Chapitre deux : Une nouvelle vie commence.

13 minutes de lecture

1er décembre 2020

On brûlera toutes les deux

En enfer mon ange

J'ai prévu nos adieux

À la terre mon ange

Et je veux partir avec toi

Je veux mourir dans tes bras

Que la mer nous mange le corps, ah,

Que le sel nous lave le cœur, ah,

Je t'aimerai encore...

Qu'il aimait cette chanson ! Même si elle parlait de l'amour entre deux femmes, alors qu'il était un homme, elle touchait son cœur à un point ! Il ne pouvait s'empêcher de chanter les paroles en même temps que la chanteuse à la voix merveilleuse. Un miaulement plaintif se fit entendre au sein de l'habitacle. Son chat en avait peut-être marre de l'entendre !

-Je sais, Francis ! Ça ne fait pas très Noël ! Mais je te rassure tout de suite, une fois que l'on sera installés, je n'écouterai que des chansons de Noël ! Allez, on est arrivés ! Ça va aller ! dit-il dans l'intention de rassurer son petit chat qui n'aimait pas être en voiture.

Comme tous les amoureux des chats, il aimait leur parler. C'était naturel ! Et il pensait que sans aucun doute, la plupart du temps, Francis comprenait ce qu'il lui disait ! C'était indéniable, même si un autre miaulement que poussa ce petit être démoniaque pouvait contredire ses pensées... Mais les chats étaient si têtus !

Que la mer nous mange le corps, ah,

Que le sel nous lave le cœur, ah,

Je t'aimerai encore

Je t'aimerai encore

Je t'aimerai encore

Je t'aimerai encore

On brûlera toutes les deux

En enfer mon ange

Tu peux écrire tes adieux

À la terre mon ange

Car je veux partir avec toi

Je veux mourir dans tes bras

Si la mer nous mange le corps, ah,

Si le sel nous pique le cœur, ah,

Je t'aimerai encore...*

La belle chanson d'amour venait de se terminer lorsqu'Adrien gara sa voiture sur le port. Il prit le temps de regarder ce qui l'entourait et ne fut pas déçu. Une mer agitée s'offrait à ses yeux. Oui, il ne regrettait pas d'avoir envoyé sa candidature pour ce poste dont apparemment, personne ne voulait s'il se fiait à la vitesse à laquelle on lui avait répondu ! Quelqu'un tapa sur sa vitre, le faisant sursauter. Il ouvrit alors la portière. Un homme aux cheveux blancs et au visage jovial dont la forte corpulence se trouvait emmitouflée dans un gros manteau marron, se tenait devant lui.

-Bonjour ! Excusez-moi de vous avoir fait peur ! Vous êtes bien Adrien Gauthier ? Vous êtes la seule voiture à vous garer ici durant cette dernière heure ! Je me suis dit que ça ne pouvait être que vous ! Je suis Alfred Lambert ! dit-il dans un sourire accueillant en tendant la main que le jeune homme serra.

-Ho ! Bonjour ! Pas de problème ! Je viens d'arriver et j'admirais cette vue magnifique ! répondit Adrien en sortant de sa voiture.

Un miaulement se fit de nouveau entendre. Il se pencha et jeta un coup d'œil vers la boîte de transport dans laquelle se trouvait un joli chat noir qui en avait marre d'être enfermé. Après tout, ils venaient tous deux de parcourir plusieurs kilomètres et de rouler plus de cinq heures !

-C'est votre chat que j'entends ? Il en a sans doute assez d'être enfermé ! Prenez vos affaires et suivez-moi ! Je ne vais pas attendre plus longtemps avant de vous montrer où vous allez vivre et travailler ! Vous verrez ! C'est beaucoup plus accueillant qu'il n'y paraît ! Comme vous le savez, vous aurez accès à la wifi et il n'y a pas de problème de réseau !

Le jeune homme de vingt-sept ans hocha la tête en souriant. Il prit sa valise, ses sacs qu'Alfred eut la gentillesse de prendre, et son chat. Il n'avait aucun meuble avec lui. Il avait choisi de tout vendre afin de garder un peu d'argent de côté, de ne pas être encombré pour le voyage et surtout parce qu'il savait que son nouveau foyer serait meublé. Ils prirent ensuite la direction de la demeure qui allait devenir sa nouvelle maison. Il avait hâte. Oui, hâte de commencer une nouvelle vie. Il avait grand besoin d'un nouveau départ !

