Chapitre onze : Une vie d'amour et d'eau fraîche.

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24 décembre 1938

-Ha...

-Dis-le, murmura André à l'oreille de son amant.

-Pas question ! HA ! André... gémit le jeune homme aux cheveux blonds.

Ce dernier était presque nu et tendrement torturé par celui qu'il aimait. Les deux hommes se trouvaient sur le lit dans leur grande maison près de l'océan. Tous deux avaient souhaité vivre près de la mer. Le cadre était beau et apaisant. Ils avaient emménagé deux semaines plus tôt et ils s'y sentaient bien. C'était leur petit nid douillet, un peu à l'écart de la ville. Juste eux deux.

Aux yeux de la société, ils ne formaient pas un couple mais étaient frères et pour expliquer leurs différences physiques flagrantes, la version officielle était qu'ils n'avaient pas le même père. André travaillait toujours dans le milieu de l'orfèvrerie. Il adorait découvrir les nouvelles modes qui s'y succédaient. Quant à Fabrice, anciennement nommé Guillaume puis Baptiste, dans cette vie, il était menuisier. Ils partageaient ce goût pour la création et leurs discussions étaient souvent passionnées dans ce domaine.

Les deux hommes profitaient du moment présent en faisant tout pour ne pas attirer l'attention sur eux. La société française était particulièrement instable ces derniers temps. Une Première Guerre mondiale l'avait abîmée, une guerre à laquelle André avait participé et l'ancien soldat qu'il était, avait malheureusement conscience qu'une seconde se préparait... Lui qui avait durement vécu cet événement, souhaitait plus que tout que son amant ne vive pas ce qu'il avait enduré. Il envisageait de fuir le pays et de lui en parler le moment venu. Il avait des années pour se remettre d'un tel traumatisme mais pour son doux Fabrice, c'était différent, sa vie n'était pas aussi longue que l'était la sienne. Et il désirait plus que tout le voir heureux jusqu'à la prochaine.

André savait que ce qui l'avait fait tenir durant cette guerre meurtrière et pas devenir fou malgré les horreurs des tranchées, était de revoir l'homme qu'il aimait. Il connaissait son destin qui était de le retrouver et c'était tout ce qui comptait. Il se disait parfois que Fabrice ne se rendait pas compte de tout le bonheur qu'il lui apportait, du soleil qu'il représentait pour lui dans cette longue vie qui se trouvait toujours assombrie lorsqu'il n'était plus à ses côtés. Oui, cet homme qu'il taquinait avec délice sur leur lit, était celui qui faisait battre son cœur et il avait parfaitement conscience que ça ne changerait jamais. Ils étaient destinés l'un à l'autre pour l'éternité...

-André ?

La voix inquiète de Fabrice le fit revenir à la réalité. Plongé dans ses pensées, il ne s'était pas aperçu de son immobilité soudaine au-dessus de son amant. Une main vint tendrement caresser son visage.

-Tu pensais encore à la guerre, n'est-ce pas ?

Il soupira.

-Je ne peux rien te cacher, répondit-il dans un sourire contrit.

Fabrice le fit basculer sur le lit et se mit à califourchon sur lui. Il faisait encore jour, la fin d'après-midi n'était pas loin et bientôt, la nuit prendrait son tour, les plongeant dans une ambiance de réveillon de Noël. Fabrice qui aimait cuisiner, avait préparé un festin pour ce soir, seulement pour eux deux. C'était ce qu'ils souhaitaient car les deux hommes n'avaient pas envie de devoir cacher leurs gestes tendres l'un pour l'autre, de se contenir lorsqu'ils avaient envie de s'embrasser ou de se câliner.

Même si le plus gros du repas était prêt, il lui restait encore des petites choses à préparer. Il ne s'attendait pas à ce qu'André, d'humeur taquine, l'attrape alors qu'il se trouvait dans la cuisine et l'emmène directement dans leur grande chambre ! Depuis, en voyant qu'il essayait de se dégager de son étreinte pour continuer ce qu'il faisait car il avait à cœur que tout soit parfait afin de rattraper les nombreux Noël durant lesquels André avait été seul, ce dernier s'était légèrement vexé et essayait de lui faire dire qu'il l'aimait. Comme s'il ne le savait pas ! Joueur, Fabrice refusait de le lui dire et sans l'avoir vu venir, s'était vu être peu à peu dépouillé de ses vêtements et torturé de caresses et de baisers. Il était à deux doigts de capituler lorsque son amant s'était figé, semblant plongé dans ses pensées. Le jeune homme aux cheveux blonds savait ce que ça voulait dire.

