appelles ?

La belle ? Je crois qu’il ne m’a pas bien regardée ! Que reste-t-il de moi, de ce que j’étais, avant. Je pense avoir pris quinze ans en moins de quatre. Mon visage s’est ridé, mes joues creusées et quant à mes cheveux, ils ont perdu leur éclat, leur couleur….

Son air est si doux… Mon prénom. La dernière fois que quelqu’un l’a prononcé, c’est mon mari quelques instants avant que le sas libérateur ne se referme sur eux, à l’instant où le garde m’a touché avec son fusil hypodermique.

— Romy.

Mon cœur s’emballe, son expression s’ouvre.

— Moi, c’est Enrow… souffle-t-il, impatient.

Sa voix me fait frissonner. Son prénom semble droit sorti d’un mythe. Il lui va si bien. Ma bouche se jette sur la sienne et nous profitons de ce déferlement de saveurs. Sans interrompre ce baiser rédempteur, mes doigts dégrafent la braguette de son pantalon. J’ai tellement envie de me laisser transporter que je deviens l’instigatrice de notre duo. Le grognement qu’il lâche me porte dans mon initiative. Essoufflé, il se redresse, se détache de moi, avant de m’inciter à m’allonger sur le sol. Les flammes se reflètent dans ses prunelles. Il est à tomber avec l’expression déchirante qui l’anime. Je tremble tant je le veux. Bien calé entre mes cuisses, il me surplombe. Un gémissement m’échappe. Ses iris, aussi sombres que profonds, me percutent et je ressens toute la réciprocité de mon attirance à sa façon de me dévorer du regard.

Pressant, il abaisse son pantalon et entre en moi sans plus de cérémonie dans une longue et lente poussée. Aucune douceur, aucune sensualité, juste une nécessité, un besoin de combler un désir bestial. Autrefois, je me serais formalisée, n’aurais pas apprécié qu’il me prenne pour une femme facile, qu’il ne se donne pas le temps de m’apprivoiser, mais plus maintenant, parce que tout a changé. J’ai changé.

Éprouvée, je ne peux retenir un petit cri quand je le ressens entre mes chairs. Ce qui se passe en moi est si fort, indescriptible. La sensation m’apparaît délicieuse et même plus que cela. Possessive, mes bras lui enserrent la nuque, le ramènent à moi et nos lèvres se scellent encore. Mon corps met un moment à se réapproprier les perceptions que son intrusion m’apporte. Il ne bouge pas et rapidement, j’en veux plus.

Très vite, mon bassin le pousse à s’activer. Un grondement lui échappe lorsque sa bouche quitte la mienne. En appui sur ses coudes, il me fixe, intense. Mon cœur s’affole. Mon ventre s’électrise. Je crois n’avoir encore jamais désiré quelqu’un comme je le désire à l’instant. Même l’amour de ma vie, mon mari, ma moitié. Avec lui, c’était plus doux, plus mesuré, plein de respect et de tendresse. Seulement, le manque physique provoque cette attraction irrationnelle qui me consume de l’intérieur.

Il entame de timides va-et-vient. Aussitôt, les perceptions montent, saturant rapidement tous mes sens. Des pics de chaleur infiltrent mon bas-ventre. Mon être vacille. Il capte mon emballement. Aussi pressé que moi, ses coups de reins s’intensifient. Nos gémissements s’élèvent, engouffrant le crépitement du feu.

Mon corps s’arcboute, lâche prise, s’abandonne. Me surplombant, il se fige, ne respire plus dans un râle des plus excitants. Un orgasme éphémère m’embrase pour s’éteindre aussitôt. Ça faisait si longtemps… Détendue, je me sens rassasiée, vivante. Son odeur me grise. C’est étrange, l’alchimie… Rares sont les hommes, même avant ma retraite forcée, qui ont pu déclencher un tel appétit.

Comme épuisé, il se laisse retomber. À moitié couché sur mon flanc, son souffle me percute. Nous restons ainsi, repus de sexe, repus de sensation, d’émotion. Au comble du bienêtre, mon regard se porte sur le foyer qui flamboie de mille feux. Sans même en prendre conscience, je me laisse bercer par ce que m’apportent les flammes. Nous ne parlons pas et je le remercie de ce silence. Sa présence me plait, sa proximité encore plus. Putain, je me surprends de cette pensée !

Il se détache de moi et se tourne vers le canapé. Tout en bougeant ses jambes, il se débarrasse de son pantalon toujours à ses chevilles. Un soupir lui échappe, puis sa respiration se calme, s’espace. Plus un mouvement. Il a dû s’endormir, mais cela ne me dérange pas. Je n’aurais pas apprécié discuter de ce que nous venons de partager. Parce que même si j’en ai retiré du plaisir, je me sens fautive, comme si cet abandon était mal. Pourtant, nul doute que mon mari, libéré de l’oppression du nouveau-monde et me pensant morte, a refait sa vie. Tout du moins, c’est ce dont j’essaie de me convaincre pour dissiper la boule de remords m’obstruant à présent la gorge.