Après avoir passé cinq années à l'Université et en être sorti diplômé d'un Master en Histoire, Adrien avait assez rapidement trouvé un travail dans un musée au sein même de la ville dans laquelle il avait étudié. Il y avait un peu assisté tout le monde à plusieurs postes différents. Ça avait été une chance pour lui. Beaucoup de ses amis n'avaient pas trouvé de travail peu de temps après être sortis de leurs études ! Certains avaient même dû repartir vivre chez leurs parents ! Cependant, il ne s'était jamais senti réellement à sa place dans ce milieu. Il était le genre de personnes à ne pas savoir pour quel métier il était fait. Et ça a pu être parfois, démoralisant...

Son bac littéraire en poche, il avait décidé de partir en fac d'Histoire parce qu'il adorait étudier ce qui s'était déroulé à plusieurs époques différentes, la manière dont chaque siècle avait ses particularités. Il trouvait cela réellement fascinant ! Pour autant, ça ne l'avait pas aidé à trouver LE métier fait pour lui. Alors, lorsque son contrat n'avait pas été renouvelé, ça ne l'avait pas touché tant que ça. Il avait surtout ressenti la peur de ne pas trouver un autre poste assez rapidement. Dans une société aussi capitaliste que la sienne, comment pouvait-on faire pour vivre sans avoir d'argent ? De plus, son chat comptait sur lui ! Il serait capable de le bouffer s'il n'avait plus sa ration quotidienne de pâtée et de croquettes !

Un miaulement se refit entendre. Avait-il lu dans ses pensées ?! Il jeta un coup d'œil à la boîte de transport. Malgré ses jouets qu'il avait mis dedans et son plaide préféré, Francis n'était pas rassuré du voyage !

-Ça va aller ! On est bientôt arrivés dans notre nouveau chez nous !

Adrien reporta son regard sur le paysage rocheux. Après avoir roulé un moment en passant devant de jolies maisons typiques à colombages*, la mer avait fini par faire son apparition. Ce poste pour lequel il avait rapidement eu une réponse positive, était une aubaine pour lui ! Les gens avaient-ils si peur que ça de se retrouver isolés ? Il avait cru comprendre que sa candidature avait été une des rares qu'ils avaient reçues en l'espace de quelques mois. Adrien se demandait même s'il n'avait pas été le seul à postuler...

-Nous y voilà ! s'exclama Alfred.

Il leva la tête afin d'admirer ce qui se présentait à lui. Un phare... Il était réellement gigantesque et le jeune homme se sentit soudainement tout petit face à ce bâtiment mythique. Il se trouvait en bout d'une sorte de pont naturel fait de matière rocheuse. Il était blanc et seul le haut rond était peint d'un rouge vif. Adrien pensa que ce bout tout rouge donnait au phare une allure de champignon et que c'était plutôt mignon.

Il regarda derrière lui. Le chemin rocheux n'était pas si long que cela à traverser avant de pouvoir rejoindre le port et ainsi, la ville. Oui, pour le moment, il ne regrettait vraiment pas d'avoir quitté sa région Picarde natale pour celle d'à côté. La côte Normande... Pour ce qu'il en avait vu pour l'instant, ce coin était magnifique et plein de promesses !

-Venez !

Alfred le fit sortir de ses pensées et ouvrit la porte. Adrien le suivit et referma derrière lui. La vague de chaleur qui le salua, fut la bienvenue ! Le vent de la côte était particulièrement glacial. Il allait falloir s'y habituer !

Ils commencèrent à monter les nombreuses marches qui composaient un des éléments essentiels du bâtiment cylindrique. Le jeune homme découvrit ainsi quatre salles assez grandes. La première qu'ils traversèrent, était la salle de contrôle qui ne servait plus à grand-chose aujourd'hui puisque tous les phares étaient désormais privatisés. Tout le système qui commandait la lanterne était ainsi contrôlé à distance. Ce poste de « gardien de phare moderne » consistait donc à entretenir le bâtiment et à accueillir les visiteurs en saison touristique. C'était parfait pour lui ! Il était assez bricoleur et un de ses passe-temps était d'écrire, et cet endroit lui semblait parfait pour cette activité ! Il se faisait aussi une joie à la pensée de longues balades sur le port !

La salle qui surplombait la précédente, était la chambre à coucher. Ils y déposèrent toutes ses affaires et évidemment, la boîte de transport qui contenait toujours son pauvre Francis qui ne demandait qu'une chose : sortir et explorer tout ça ! Mais Adrien voulait attendre qu'ils soient seuls avant de le laisser partir en exploration car il savait très bien que son chat risquait d'essayer de se sauver lorsqu'Alfred ouvrirait la porte d'entrée du phare pour s'en aller.

-Tu vas bientôt sortir ! Sois patient encore quelques minutes ! dit le jeune homme en caressant sa frimousse à travers la petite porte de sa boîte.