André avait participé à la Grande Guerre durant quatre longues années. Il avait vécu dans d'ignobles conditions et avait vu tant de soldats mourir ! Il avait assisté à ce que les hommes étaient capables d'accomplir de pire... Parfois, il se réveillait en pleine nuit, en sueur après un cauchemar. Alors, Fabrice le prenait dans ses bras et le réconfortait comme il le pouvait. Même si la guerre était terminée depuis maintenant vingt années, le traumatisme était toujours présent. Et il se manifestait encore plus depuis quelques temps avec la menace d'une autre guerre qui planait au-dessus d'eux. Tant de pays se trouvaient dans ce contexte en ce moment ! Il était sûr que leur tour arriverait, les alliances entre nations ne laissant pas vraiment de doute à ce sujet. Mais aujourd'hui était jour de fête et il ne savait pas de quelle manière allaient se passer ceux de l'année prochaine. Pour cette raison, il ne voulait pas qu'André se laisse contrarier. Le jeune homme désirait qu'ils profitent de ce Noël en sachant qu'il s'agissait peut-être du dernier passé ensemble avant longtemps...

-Chéri, nous sommes réunis dans notre belle maison. Aujourd'hui, nous allons fêter le réveillon, notre huitième passé ensemble. J'ai passé la journée à cuisiner en espérant que tout soit parfait. Pour toi. Pour nous. Parce que je t'aime. Et parce que l'avenir est incertain et que nous nous devons de profiter au mieux des moments durant lesquels nous sommes ensemble. Alors même si je sais à quel point c'est difficile pour toi et que je suis sans doute un peu dur de te demander cela, éloigne les mauvais souvenirs et profite.

Sur ces dernières paroles, Fabrice lui prit la main sur laquelle il déposa un baiser.

-Concentre-toi sur moi, ordonna-t-il en posant la main d'André sur son torse dénudé. Ou bien ne te ferais-je déjà plus aucun effet ?

Le ton était plein de malice mais une légère pointe de doute était palpable et elle eut sur André, un effet dévastateur... Bien ancré dans la réalité cette fois, il attrapa Fabrice et le renversa de nouveau sur le lit. Sans perdre un instant, il se jeta sur sa bouche qu'il dévora, affamé de son amant. Leurs érections retrouvèrent de la vigueur et se frottèrent l'une contre l'autre. André se redressa et plongea son regard empli de désir dans celui de son compagnon.

-Jamais je ne me lasserai de toi. Jamais.

-Tu dis ça maintenant parce que je suis encore jeune mais en sera-t-il toujours de même dans trente ans ?

André se figea. Il ne s'attendait pas à cette question.

-Comment peux-tu même en douter ? Et comment peux-tu avoir oublié notre dernière vie passé ensemble ? Tu m'as expliqué que ta mémoire était sélective et que tu ne te rappelais pas en détails ta première réincarnation mais que tu te rappelais de l'essentiel, de moi. Peut-être devrais-je te rafraîchir la mémoire ? dit le bel homme aux cheveux bruns dans un sourire carnassier qui fit frémir Fabrice.

Il entreprit de leur retirer les quelques vêtements qui les recouvraient encore et pressa son corps chaud contre celui de son amant qui en gémit de bonheur.

-Je t'aime. Et tu es le seul homme que je désire. Que tu aies vingt, quarante ou soixante ans, ça ne changera jamais. As-tu oublié la fois où nous avons passionnément fait l'amour en plein jour à même la petite barque au bord du lac ? Tu peux me rappeler l'âge qui était le tien alors que j'avais moi-même quatre-vingt-quatorze ans ?

Les joues de Fabrice s'enflammèrent face à se souvenir. Ils avaient fait « ça » en plein jour et dans la nature. Quelqu'un aurait pu arriver ! N'avaient-ils pas retenu la leçon avec ce qui leur était arrivé dans sa première vie et qui avait amené à toute cette situation ?! C'était dangereux sans la nuit pour les recouvrir et les cacher un peu ! De plus, à cette époque, il se faisait passer pour le père d'André car la société avait toujours besoin de voir les gens entrer dans une case. Cela les rassurait ! S'ils avaient été découverts, ça aurait donc été glauque à souhait... Mais ils s'étaient laissés tous deux emporter par la passion et ne le regrettaient absolument pas. C'était fabuleux !

-Ah ! Tu te rappelles, on dirait ! s'exclama André dans un grand sourire vainqueur.

-Eh ! Ne te moque pas ! Et puis ton âge, ça ne compte pas ! Tu gardes l'apparence d'un homme de trente-et-un ans ! Et...

-Mon corps ne vieillit pas mais mon esprit, oui avec mon vécu. Alors si, ça compte ! l'interrompit André sur un ton sérieux.

-Si tu veux... répondit Fabrice qui n'avait guère l'air convaincu. J'avais soixante-trois ans, je m'en rappelle parfaitement et c'était merveilleux.

Un nouveau sourire vint éclairer le beau visage au-dessus du sien.

-Tu vois ? Et cette fois ne fut pas la dernière où nous avons fait l'amour ! Loin de là ! Ça répond à ta question, non ? Alors n'aie aucune inquiétude et laisse-moi te montrer à quel point j'ai envie de toi, que ce soit aujourd'hui ou bien dans trente ans.