Les buches sont presque toutes consumées. Je ne peux laisser le brasier s’éteindre, la nuit va être froide. Délicatement, pour ne pas réveiller l’homme qui dort près de moi, je me lève et remets du bois. Les mains au-dessus du poêle, je profite de la chaleur qui se diffuse sur ma peau nue. Je me retourne et l’observe, couché sur le côté, recroquevillé sur lui-même. Il parait si fragile. Même en dormant, son aura m’attire.

Après être allée récupérer une couverture dans le placard de ma chambre, je reviens vers lui et lui recouvre les jambes avec, puis je m’allonge derrière lui. Fatiguée, je ferme les yeux. Bêtement, je m’imagine réussir à m’endormir, mais c’est sans compter sur mes hormones, en ébullition depuis qu’il a réveillé la femme en moi.

Son hypoderme m’attise, m’attire, son odeur aussi. Je me rapproche de son dos. Son grain de peau sous la lumière vacillante de la flamme émoustille mon audace. Un doigt timide se pose sur son épaule. Du revers de la main, j’effleure discrètement son bras. Son épiderme crisse sous ma caresse. L’envie de le toucher me pousse à plus. Mes lèvres se collent à son omoplate juste pour le plaisir de le gouter, tandis que ma paume court lentement le long de son torse, le bas de son ventre.

Sa peau frissonne quand j’atteins la partie la plus intime de son anatomie. Je me surprends à le caresser, à me réapproprier la douceur de cette peau à la fragilité évidente. Je me redresse légèrement. Ma bouche laisse leur empreinte sur son épaule que je m’applique à déguster. Son souffle change. Son corps s’éveille. Il ne dort plus sans pour autant intervenir. Immobile, il me laisse lui offrir la tendresse qu’on ne connaît plus.

Au bout d’un moment, il se tourne vers moi. Un sourire à faire pâlir fend ses lèvres. Une de ses mains se pose sur me joue qui s’abandonne à cette caresse.

— Tu n’as pas sommeille ?

Pour toute réponse, je nie de la tête. Il reste silencieux. Nos yeux s’affrontent. Bon sang, ce qu’il est sexy ! Et comme j’ai encore envie de lui ! Bien loin de la précipitation vitale de tout à l’heure, je rêve de me perdre en lui tout en prenant le temps de bien ressentir, d’apprivoiser chaque sensation. Ses doigts agrippent ma nuque et il me ramène à lui pour m’embrasser avec passion. Tous mes sens sont en alerte. Mon cœur s’accélère, mon pouls s’envole, ma libido s’affole. Sans que nos bouches ne se quittent, il m’incite à m’installer sur lui.

Tout s’embrase. Pressante, je me redresse, abandonnant l’écrin de douceur que m’offraient ses lèvres aux saveurs sulfureuses. Le désir entre nous est palpable. Ses doigts qui courent le long de mes cuisses se rejoignent autour de ma taille pour m’inviter à me relever légèrement, juste pour me positionner et c’est dans un râle de satisfaction que je me laisse glisser sur lui. Le sentir en moi m’apaise aussitôt. Mais très vite, cette intrusion ne me suffit plus. Ses ongles s’enfoncent dans la peau de mes hanches quand mon bassin se meut d’avant en arrière.

Je ne réfléchis plus, ne pense plus. Je ne suis que ressenti. Bien que le besoin de prendre mon temps est réel, je ne peux empêcher mon corps de s’exprimer, d’en vouloir plus, d’annihiler ma raison. Les grondements qui s’élèvent de sa gorge font sauter le peu de réserve qu’il me reste. Le plaisir monte en moi, puissant, éprouvant, jusqu’à ce que je ne maîtrise plus rien. Tendue sur lui, je me cambre au maximum pour laisser les vagues de bienêtre me submerger. Toujours arrimé à mes hanches, il se crispe, lâche un grognement sexy.

Quand je sens la pression de mon être redescendre, je me laisse retomber sur son torse, puis glisse sur le tapis à ses côtés, une jambe posée sur la sienne.

— Waouh… souffle-t-il tout en caressant négligemment le bas de mon dos.

Gênée, je ne réponds rien. La douleur du remords me percute à nouveau. Plus forte. Plus destructrice. Une larme s’écoule le long de ma joue. Mes nerfs lâchent. Mon Dieu ! Comment ai-je pu balayer mon amour de toujours pour un type ayant un peu de sex-appeal ! Ce comportement me ressemble si peu… Les dernières barrières cèdent et je ne peux contenir la tristesse qui me persécute.

— Hey ! s’exclame-t-il lorsqu’il s’aperçoit de ma détresse silencieuse. Mais tu pleures ?

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