En détaillant la pièce, il put voir qu'un côté était caché par un long paravent. Curieux, il le contourna et découvrit qu'une cabine de douche, un lavabo dans un meuble contenant un placard en dessous et un miroir au-dessus, ainsi qu'un porte serviette, avaient été installés.

-Comme vous pouvez le constater, vous aurez tout le confort nécessaire ! s'exclama d'un ton joyeux, l'homme d'une soixantaine d'années.

-J'avoue que je suis agréablement surpris. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre.

-Je comprends et vous ne devez pas être le seul ! Votre présence est vraiment importante pour nous ! Je suis l'ancien gardien de phare de cette ville et ma retraite a été prise avec plaisir, il y a presqu'une année, maintenant ! Mais je ne pensais pas que j'aurais autant de mal à trouver un remplaçant ! Alors, sachez-le, on va vous bichonner, ici ! s'exclama-t-il dans un grand sourire que le jeune homme lui rendit. D'ailleurs, mon épouse vous invite à venir dîner chez nous dimanche prochain !

-Ho, merci ! Ce sera avec plaisir !

Adrien était sincèrement touché par cet accueil et ces personnes chaleureuses. Il n'en avait pas l'habitude. Son ancien métier était plutôt au sein d'un milieu guindé. Et sa famille... Il avait coupé les ponts avec eux. Il n'en pouvait plus de leurs remarques désobligeantes sur sa vie et la manière dont il la gérait mais surtout, sur sa sexualité. Il n'avait pas choisi d'être gay mais plusieurs membres de sa famille avait l'air de le penser lorsqu'ils l'incitaient régulièrement à chercher une compagne ! Pour ce qui était de ses amis, une fois ses études terminées, il avait perdu peu à peu contact avec presque tous. Il lui en restait deux qu'il voyait encore régulièrement. À présent, ils avaient prévu de se parler grâce à internet et la webcam ! Le jeune homme espérait vraiment que la connexion wifi serait assez bonne pour ça !

Il continua de suivre Alfred et ils montèrent un autre escalier. Chacune des pièces en contenait évidemment un pour monter jusqu'en haut de la tour. Une chose était sûre, il allait se faire des jambes musclées dans cet endroit ! Il put ainsi découvrir qu'au-dessus de sa chambre, se trouvait la salle de séjour avec une cuisine équipée et même un canapé et un fauteuil qui semblaient neufs. Il espérait que son chat n'en ferait pas son nouveau griffoir !

Oui, il ne pouvait pas penser le contraire, tout avait été mis en œuvre afin qu'il soit à son aise et ne veuille pas repartir trop vite. Et il appréciait. Beaucoup.

Les deux autres salles qu'ils visitèrent, étaient la salle de service dans laquelle se trouvait tout le matériel dont il aurait besoin pour entretenir le phare et la pièce dans laquelle se trouvait la lanterne. Cette dernière était entourée d'un balcon qui en faisait le tour. En regardant la mer agitée, il eut cette impression d'avoir atterri dans un autre monde. C'était réellement excitant !

Une fois la visite terminée, le gentil Alfred lui donna les clés en lui précisant qu'il en avait le double si jamais il les perdait. Il lui précisa qu'il viendrait le voir dans la semaine pour être sûr que tout se passait comme il faut et qu'il n'avait besoin de rien, et qu'il lui rappellerait le dîner prévu le dimanche suivant dans son humble demeure. Lorsque la porte se referma, Adrien poussa un gros soupir en passant la main dans ses courts cheveux blonds et prit le temps de s'y adosser quelques secondes. Cette journée avait été riche en émotions et la fatigue commençait à se faire sentir. Un miaulement le ramena à la réalité. Il était temps de faire sortir sa petite panthère !

**

Adrien était installé sur son nouveau canapé, écoutant sa playlist de Noël. Après tout, le mois de décembre, son mois préféré, était enfin arrivé et il se rappelait ce qu'il avait dit à son chat dans la voiture ! Pour l'occasion, il comptait d'ailleurs habiller le phare de sa plus belle parure de fin d'année ! Même s'il savait d'avance que Francis allait encore jouer avec quelques décorations...

Le jeune homme avait toujours aimé cette période. Il s'y trouvait un côté réconfortant fait de chocolats chaud, de plats bien gras et délicieux à base de fromage, de plaide dont il se recouvrait lorsqu'il lisait ou regardait une série, de films de Noël bien guimauves et chaleureux. Il trouvait d'ailleurs que les gens étaient de meilleure humeur que d'ordinaire. Et il adorait se promener sur les marchés de Noël en écoutant les chansons emplir les rues. Oui, il aimait cette période qui mettait du baume au cœur !