Fabrice hocha doucement la tête et les douces lèvres d'André vinrent de nouveau prendre possession des siennes. Sa langue le dévora, ne lui laissant aucun répit. Une fois satisfaite, elle entreprit de glisser dans son cou pour remonter jusqu'à son oreille, un des points faibles de son amant et il le savait parfaitement. André lui mordilla gentiment le lobe avant de glisser sa langue bouillante un peu plus haut, dans le creux, ce qui fit frémir le jeune homme dont la respiration s'accéléra encore. Sa délicieuse torture dura un moment alors que leurs hanches avaient repris leur mouvement de balancier.

-André... gémit Fabrice. Si... tu continues comme ça, je ne vais... pas tenir longtemps... Hum...

L'homme aux cheveux bruns ne répondit rien mais un grand sourire se forma de nouveau sur ses lèvres. D'un geste vif, il se baissa jusqu'à ce que sa bouche recouvre la virilité de son amant qui cria de surprise sous cet assaut soudain. André le lécha, l'aspira au sein de la chaude humidité de sa bouche dans des mouvements rapides, si rapides que Fabrice ne tarda pas à demander grâce, ne désirant pas jouir tout de suite. Il voulait que ce moment dure le plus longtemps possible, savourer toutes les sensations que son compagnon savait lui procurer, tout comme ce dernier le désirait aussi. Alors, il obéit et le retourna d'un mouvement vif qui fit de nouveau crier Fabrice de surprise.

André n'en avait pas terminé avec le corps sous le sien. Une de ses mains partit caresser tendrement le sexe de Fabrice pour se faire pardonner de l'avoir amené si près de la jouissance pour ne finalement pas la lui accorder, même si c'était lui qui lui avait demandé. Quant à sa bouche, elle se posa sur son corps afin de goûter la peau tendre des jolies fesses devant lui. Elles étaient si parfaites ! À la fois rondes et fermes ! Il les dévora littéralement, les mordillant, les léchant. Il voulait laisser sa marque sur lui. Ce désir était si fort mélangé à celui de dévorer chaque parcelle du corps de son amant, qu'il mordit plus fort dans la chair tendre, arrachant un cri de douleur au jeune homme. André se redressa, choqué par sa propre attitude.

-Excuse-moi, mon amour... Je me suis laissé emporter ! Est-ce que tout va bien ? Tu veux que je m'arrête ? demanda-t-il inquiet.

-Non... Ne t'arrête pas ! Je... J'ai aimé... J'aime ce désir que tu as pour moi et... qui fait écho à celui que je ressens pour toi...

En écoutant sa déclaration prononcée sur un ton plein de gêne mais aussi d'amour, André ne réussit plus à se contenir. Il cracha sa salive dans sa main et écarta sans prévenir, les fesses de Fabrice qui poussa un soupir surpris. André commença à le préparer avec patience et douceur, comme toujours. S'il y avait bien une chose qu'il ne voulait pas, c'était de lui faire mal alors il prenait son temps. Il finit par attraper la petite bouteille en verre contenant de l'huile qui trônait sur la petite table de chevet pour en lubrifier son sexe et d'un mouvement sûr mais doux, pénétra son amant qui s'accrocha aux draps.

Ne bougeant pas sur le moment, André se pencha jusqu'à l'oreille de Fabrice.

-Je t'aime, lui murmura-t-il, réchauffant encore plus le cœur rempli d'amour de son compagnon.

Ce dernier n'eut pas le temps de lui dire les mêmes mots tendres qu'André colla son dos contre le sien et commença ses va-et-vient rapides, frottant avec assurance ce petit endroit sensible en lui, le comblant de sa présence, le faisant gémir encore et encore jusqu'à le rendre fou. Sous les vagues de plaisirs de plus en plus fortes, il jouit rapidement, suivi d'André qui ne s'arrêta un moment que pour lui murmurer des mots d'amour, comme une douce litanie. Puis il le retourna, s'empara de sa bouche et le pénétra de nouveau. Fabrice s'accrocha à ses épaules et leurs regards ne se lâchèrent plus. Ils se disaient qu'ils s'aimaient avec les yeux, avec les mains, avec leurs corps... Ils ne sortirent de leur lit qu'une fois la nuit bien entamée et firent honneur au repas préparé par Fabrice.

Cinq mois plus tard, les deux hommes quittèrent leur belle maison qu'ils vendirent pour partir vivre en Suisse. Les cauchemars d'André s'étaient faits beaucoup plus fréquents, les rumeurs d'une nouvelle guerre dans laquelle la France allait se mêler étaient parvenue jusqu'à eux. C'est ainsi que le cœur serré, Fabrice accepta de tout quitter et de partir avec l'homme qu'il aimait plus que tout. Même s'il était prêt à combattre pour la patrie s'il le fallait, il ne voulait pas qu'André vive une nouvelle fois ce traumatisme. Il avait assez donné pour son pays. Et Fabrice savait que son amant ne partirait jamais sans lui.

Cette fois-ci, les deux hommes achetèrent une autre maison un peu reculée dans les belles montagnes Suisse et y vécurent des jours heureux. Autant qu'ils le pouvaient dans un monde dévasté...

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