Profitant de sa première pause de la journée, il était en train de déguster un bon chocolat chaud avec de la cannelle. Cette boisson douce et brûlante était la bienvenue ! Le jeune homme avait enfin terminé de tout ranger ! Il avait également fait un peu de nettoyage. Ça lui avait pris quelques heures ! Il n'avait plus que les courses alimentaires à acheter le lendemain mais en attendant, il avait pris avec lui ce qu'il fallait pour tenir au moins deux jours, même des produits frais grâce à sa petite glacière. Quant à Francis, il continuait de se balader à travers les pièces et à courir comme un dingue dans les escaliers qui lui plaisaient apparemment beaucoup ! Ça faisait rire le jeune homme de le voir courir partout avec entrain.

Il tendit l'oreille et soupira de contentement. Il n'y avait pas que ses chansons qu'il écoutait mais aussi le bruit du vent et celui de l'océan qui frappait le bâtiment dans lequel il se trouvait. Cette nature déchaînée était aussi effrayante que bizarrement reposante. Il avait cette impression d'être loin de tout, loin des Hommes et c'était plaisant.

Adrien était un solitaire. Il avait toujours eu du mal à comprendre la plupart des gens, il avait toujours eu cette impression d'être inadapté socialement, toujours critiqué et jugé. Alors, cette solitude avec son chat et seulement quelques personnes à voir de temps en temps, lui allait très bien. C'était parfait !

Il jeta un coup d'œil à la vitre qui se trouvait derrière lui et eut la surprise de découvrir qu'un épais brouillard avait fait son apparition. Oui, vraiment épais... Il n'arrivait plus du tout à distinguer l'extérieur et se trouvait enveloppé d'un coton gris et dense. Même Francis semblait subjugué et regardait ce brouillard, bien installé dans son panier.

-Alors, mon joli petit chat ! Toi aussi, tu es intrigué ? demanda-t-il en lui caressant tendrement la tête.

Un ronronnement lui répondit. C'est alors qu'il vit une lumière scintiller au sein de cette épaisse nappe de brume. Oui... Une lumière qui ne bougeait pas de là où elle se trouvait mais qui avait l'air mouvante. Qu'est-ce que c'était ? Est-ce que quelqu'un était sorti et c'était fait avoir par ce brouillard soudain ? N'écoutant que son cœur, le jeune homme se leva et enfila ses chaussures et son manteau. Il n'oublia pas de prendre son téléphone portable au cas où et sa lampe de poche avant d'entreprendre de descendre les longs escaliers qui le mèneraient à l'unique porte d'entrée du phare.

Une fois à l'extérieur, il partit à la recherche de cette étrange lumière. En avançant doucement, il finit par l'apercevoir de nouveau.

-IL Y A QUELQU'UN ? cria-t-il.

Il marchait avec prudence. Il ne voulait surtout pas tomber dans la mer qui frappait la roche. Il savait que c'était dangereux de sortir de ce temps-là en ne distinguant pas grand-chose mais il ne pourrait jamais se pardonner de laisser quelqu'un dont la vie était en danger dans ces conditions alors qu'il n'y avait que lui dans les environs !

-VOUS AVEZ BESOIN D'AIDE ?

Le vent soufflait si fort qu'il ne savait pas si on lui avait répondu. Il continua d'avancer jusqu'à ce qu'une silhouette se dessine. Oui... La silhouette était celle d'un homme grand et aux épaules larges. Il tenait une lanterne dans sa main droite mais ne bougeait pas, semblant attendre. L'attendait-il, lui ? Le jeune homme ne comprenait pas mais il espérait de tout son cœur qu'il ne s'agissait pas d'un cinglé !

-MONSIEUR, AVEZ-VOUS UN PROBLÈME ? VOUS AVEZ BESOIN DE QUELQUE CHOSE ?

Il venait à peine de poser sa question, qu'il se stoppa face à cet homme qui lui faisait face. Seulement un petit mètre devait les séparer et Adrien pouvait à présent distinguer celui que le brouillard avait amené. Il avait cette impression étrange de l'avoir déjà vu. Pourtant, il n'avait aucun souvenir précis de ça et il était sûr que s'il avait rencontré un homme aussi beau, il s'en rappellerait clairement et en détail !

-Bonsoir, Adrien, fit cet homme d'une voix forte et profonde qui provoqua des frissons à travers le corps gelé du jeune homme.

Attendez... Cette voix... Elle lui paraissait si familière, si douce à l'oreille ! Et comment connaissait-il son nom ?...

*Pomme : "On brûlera".

*Maison avec une charpente apparente en bois garnie de plâtre, de torchis etc.

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